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04/12/2014 | FRANCE | N°13MA00812

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 13MA00812


Vu le recours, enregistré le 27 février 2013, présenté par le ministre de la défense ; le ministre de la défense demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001452 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à payer la somme de 15 200 (lire 16 200) euros à Mme A..., la somme de 1 484,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2012 et la somme de 496,79 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et la somme de 1 000 euros au titre des frais d'expertis

e, en réparation des dommages subis par Mme A...lors d'un traitement par...

Vu le recours, enregistré le 27 février 2013, présenté par le ministre de la défense ; le ministre de la défense demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001452 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à payer la somme de 15 200 (lire 16 200) euros à Mme A..., la somme de 1 484,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2012 et la somme de 496,79 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et la somme de 1 000 euros au titre des frais d'expertise, en réparation des dommages subis par Mme A...lors d'un traitement par chimiothérapie à l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne à Toulon ;

2°) de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation allouée ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me C...substituant le cabinet Guillermou pour MmeA... ;

1. Considérant que Mme A...a été opérée le 31 mars 2008 d'un cancer du sein à l'institut Paoli Calmette de Marseille ; qu'une chimiothérapie adjuvante suivie d'une radiothérapie ayant été décidées, une chambre implantable a été mise en place en position sous-clavière le 14 mai 2008 à la clinique Malartic d'Ollioules ; que la première séance de chimiothérapie a eu lieu le 15 mai 2008 dans un service de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne ; qu'une partie du liquide de chimiothérapie s'est alors répandu en dehors de la chambre implantable, la douleur de la patiente entraînant l'arrêt du geste médical et des tentatives immédiates de ré-aspiration du liquide ; qu'après avoir été placée en observation, Mme A..., qui présentait une tuméfaction sous-cutanée, a regagné son domicile le 16 mai 2008 ; que, par jugement du 20 décembre 2012 dont le ministre de la défense relève appel, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser 15 200 euros à Mme A...en réparation des conséquences dommageables de l'extravasation du produit dont elle a été victime et 1 484,09 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Var ; qu'il est constant que, nonobstant l'erreur de plume affectant le dispositif, l'indemnité revenant, au vu des motifs du jugement, à Mme A...s'élève à la somme de 16 200 euros qui a d'ailleurs été versée à la victime par l'appelant ; que Mme A...demande, par la voie de l'appel incident, une réparation plus complète de ses préjudices ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que, pour contester le principe de la responsabilité, le ministre fait valoir que la réalisation d'une injection dans un montage d'accès vasculaire implantable ne fait pas partie du rôle propre de l'infirmière et doit être précédé d'une prescription médicale ; que toutefois un tel acte n'est pas au nombre des actes nécessitant la possibilité pour un médecin d'intervenir à tout moment mentionnés à l'article R. 4311-9 du code de la santé publique ; qu'il s'agit donc d'un acte de soins courants dont l'exécution et le contrôle sont indépendants tant de la nature du produit injecté que de la gravité de la maladie ; que les conséquences préjudiciables de cet acte de soins courants doivent être regardées, comme l'a jugé le tribunal, comme révélant une faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'en toute hypothèse, en indiquant que " la réalisation défectueuse de l'injection d'épirubicine nous paraît à l'origine des conséquences dommageables décrites ", l'expert a implicitement relevé que l'injection en cause n'était pas conforme aux règles de l'art, une telle défectuosité engageant la responsabilité pour faute de l'hôpital ; que si le ministre se prévaut de la référence, dans le rapport d'expertise, à un accident, il résulte de la lecture dudit rapport que l'expert a entendu, ce faisant, se référer à la part d'aléa que comporte tout acte de soins, ce qui ne saurait exclure l'existence d'une faute, qui doit être, en l'espèce, retenue en dépit de cette mention ;

3. Considérant que la réalisation défectueuse de l'injection d'épirubicine est, de façon certaine, à l'origine de l'entier dommage de MmeA... ; qu'il apparaît dès lors inutile d'envisager l'existence et la portée d'un éventuel manquement à l'obligation d'information posée par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

Sur les préjudices :

4. Considérant que le ministre ne conteste pas l'évaluation de la somme de 1 484,09 euros allouée à l'organisme social, qui a été à bon droit reconnue par le tribunal comme étant en lien avec la faute retenue ;

5. Considérant que, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire imputable à l'accident en cause, l'expert et le tribunal ont notamment retenu, pour déterminer son indemnisation, arrêtée à 1 900 euros, un déficit fonctionnel temporaire total de deux jours pour la période du 15 mai au 16 mai 2008 correspondant à l'hospitalisation de la requérante ; qu'il n'y a pas lieu de ramener cette période à une journée, comme le demande le ministre, au simple motif que la patiente a été gardée en observation " jusqu'au lendemain " selon les termes de l'expert ; que si le ministre fait observer que le retrait de la chambre implantable, le 25 juin 2009, aurait dû être pratiqué en tout état de cause, cette critique est inopérante dès lors que le tribunal n'a effectivement pas retenu cette période au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire ; qu'enfin la circonstance que ce retrait aurait dû intervenir en toute hypothèse ne fait pas obstacle à l'indemnisation d'une période de déficit fonctionnel temporaire partiel à compter du 27 juin 2009 jusqu'au 7 avril 2011 ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu d'ajouter à la somme de 1 900 euros allouée par le tribunal la somme supplémentaire de 5 euros que Mme A...persiste à demander ;

6. Considérant que le tribunal a procédé à la réparation du chef de préjudice correspondant au déficit fonctionnel permanent que présente Mme A...en lien avec l'accident, qu'il a fixé à 3 %, en se référant au rapport de l'expert ; que si le ministre estime que les plaintes fonctionnelles résiduelles de la victime sont à mettre sur le compte de son état antérieur, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation portée par l'expert précisément mandaté pour évaluer le déficit fonctionnel permanent dont la victime reste atteinte du fait des suites de l'extravasation du produit, alors que l'homme de l'art a pris soin de préciser ce que le taux retenu ne comprenait pas ;

7. Considérant que les souffrances endurées par Mme A...en lien avec l'injection défectueuse du produit de chimiothérapie, évaluées à 3 sur 7 par l'expert, ont été réparées par le tribunal à hauteur de 3 500 euros ; que son préjudice esthétique, évalué à 2,5 sur 7 par l'expert, a été estimé à la somme de 3 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu de revenir sur l'une ou l'autre de ces indemnisations ;

8. Considérant que les premiers juges ont réparé les troubles dans les conditions d'existence endurés par MmeA..., correspondant, selon la motivation du jugement, à un préjudice d'agrément lié à l'abandon de ses loisirs favoris tels que la natation, la gymnastique et la danse de salon et aux craintes d'une récidive tumorale en raison de l'impossibilité d'un traitement par chimiothérapie ; qu'ils ont arrêté cette réparation globalement à la somme de 6 000 euros ; que, toutefois, comme le relève le ministre, l'expert n'a pas noté de préjudice d'agrément et a, dans sa réponse à dire, indiqué que s'il y avait gêne, il n'y avait pas impossibilité définitive pour Mme A...de s'adonner à ses loisirs en raison du dommage corporel dont elle a été victime ; que si le ministre fait également valoir que l'évolution de l'état de santé de Mme A...apparaît rassurante et que la prise en charge par radiothérapie de l'affection dont elle souffrait a donné de bons résultats, ce constat rétrospectif ne saurait par lui-même faire obstacle à l'indemnisation de l'inquiétude que Mme A...a pu légitimement éprouver en constatant que le traitement ne pourrait se dérouler de la façon initialement prévue et devrait épouser d'autres formes qui n'avaient, initialement, pas été retenues comme étant les plus appropriées ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de ramener l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence retenue par le tribunal de 6 000 à 3 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est seulement fondé à demander que le montant de la condamnation de l'Etat soit limité dans les conditions exposées ci-dessus ; que Mme A...n'est, pour sa part, pas fondée à demander qu'elle soit réévaluée ; que compte tenu de l'erreur matérielle, relevée par le ministre qui l'a spontanément corrigée, affectant le dispositif du jugement, qui mentionne 15 200 euros au lieu de 16 200 euros, il y a lieu de ramener la somme mentionnée dans le dispositif à 13 200 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A...une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 15 200 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme A... par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 décembre 2012 est ramenée à 13 200 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 décembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de la défense et les conclusions de Mme A...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense, à Mme B... A...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

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