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02/12/2014 | FRANCE | N°13MA04907

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 02 décembre 2014, 13MA04907


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013, présentée pour Mme E...C..., demeurant..., par Me B... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202266 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 février 2012 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013, présentée pour Mme E...C..., demeurant..., par Me B... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202266 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 février 2012 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de MeD..., pour Mme C...,

- et les observations de MeF..., pour la société Min.Not ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2014, présentée pour MmeC..., par Me B...et de la note en délibéré, enregistrée le 18 novembre 2014, présentée pour la société Min.Not, par Me F...;

1. Considérant que, par un courrier en date du 31 janvier 2012, la société Min.Not, dont le siège est situé à Venelles, dans le département des Bouches-du-Rhône, a demandé l'autorisation de licencier pour motif économique Mme C..., adjointe au responsable de centre de Marseille et déléguée du personnel ; que l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a accordé l'autorisation le 6 février 2012 ; que Mme C... défère à la Cour le jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que Mme C... a soutenu devant les premiers juges que la société Min.Not formait avec les autres filiales du groupe ADSN une unité économique et sociale et que la réalité du motif économique invoqué pour justifier les suppressions de postes envisagées devait s'apprécier au niveau de l'ensemble de ces filiales ; que le tribunal, après avoir rappelé que la réalité du motif économique devait être examinée au regard de la situation économique des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société employeur, a estimé que la société Min.Not constituait à elle seule un secteur d'activité à part entière, distinct de celui des autres sociétés du groupe ; qu'en se prononçant ainsi, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen soulevé devant eux ; que, s'ils n'ont pas statué sur l'appartenance des différentes filiales du groupe à une même unité économique et sociale, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur cette question, qui ressort au contentieux des élections professionnelles et, par suite, relève de la compétence exclusive du tribunal d'instance ; qu'en tout état de cause, comme l'a énoncé le tribunal, la réalité du motif économique s'apprécie en considération de la situation économique des sociétés du groupe oeuvrant dans un même secteur d'activité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'existence entre les filiales d'un même groupe d'une unité économique et sociale est en lui-même sans incidence sur la légalité de la décision autorisant le licenciement ; qu'ainsi, en ne statuant pas sur ce moyen, qui était irrecevable et inopérant, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

4. Considérant, en premier lieu, que Mme C... reprend le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la décision de l'inspecteur du travail serait insuffisamment motivée ; qu'il convient, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen qui ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation que la requérante avait développée devant le tribunal administratif de Marseille ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C... soutient qu'en s'abstenant d'examiner la réalité du motif économique au niveau du groupe ADSN auquel appartient la société Min.Not, l'inspecteur du travail aurait commis une erreur de droit ; que, comme il a été dit au point 2., la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, qu'il s'agisse de difficultés économiques ou d'une menace pour la compétitivité de l'entreprise, s'apprécie, lorsque la société fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ; que, pour estimer établi le motif économique invoqué par la société Min.Not, l'inspecteur du travail a relevé que l'entreprise et la branche d'activité du groupe auquel elle appartient devaient effectivement faire face à des difficultés économiques, lesquelles se sont traduites par d'importantes pertes et une trésorerie précaire ; qu'en se prononçant ainsi, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur de droit ; que le moyen manque dès lors en fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les comptes de résultat de la société Min.Not affichent des pertes pour les années 2008, 2009 et 2010 à hauteur, respectivement, de 873 246 euros, 1 322 907 euros et 716 349 euros ; qu'au 31 décembre 2011, les pertes s'élevaient encore à 827 977 euros ; qu'au cours de ces quatre années, la trésorerie de la société n'a cessé de se dégrader puisque son découvert bancaire s'est élevé à 239 542 euros en 2008, à 1 699 121 euros en 2009, à 1 894 129 euros en 2010 et à 2 223 619 euros en 2011 ; que ces résultats ont contraint la société, en dépit d'une augmentation de son chiffre d'affaires, à adopter un plan de restructuration, impliquant la suppression de 9 postes de travail, dont celui de Mme C... ; que, comme l'a relevé le tribunal, si les autres sociétés appartenant au groupe ADSN oeuvrent également dans le domaine notarial, la société Min.Not intervient dans un secteur d'activité qui lui est propre, eu égard notamment à la nature spécifique des prestations qu'elle assure ; que, comme il a été dit au point 2., le moyen tiré de ce que les filiales du groupe ADSN formeraient une unité économique et sociale est inopérant ; qu'au surplus, il ressort des comptes consolidés du groupe, produits en première instance, que celui-ci a lui aussi enregistré au 31 décembre 2011 un résultat d'exploitation négatif à hauteur de 2 149 605 euros ; que Mme C... ne conteste pas ces données chiffrées ; qu'elle se borne à mettre en cause l'augmentation constante entre 2008 et 2010 des charges d'exploitation, qu'elle estime disproportionnée et injustifiée ; qu'elle ne saurait cependant utilement discuter de la pertinence des choix de gestion faits par l'entreprise, ni alléguer d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, qu'il n'appartient ni à l'autorité administrative, ni au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier ; que les allégations de " manipulations comptables " ne sont pas établies ; que le moyen tiré de ce que la société Min.Not ne peut invoquer une perte de compétitivité alors qu'elle agit dans un secteur non concurrentiel, est inopérant dès lors que le licenciement envisagé est justifié par des difficultés économiques et non par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; que le développement par la société Min.Not, postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail, d'un projet de concession est sans incidence sur la légalité de l'autorisation contestée dès lors qu'il ne révèle pas, a posteriori, l'absence de difficultés économiques réelles ; qu'il s'ensuit qu'en estimant établi le motif économique à l'origine de la suppression du poste de travail de Mme C..., l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;

9. Considérant que, par un courrier du 9 décembre 2011, la société Min.Not a proposé à Mme C... cinq postes ; que ces propositions étaient précises et détaillées, les fiches de poste étant jointes ; que deux de ces postes étaient assortis de la même classification et du même coefficient que celui de l'intéressée, un troisième étant même d'une catégorie supérieure ; que la requérante n'a pas donné suite à ses offres ; que, si elle fait valoir que ces propositions impliquaient un changement de lieu de travail, voire au moins pour certaines une perte de rémunération, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que d'autres postes étaient disponibles au sein de l'entreprise ou du groupe ; que, dans ces circonstances, l'inspecteur du travail a pu légalement estimer que la société Min.Not avait satisfait à son obligation de reclassement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par la société Min.Not au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Min.Not en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Min.Not.

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N° 13MA04907

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04907
Date de la décision : 02/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-04-01 Travail et emploi. Institutions représentatives du personnel. Comités d'entreprise.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ANDRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-02;13ma04907 ?
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