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04/11/2014 | FRANCE | N°13MA00886

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 novembre 2014, 13MA00886


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2013, sous le n° 13MA00886, présentée pour M. E... C..., demeurant..., par MeB... ;

M. C... doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003714 du 21 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Alpes de Haute-Provence à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et de la fin anticipée de son détachement sur l'emploi fonctionne

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2°) de condamner le département des Alpes de ...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2013, sous le n° 13MA00886, présentée pour M. E... C..., demeurant..., par MeB... ;

M. C... doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003714 du 21 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Alpes de Haute-Provence à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et de la fin anticipée de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint ;

2°) de condamner le département des Alpes de Haute-Provence à lui verser la somme de 150 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes de Haute-Provence la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de Me D..., substituant MeA..., pour le département des Alpes de Haute-Provence ;

1. Considérant que M. C..., directeur territorial, a été détaché, par arrêté du président du conseil général des Alpes-de-Haute-Provence du 16 mars 2006, sur l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint pour une durée de cinq ans à compter du 6 avril 2006 ; qu'il exerçait les fonctions de directeur du " pôle ressources ", lequel était alors composé de la direction des affaires générales, de la direction des ressources humaines, de la direction des finances et de la programmation ainsi que de la direction des systèmes d'information ; que, par arrêté du 12 décembre 2009, le président du conseil général a mis fin de manière anticipée à son détachement au motif d'une perte de confiance des élus à son égard ; qu'il a été radié des cadres à compter du 1er mars 2010 par arrêté du président du conseil général du 27 janvier 2010 ; que, par courrier du 8 mars 2010, M. C... a présenté une demande indemnitaire tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et de la fin anticipée de son détachement ; qu'un refus a été opposé à sa demande le 12 avril 2010 ; que M. C... interjette appel du jugement en date du 21 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 de la loi du

26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 12 décembre 2009 : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. Ces dispositions s'appliquent aux emplois : (...) de directeur général des services et, lorsque l'emploi est créé, de directeur général adjoint des services des départements et des régions (...)/ Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois mentionnés ci-dessus, sauf s'ils ont été recrutés directement en application de l'article 47, qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante. " ;

3. Considérant qu'il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 53 précité pour des motifs tirés de l'intérêt du service ; qu'eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait de se trouver dans une situation ne permettant plus de disposer de la part de l'autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier, pour ce motif, une décharge de fonctions ;

4. Considérant que si M. C... soutient que l'arrêté du 12 décembre 2009 par lequel il a été mis un terme de façon anticipée à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services est illégal, il ne conteste pas les difficultés croissantes avec les élus, telles que rappelées dans ledit arrêté, caractérisées par un manque d'écoute, d'attention et de prise en compte de leurs préoccupations ; qu'il est, par ailleurs, constant que M. C... a, lors de la réunion du comité technique paritaire du 24 septembre 2009, voté, par surprise contre, d'une part, le projet de fusion du service "marchés publics et assurances" et du service "juridique, assemblées et documentation" et, d'autre part, le projet de rattachement de la direction de la solidarité départementale à la direction générale des services alors qu'il ne conteste pas sérieusement l'allégation du département intimé selon laquelle ces projets avaient tous deux été abordés, en sa présence, lors d'un comité de direction qui s'est tenu le

8 septembre 2009 et lors de la réunion du "pôle ressources" qu'il a lui-même organisée le

14 septembre 2009 sans qu'il n'ait, à ces occasions, manifesté la moindre opposition ; qu'il suit de là que M. C... n'établit pas, à supposer qu'il ait entendu soulever ces moyens, que les faits ayant conduit le département intimé à cette perte de confiance ne seraient pas établis et de nature à justifier une décharge de ses fonctions ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. C... tendant à l'indemnisation au titre de ses pertes de rémunérations à la suite de la prise d'effet de l'arrêté du 12 décembre 2009 ne peuvent qu'être rejetées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

6. Considérant que si M. C... fait valoir qu'il a subi diverses pressions pour quitter ses fonctions et effectuer une mobilité, il résulte de l'instruction que face à la perte de confiance précitée qui s'était installée dès la fin de l'année 2007 et qui aurait pu justifier qu'il soit mis un terme immédiat à ses fonctions, le nouveau directeur général des services lui a précisé, en septembre 2008, que plutôt que d'engager immédiatement une procédure de décharge de ses fonctions, il serait préférable que l'intéressé effectue une mobilité et lui a laissé tout le temps nécessaire pour ce faire ; que M. C..., qui a signé sans réserves sa notation établie au titre de l'année 2008, laquelle fait état d'un commun accord sur cette mobilité, n'établit pas qu'il aurait alors subi des pressions ; que, par ailleurs, s'il soutient que l'annonce de son départ et de la suppression de son poste a été faite publiquement au cours d'une réunion du pôle ressources tenue le 2 décembre 2008, sans qu'il ait au préalable été informé d'une telle annonce, il ressort du procès verbal de ladite réunion que M. C..., qui y était présent, n'a alors formulé aucune objection ; qu'ainsi, la brutalité alléguée de l'annonce du départ du requérant n'est pas établie ; qu'en outre, si M. C... fait valoir qu'il aurait été mis à l'écart, il résulte de l'instruction qu'il a été présent à de nombreuses réunions jusqu'à la fin anticipée de son détachement, a continué à exercer ses fonctions par le biais de la délégation de signature dont il bénéficiait et qui ne lui a pas été retirée, a conservé son bureau et son véhicule de fonction ; que, s'il fait valoir qu'il n'a pas participé au jury de recrutement du nouveau directeur des systèmes d'information, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il a été destinataire de plusieurs courriels à cet égard et, d'autre part, qu'au moment du recrutement dudit directeur, le 26 octobre 2009, il était en congé de maladie ; qu'enfin, s'il ressort des pièces du dossier que la secrétaire de M. C... a postulé sur un autre emploi de la collectivité, il n'est pas contesté que celle-ci a été remplacée le 1er octobre 2009 ; que, par suite, le harcèlement moral allégué n'est pas établi ;

7. Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département des Alpes de Haute-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. C... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département des Alpes de Haute-Provence sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera au département des Alpes de Haute-Provence la somme 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C...et au département des Alpes de Haute-Provence.

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N° 13MA008863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00886
Date de la décision : 04/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SELARL BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-04;13ma00886 ?
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