Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée par le préfet de la Haute-Corse qui demande à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement n° 1101167 du 8 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné l'Etat à payer à M. A...C...la somme de 700 euros en réparation du préjudice moral subi ;
Le préfet soutient que le préjudice moral reconnu comme établi par les premiers juges ne l'était pas dès lors que le refus de titre de séjour n'était pas accompagné d'une mesure d'éloignement et que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence qu'il aurait subis du fait de cette illégalité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour M. A...C..., par MeB... ; M. A...C...demande à la Cour :
1°) de réformer l'article 2 du jugement n° 1101167 du 8 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné l'Etat à lui verser la somme de 700 euros seulement en réparation des préjudices subis ;
2°) de condamner l'Etat à verser la somme de 20 800 euros en réparation du préjudice financier et la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, ce dernier renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :
- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
1. Considérant que M. C...est entré sur le territoire français en 1995 selon ses déclarations, démuni de tout visa ; qu'après qu'il ait déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale le 26 août 2006, le préfet de la Haute-Corse a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 26 juin 2008, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 octobre 2008 ; que le préfet de la Haute-Corse a opposé le 20 novembre 2008 un nouveau refus à sa demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1er décembre 2011, M. C...a déposé une troisième demande de titre de séjour sur le même fondement, dont l'enregistrement a été refusé par les services de la préfecture ; que, par jugement du 8 janvier 2013, le tribunal administratif de Bastia a regardé cette décision de refus d'enregistrement comme une décision illégale refusant à M. C...un titre de séjour ; que le tribunal administratif a annulé, dans son article 1er, ce refus de titre de séjour et a condamné l'Etat, dans son article 2, à payer au requérant la somme de 700 euros en réparation du préjudice moral subi en conséquence de cette illégalité fautive ; que le préfet relève appel de ce jugement et demande à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia ; que, par la voie de l'appel incident, M. C...demande à la Cour de réformer ce même article 2 en tant qu'il a limité à 700 euros la somme mise à la charge de l'Etat et de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 20 800 euros au titre de son préjudice financier et à la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral ;
Sur l'appel principal du préfet de la Haute-Corse :
2. Considérant que le désistement du préfet de la Haute-Corse est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur l'appel incident de M.C... :
3. Considérant que M. C...demande, par la voie de l'appel incident, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 800 euros au titre du préjudice financier et de porter la condamnation de l'Etat au titre du préjudice moral à la somme de 3 000 euros ;
En ce qui concerne le préjudice financier :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que seul le récépissé de la demande de première délivrance d'une carte de séjour prévue à l'article L. 313-8, aux 1°, 2° bis, 3°, 4°, 6°, 8°, 9° et 10° de l'article L. 313-11, à l'article L. 313-13, aux 1° et 3° de l'article L. 314-9, à l'article L. 314-11, à l'article L. 314-12 ou à l'article L. 316-1, autorise son titulaire à travailler ; qu'en l'espèce, M. C... avait déposé une deuxième demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi il n'avait pas droit à la remise d'un récépissé valant autorisation de travail ;
5. Considérant, en second lieu, que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, M. C...ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui de sa demande d'admission au séjour, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant qu'en l'espèce, il est constant que M. C...ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 ; que la présence en France de M.C..., célibataire sans enfant, n'est pas établie avec certitude pendant une durée suffisamment longue pour constituer un motif exceptionnel ; que la présence en France de plusieurs membres de sa famille ne constitue pas non plus en l'espèce un motif exceptionnel ; que, dès lors, le préfet, en refusant la régularisation de M.C..., n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation et le requérant ne peut se prévaloir d'aucune perte de chance d'une admission au séjour à titre exceptionnel et, en conséquence, d'aucune perte de chance de signer un contrat à durée indéterminée ; qu'ainsi l'illégalité de la décision verbale refusant l'enregistrement de la requête n'a été, en l'espèce, à l'origine d'aucun préjudice financier direct et certain subi par M. C... susceptible d'ouvrir droit à réparation ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
7. Considérant que M. C...ne justifie pas d'un préjudice moral qui n'aurait pas été suffisamment réparé par l'allocation accordée par les premiers juges d'un montant de 700 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité supérieure à celle qui lui a été accordée par le tribunal administratif de Bastia, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Corse ;
Sur les conclusions tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Considérant que l'Etat n'est pas partie perdante à l'instance ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions de l'avocat de M. C...tendant à l'application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête du préfet de la Haute-Corse.
Article 2 : Les conclusions de M. C...présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de Me B...tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
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N° 13MA00533