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30/09/2014 | FRANCE | N°12MA04780

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2014, 12MA04780


Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par MeC... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205593 du 22 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-de-

Haute-Provence de procéder au réexamen de sa situation au regard de la circulaire du 28 novembre...

Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par MeC... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205593 du 22 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de procéder au réexamen de sa situation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 12 février 2013 par laquelle l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B... ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014, le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

1. Considérant que, par jugement du 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B..., de nationalité marocaine, tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. B... relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de cet accord : " Les membres de famille mentionnés à l'article 5 qui rejoignent une personne mentionnée aux articles 3 ou 4 du présent Accord sont autorisés à accéder à une activité professionnelle salariée sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée " ;

4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral contesté et du défaut d'examen particulier et complet de la demande d'admission au séjour présentée par M. B... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour en vertu de la circulaire du 28 novembre 2012, qui est postérieure à la date de la décision en litige à laquelle s'apprécie sa légalité ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B... ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les services de l'emploi ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions posées par les stipulations des articles 3 et 7 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant ;

9. Considérant, toutefois et en cinquième lieu, que les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

10. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

11 Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, cependant, il y a lieu de substituer à cette dernière base légale erronée celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, en sixième lieu, que M. B..., né en 1981, soutient dans l'instance qu'il réside habituellement en France depuis l'année 2010 après avoir vécu depuis 2008 en Espagne ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié " aide-boucher " valable du 11 juin 2010 au 10 juin 2011, non ensuite renouvelée en l'absence de production d'un contrat de travail visé par les services de l'emploi ; que, si ses parents résident en France, à Manosque, depuis 1992, et que plusieurs de ses frères et soeurs résident régulièrement sur le territoire de la même commune, il est célibataire et n'a pas d'enfant ; qu'il ne démontre pas, au regard notamment de la résidence de ses frères et soeurs à Manosque, que sa présence en France serait indispensable pour aider ses parents handicapés ; qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches au Maroc où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans ; qu'il ne conteste pas sérieusement le motif de l'arrêté en litige tiré de ce que l'emploi de vendeur en poissonnerie pour lequel il a produit une promesse d'embauche n'est pas caractérisé par des difficultés de recrutement ; que, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. B... sur le territoire français et quelle que soit sa volonté d'intégration sociale et professionnelle, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; qu'ainsi, le préfet n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni son pouvoir de régularisation ;

13. Considérant, en septième et dernier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants marocains, que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 313-11, ou des stipulations de portée équivalente d'une convention internationale relatives aux titres délivrés de plein droit, et non du cas de tous les étrangers qui s'en prévalent ; qu'au regard des développements qui précèdent, le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée doit être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

14. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit sur le refus de séjour que M. B... ne peut se prévaloir de ce que la mesure d'éloignement est privée de base légale ;

15. Considérant que, compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. B... mentionnée au point 12, la mesure portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

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N° 12MA04780

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04780
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MICHEL CHAPUIS et ARNAULT CHAPUIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-09-30;12ma04780 ?
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