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30/09/2014 | FRANCE | N°12MA03448

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2014, 12MA03448


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012, présentée pour M. et Mme D...B..., demeurant..., par Me C... ;

M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002269 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande en décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la

somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012, présentée pour M. et Mme D...B..., demeurant..., par Me C... ;

M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002269 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande en décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et la ... tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée le 10 mars 1964 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour M. et MmeB... ;

1. Considérant que M. et MmeB..., s'estimant domiciliés en ... depuis le 1er octobre 2004, n'ont pas souscrit de déclaration de revenus en France au titre des années 2005 et 2006 ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a estimé au contraire qu'ils étaient domiciliés en France et les a taxés d'office à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de ces deux années ; que ces impositions ont été assorties de l'intérêt de retard et de la majoration prévue à l'article 1728 du code général des impôts ; que M. et Mme B...demandent à la Cour d'annuler le jugement du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande en décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le jugement attaqué énonce les motifs de fait et de droit sur lesquels se sont fondés les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments soulevés par les requérants, pour estimer que M. et Mme B...étaient domiciliés fiscalement en France au cours des années 2005 et 2006 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement du 7 juin 2012 serait insuffisamment motivé sur ce point manque en fait ;

Sur le principe de l'imposition en France des revenus des requérants :

3. Considérant que M. et Mme B...soutiennent qu'ils résident en ... depuis le 1er octobre 2004 et que, à compter de cette date, ils y sont domiciliés fiscalement ;

4. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne le droit interne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes du 1. de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (21 Europaplein 304 A à Oostduinkerke (8670), Belgique) ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) " ;

6. Considérant que, pour établir que M. et Mme B...avaient leur foyer et le centre de leurs intérêts économiques en France au cours des années d'imposition en litige, l'administration, qui ne conteste pas supporter la charge de la preuve sur ce point, fait valoir que les requérants étaient propriétaires en 2005 et 2006 de deux maisons d'habitation en France, l'une située à Hochfelden (Bas-Rhin), l'autre à Cavalaire-sur-Mer (Var) ; que M. et Mme B...soutiennent que leur maison de Hochfelden, mise à la vente en janvier 2005, était vide et que celle de Cavalaire-sur-Mer n'était qu'une résidence de villégiature ; que le service vérificateur a relevé toutefois, lors des opérations de contrôle, d'importantes consommations d'électricité concernant ces deux immeubles ; que les requérants ne produisent aucune pièce de nature à démontrer que cette consommation serait due uniquement au maintien en fonctionnement d'appareils électriques en leur absence et n'apportent notamment, à cet égard, aucune explication sérieuse sur le doublement de la consommation d'électricité constatée entre la période de mars 2005 à mars 2006 et celle de mars 2006 à mars 2007 concernant le logement situé à Cavalaire-sur-Mer ; que la circonstance que les époux B...aient mandaté une agence immobilière pour mettre leur maison de Hochfelden en vente ne suffit pas établir qu'ils n'y résidaient plus ; que, d'ailleurs, les requérants ont déclaré être domiciliés à cette adresse dans l'acte de vente de ce bien contracté le 7 mai 2009 ; que l'administration fait observer également que les vingt comptes bancaires dont disposaient les requérants dans des banques françaises mentionnaient tous une adresse en France et que, pour cinq de ces comptes, l'adresse de leur maison située à Cavalaire-sur-Mer a été substituée à celle de leur maison de Hochfelden à compter du 20 septembre 2005 ; que les requérants disposent également d'un coffre auprès du Crédit mutuel de Schiltigheim ; que, s'ils soutiennent que ces comptes bancaires seraient sans mouvement mais qu'ils n'auraient pas pris la peine de les clôturer, ils ne contestent pas sérieusement percevoir sur deux desdits comptes leurs revenus de sources françaises, ni effectuer à partir de ces comptes des dépenses personnelles régulières et les dépenses relatives à l'entretien de leur bateau ; que l'exercice, par l'administration, de son droit de communication a révélé encore que les époux B...avaient déclaré à plusieurs occasions leur adresse à Cavalaire-sur-Mer auprès de tiers et recevaient régulièrement du courrier à leurs deux adresses en France, sans avoir souscrit auprès des services postaux de contrat de réexpédition de leur courrier à leur adresse située en ... ; que les explications parcellaires et non étayées fournis par les requérants à ce propos, dans leurs écritures en appel, ne suffisent pas à remettre en cause les constatations effectuées par le service sur ce point ; qu'il n'est pas contesté que les requérants sont affiliés au régime de sécurité sociale d'Alsace-Moselle et ont souscrit des contrats de mutuelle et d'assurance auprès de sociétés situées en France ; qu'il résulte également de l'instruction que l'ensemble de leur famille, en particulier leurs enfants, réside en France et, notamment, que leur fils handicapé, dont Mme B...a la tutelle, est placé dans une institution située en Alsace ; qu'ils ont acquis, en septembre 2005, un véhicule auprès d'une société située en Moselle et étaient propriétaires d'un bateau amarré à Cavalaire-sur-Mer ; que, si les requérants soutiennent n'être devenus propriétaires du bateau qu'en 2008, leur affirmation est cependant contredite par les déclarations qu'ils ont faites le 20 avril 2006 lors d'une audition par les services des douanes, qui mentionnent une acquisition en mai 2004, et n'est étayée d'aucune pièce ; que les époux B...détenaient en outre d'importantes créances auprès de sociétés françaises ; qu'enfin, il ressort d'un autre procès-verbal dressé par les services des douanes le 5 décembre 2006 que M. et Mme B...ont déclarés, lors de ce contrôle, s'être établis en ... uniquement pour des raisons fiscales et résider principalement à Hochfelden et de manière secondaire à Cavalaire-sur-Mer ; que la circonstance que les services des douanes aient estimé, à la suite de ce contrôle, que les requérants n'étaient pas assujettis au droit de passeport n'est pas de nature à rendre inopposables leurs propres déclarations ; que l'octroi à M. et Mme B...de la nationalité belge le 22 avril 2013 ne suffit pas à remettre en cause l'ensemble des éléments concordants qui viennent d'être énoncés ; que le juge administratif ne saurait par ailleurs être lié par l'appréciation de ces éléments faite par le juge judiciaire dans le cadre d'un litige portant sur un autre impôt ; que, dans ces circonstances, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que M. et Mme B... avaient, au cours des années 2005 et 2006, leur foyer et le centre de leurs intérêts économiques en France, au sens des dispositions précitées du code général des impôts ;

En ce qui concerne la convention franco-belge du 10 mars 1964 :

7. Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 1er de la convention franco-belge susvisée : " Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation : a. Lorsqu'elle dispose d'un foyer permanent d'habitation dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, c'est-à-dire de l'Etat contractant où elle a le centre de ses intérêts vitaux (...) " ;

8. Considérant qu'à supposer que M. et MmeB..., qui disposent d'un logement en ... et déclarent y être assujettis à l'impôt, aient un foyer permanent d'habitation dans les deux pays, il résulte des éléments énoncés au point 6., alors que les requérants ne sont par ailleurs propriétaires d'aucun bien immobilier en ... et ne démontrent pas y avoir des liens personnels ou économiques, que le centre de leurs intérêts vitaux est situé en France ; que, dès lors, l'administration a estimé à bon droit qu'ils étaient résidents de France au sens des stipulations précitées de la convention franco-belge et, par suite, qu'ils étaient passibles en France de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ;

Sur la procédure d'imposition :

9. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que la procédure d'imposition aurait été irrégulière dès lors que, dans la lettre de l'interlocuteur départemental du 27 juillet 2009 et dans la décision de rejet de la réclamation du 10 mai 2010, l'administration aurait estimé que la charge de la preuve de la domiciliation fiscale en ... leur incombait ; que, toutefois, outre que les requérants ne produisent pas la lettre du 27 juillet 2009 et que la décision de rejet de leur réclamation soit postérieure à la procédure d'imposition, la circonstance que l'administration aurait inversé la charge de la preuve au cours de ladite procédure n'est pas de nature à entacher celle-ci d'irrégularité ; que le moyen est dès lors inopérant ; qu'en tout état de cause, le moyen n'apparaît pas fondé dès lors que, dans la décision de rejet de la réclamation, l'administration reconnaît explicitement supporter la charge de la preuve sur la domiciliation fiscale et l'extrait que les requérants citent de la lettre de l'interlocuteur ne témoigne aucunement d'une méconnaissance des règles de dévolution de la charge de la preuve ;

Sur le bien-fondé des impositions :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 15 décembre 2004, M. B..., ainsi que deux sociétés qu'il détenait à 85 %, ont cédé l'ensemble de leurs biens immobiliers à une tierce société pour la somme totale de 3 672 000 euros ; que, le 17 décembre 2004, M. B...a perçu un premier acompte de 2 060 000 euros dont il n'a pas justifié les modalités d'encaissement auprès de l'administration, malgré les demandes en ce sens du vérificateur ; que l'administration, ayant constaté l'absence de versement de cette somme sur les comptes bancaires détenus par l'intéressé en France, a estimé que l'acompte avait été encaissé sur un des deux comptes bancaires que M. B...détenait à l'étranger, soit en ..., soit au Luxembourg ; que, le 21 décembre 2005, le requérant a perçu un second acompte de 660 000 euros, viré sur le compte qu'il détenait au Luxembourg ; qu'en application du 3.1° de l'article 158 et de l'article 151 du code général des impôts, l'administration a soumis les revenus mobiliers résultant de ces avoirs détenus à l'étranger à l'impôt sur le revenu à hauteur de 75 705 euros au titre de l'année 2005 et de 110 296 euros au titre de l'année 2006 ;

11. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que l'ensemble de ces avoirs aurait été placé dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie et ne leur a procuré aucun revenu au cours des années d'imposition en litige ; qu'ils n'en rapportent toutefois pas la preuve, qui leur incombe en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales compte tenu de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre, dont la régularité n'est pas contestée, en se bornant à produire un contrat d'assurance-vie souscrit auprès d'un organisme luxembourgeois le 27 janvier 2005 pour un montant différent de celui des acomptes perçus par M. B... ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetée également leurs conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B...et au ministre des finances et des comptes publics.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA03448
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : KOPP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-09-30;12ma03448 ?
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