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17/06/2014 | FRANCE | N°11MA03217

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 17 juin 2014, 11MA03217


Vu le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, enregistré le 8 août 2011, par lequel il est demandé à la Cour d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0902075 du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juin 2011 prononçant la condamnation de l'Etat à verser à M. A...C...une somme de 6 485,05 euros en réparation du préjudice subi par le contribuable du fait d'une double imposition à raison des mêmes revenus par les administrations fiscales française et espagnole ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code gén

éral des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justic...

Vu le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, enregistré le 8 août 2011, par lequel il est demandé à la Cour d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0902075 du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juin 2011 prononçant la condamnation de l'Etat à verser à M. A...C...une somme de 6 485,05 euros en réparation du préjudice subi par le contribuable du fait d'une double imposition à raison des mêmes revenus par les administrations fiscales française et espagnole ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M.C..., défendeur ;

1. Considérant que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel des articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juin 2011 condamnant l'Etat à verser à M. A...C..., lequel se prévalait de sa qualité de travailleur transfrontalier, une somme de 6 485,05 euros en réparation du préjudice subi par le contribuable du fait d'une double imposition à raison des mêmes revenus par les administrations fiscales française et espagnole ; que M.C..., par conclusions incidentes, demande que la condamnation à réparation soit portée à la somme de 10 791,42 euros et que les troubles dans ses conditions d'existence soient indemnisés à hauteur de 2 500 euros ;

Sur le recours du ministre :

2. Considérant qu'une convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été signée le 10 octobre 1995 à Madrid entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne ; que cette convention est assortie d'un protocole qui, par son point 12, fixe le régime des travailleurs frontaliers, lesquels ne sont imposables que dans l'Etat de leur résidence, les deux Etats convenant de l'utilisation de formulaires d'attestation destinés à justifier, auprès de l'autre Etat, de l'application de ce régime ; que l'échange de lettres signé le 19 février 1998 par les autorités françaises et espagnoles et publié au bulletin officiel des impôts (BOI) 14 A-3-03, prévoit que le bénéfice du régime des travailleurs frontaliers est subordonné à la production d'une attestation spécifique ; que cet échange de lettres a notamment validé le document n° 5166 destiné à l'administration fiscale française, permettant au salarié exerçant en zone frontalière espagnole de solliciter une attestation d'exonération, seule de nature à certifier que, conformément au point 12 du protocole à la convention fiscale, les rémunérations versées par son employeur espagnol ne doivent pas être soumises en Espagne à l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; que conformément aux dispositions de l'accord complémentaire modifié du 25 janvier 1961 entre la France et l'Espagne, complété par un échange de lettres du 3 juillet 1964 et un échange de notes des 21 mai et 1er juin 1965, il y a lieu de regarder comme travailleurs frontaliers les personnes qui, tout en conservant leur domicile dans la zone frontalière de l'un des deux pays où elles retournent en principe chaque jour, travaillent en qualité de salariés dans la zone frontalière de l'autre Etat ; que s'agissant des zones frontalières, l'article 2 de l'accord complémentaire modifié du 25 janvier 1961 entre la France et l'Espagne, indique que ces zones sont situées de part et d'autre de la frontière sur une profondeur de 20 km et déterminées en référence à la liste des communes françaises et espagnoles qui y sont incluses ;

3. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal de Montpellier a estimé que M. C..., domicilié fiscalement au Boulou, commune du département des Pyrénées-Orientales située dans la zone frontalière, avait, du 8 juin 2006 au 30 mars 2007, travaillé à Llansa, localité située dans la zone frontalière espagnole, en qualité de salarié de la société " Rio Iberico SA " dont le siège social est situé en Espagneà Empuria Brava, localité située, elle, hors de la zone frontalière ; qu'eu égard à la circonstance que M. C...avait demandé au centre des impôts de Céret, le 8 juin 2006, jour de son début d'activité dans la zone frontalière espagnole, de lui délivrer l'attestation contenue dans le document n° 5166, mais, au motif qu'il devait attendre la souscription de sa déclaration de revenus de l'année 2006, n'avait obtenu ce document que le 24 mai 2007, le tribunal, prenant en compte d'une part le fait que les salaires dus jusqu'à la date du 30 mars 2007 par l'employeur de l'intimé avaient été amputés, par voie de retenue à..., a considéré que M. C...avait supporté une double imposition à raison des mêmes revenus, dont il ne pouvait demander la décharge à aucun des deux Etats en cause, que le préjudice dont il demandait la réparation était constitué par l'amputation de son revenu disponible qui en avait résulté et qu'enfin, à raison du refus fautif commis par l'administration française de lui remettre dès le 8 juin 2006 l'attestation qui lui aurait permis de bénéficier du régime fiscal propre aux travailleurs transfrontaliers, l'administration française devait supporter la réparation de ce préjudice à hauteur de la somme de 6 485,05 euros ;

4. Considérant, toutefois, qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

5. Considérant qu'en l'espèce, le ministre soutient que le lieu de travail de M. C...pendant la période allant du 8 juin 2006 au 30 mars 2007 ne se trouvait pas à Llansa dans la zone frontalière et qu'ainsi aucune faute ne pouvait lui être imputée ; que cependant, il résulte de l'instruction et en particulier du contrat à durée déterminée prenant effet le 8 juin 2006 et des bulletins de salaire de M. C...que jusqu'à la date du 31 mars 2007, l'intéressé a travaillé à Llansa, localité dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans la zone frontalière espagnole ; que, par suite, c'est à juste titre que le chef du centre des impôts de Céret a signé, le 24 mai 2007, l'attestation certifiant la qualité de travailleur frontalier de M. C...à compter du 8 juin 2006 ; qu'à ce titre, M. C...n'était imposable qu'en France ;

6. Considérant, cependant, que l'administration fait également valoir que le préjudice invoqué ne présentait pas un caractère certain ; qu'elle soutient que la demande de M. C...tendait à obtenir de l'administration fiscale française une indemnité d'un montant égal à celui des retenues à la source opérées sur son salaire, dont il aurait pu solliciter la restitution auprès des autorités espagnoles ; qu'il n'est nullement contesté que pourtant muni de l'attestation n° 5166 en date du 24 mai 2007, l'intimé n'a pas saisi l'administration fiscale espagnole d'une demande de remboursement du trop-versé, ni exercé les recours juridictionnels prévus par le droit espagnol, ni enfin recouru à la procédure amiable prévue à l'article 26 de la convention franco-espagnole susvisée du 10 octobre 1995 ; que, dans ces conditions, faute pour M. C...d'avoir épuisé les possibilités d'action qui lui étaient ainsi ouvertes et alors même que le délai que lui a fixé l'administration pour lui délivrer l'attestation n° 5166 présente un caractère excessivement long, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que le préjudice allégué par M. C...présentait un caractère indemnisable alors que, pourtant, il ne pouvait être regardé comme certain ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander que le jugement attaqué soit annulé en tant que par son article 1er, les premiers juges ont fait droit, pour partie, aux conclusions de la demande de M. C...; que par voie de conséquence, il y a lieu également d'annuler l'article 2 du jugement mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Sur les conclusions incidentes :

8. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier retenu par le présent arrêt, les conclusions incidentes de M. C...tendant à se voir accorder réparation de son préjudice financier à hauteur de 10 791,42 euros doivent être rejetées ; que les conclusions de l'intimé tendant à l'indemnisation de troubles dans ses conditions d'existence ne peuvent davantage être accueillies, en l'absence d'éléments de nature à établir l'existence de troubles particuliers qui soient en relation directe avec la faute reprochée à l'administration française ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions incidentes de M. C...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics, et à M. A... C.fiscalement au Boulou, commune du département des Pyrénées-Orientales située dans la zone frontalière, avait, du 8 juin 2006 au 30 mars 2007, travaillé à Llansa, localité située dans la zone frontalière espagnole, en qualité de salarié de la société " Rio Iberico SA " dont le siège social est situé en Espagne

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03217
Date de la décision : 17/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services économiques - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-17;11ma03217 ?
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