Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour le 10 mars 2012, sous le n° 12MA01021, et régularisée le 13 mars 2012, présentée pour la société Les compagnons paveurs, dont le siège social est La Croix du Sud, 2 allée de la mixité à Lieusaint (77127), par MeA... ;
La société Les compagnons paveurs demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902265 du tribunal administratif de Nice du 16 décembre 2011 en ce qu'il a limité à 46 210,08 euros le montant de l'indemnité due par la Communauté urbaine Nice Côte-d'Azur, maître d'ouvrage, en réparation du préjudice subi du fait du retard d'exécution du marché dont elle est titulaire ;
2°) à titre principal, de porter la condamnation de la Métropole Nice Côte-d'Azur, venant aux droits de la Communauté urbaine Nice Côte-d'Azur, en réparation de ses préjudices, à la somme de 263 615,95 euros, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 29 avril 2009 ;
3°) à titre subsidiaire, de porter la condamnation de la Métropole Nice Côte-d'Azur, venant aux droits de la Communauté urbaine Nice Côte-d'Azur, à la somme de 160 849,41 euros, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 29 avril 2009 ;
4°) de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte-d'Azur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;
Vu l'arrêté du ministre de l'économie du 17 janvier 1991 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici, rapporteur,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- et les observations de Me A...représentant la société Les compagnons paveurs ;
1. Considérant que dans le cadre de l'aménagement des places Garibaldi et Toja pour la construction d'une ligne de tramway à Nice, la Communauté d'agglomération Nice Côte-d'Azur, aux droits de laquelle vient la Métropole Nice Côte-d'Azur, a confié à la société Les compagnons paveurs, le 31 juillet 2007, un marché consistant en l'édification d'ouvrages en pierres et portant sur le lot n° 2 de ladite opération pour un montant forfaitaire initial de 1 048 780,03 euros hors taxe ; qu'aux termes de l'ordre de service n° 1 du 24 septembre 2007, la date prévue pour la fin des travaux a été fixée au 20 février 2008 ; que ceux-ci, commencés avec retard le 10 décembre 2007, ne se sont achevés qu'à la date du 25 avril 2008 ; que la réception des travaux a eu lieu le 1er septembre 2008 ; que, par courrier du 10 décembre 2008, la société Les compagnons paveurs a adressé au maître d'oeuvre le projet de décompte final pour un montant total de 1 399 095,99 euros hors taxes, comprenant un mémoire en réclamation pour un montant de 232 963,50 euros hors taxes au titre des coûts supplémentaires engendrés par le retard pris pour l'exécution du marché ; que, dans le silence du maître d'ouvrage, la société requérante l'a mis en demeure, par courrier du 12 mars 2009, d'établir le décompte général ; que, saisi par la société Les compagnons paveurs, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a désigné, par ordonnance du 27 juillet 2009, un expert en vue d'une part, de préciser les montants dus par le maître d'ouvrage au titre des travaux supplémentaires réalisés sur instruction de ce dernier, et d'autre part, d'évaluer le préjudice subi par la société Les compagnons paveurs à raison du délai supplémentaire d'exécution du chantier ; que, par ordonnance du 8 août 2008, le juge des référés du tribunal a alloué à la société Les compagnons paveurs la somme de 149 044,17 euros à titre de provision ; que la société Les compagnons paveurs interjette appel du jugement n° 0902225 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a limité à 46 210,08 euros le montant de l'indemnisation de son préjudice ; que la Métropole Nice Côte-d'Azur, par la voie de l'appel incident, demande la réduction du montant de la condamnation prononcée contre elle ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ;
3. Considérant qu'aux termes de l'acte d'engagement du 31 juillet 2007, la période d'exécution des travaux était fixée du 9 juillet 2007 au 8 février 2008 ; qu'il n'est pas contesté que les travaux du lot n° 2 ont commencé le 10 décembre 2007 et se sont achevés le 15 mai 2008, que la durée effective d'exécution des travaux a été de 20 semaines, et a excédé la durée contractuellement prévue du chantier ; que les premiers juges ont relevé que " les retards subis par l'entreprise résultent de l'absence de disponibilité, aux dates prévues, des zones d'intervention et des fournitures de pierres relevant du maître de l'ouvrage ; que ces retards ne sont donc pas imputables à l'entreprise mais sont de la responsabilité du maître d'ouvrage " ; qu'aucune pièce du dossier ne vient contredire l'existence de la faute relevée par le tribunal, dont les motifs du jugement ne sont pas contestés sur ce point par la Métropole Nice Côte-d'Azur ; que la faute ainsi commise par le maître d'ouvrage est susceptible de donner lieu à indemnisation au profit de la société Les compagnons paveurs ;
Sur le préjudice :
4. Considérant, en premier lieu, que la société Les compagnons paveurs soutient que la désorganisation du chantier due au retard dans les livraisons de matériaux et dans la mise à sa disposition des zones d'intervention lui a causé un préjudice constitué par la perte de rendement et un coût salarial supplémentaire ; que cependant, d'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante, prévenue suffisamment à l'avance du calendrier des livraisons et des disponibilités des zones d'intervention, a pu moduler chaque semaine l'effectif de ses ouvriers présents sur le chantier et n'a pas subi de préjudice lié à la gestion aléatoire de son personnel, et d'autre part il n'est pas démontré que le coût salarial supplémentaire allégué de 130 journées/homme présente un lien de causalité direct et certain avec le retard fautif du maître d'ouvrage, alors même que l'expertise diligentée par le tribunal remet en cause les prévisions initialement faites par la société sur ce point ; qu'en outre, la société requérante ne produit aucune justification des frais divers, notamment d'hébergement, qu'elle soutient avoir supporté pour l'emploi de ses ouvriers pendant un délai supplémentaire ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le délai supplémentaire pris pour l'exécution des travaux en raison des retards incombant à la personne publique a entraîné des coûts supplémentaires d'encadrement du chantier ; qu'en effet le chef de chantier a été présent sur le chantier 10,75 semaines supplémentaires par rapport à la durée contractuelle d'exécution des travaux ; qu'il en est résulté pour la société Les compagnons paveurs un coût supplémentaire de 37 031,06 euros tel qu'estimé par l'expert, et non sérieusement critiqué par la Métropole Nice Côte-d'Azur qui fait valoir à tort que la mobilisation supplémentaire du chef de chantier est de 5,5 semaines, et, également à tort que le coût unitaire de son intervention ne devrait pas comprendre une part afférente aux frais généraux de l'entreprise ; que le chargé d'affaires chef de projet a dû, ainsi qu'il est mentionné dans le mémoire en réclamation, effectuer des allers-retours supplémentaires entre le 3 mars 2008 et le 17 juin 2008 ; qu'au cours de cette période, il ressort des comptes-rendus de chantier qu'il a été présent aux réunions de chantier des 5 mars, 9 avril, 23 avril et 7 mai 2008 ; que le coût supplémentaire supporté à ce titre par la société requérante doit être estimé à la somme de 4 128 euros ;
6. Considérant, enfin, que la société Les compagnons paveurs fait valoir qu'elle a subi un préjudice du fait du surcoût correspondant à l'immobilisation du matériel nécessaire au chantier pour un montant de 69 150 euros ; qu'elle ne produit cependant au soutien de cette affirmation qu'une facture de location d'un silo pour un montant de 1 690 euros pour 10 jours ; qu'il en résulte que le préjudice subi au titre de l'immobilisation du matériel doit être estimé à la somme de 9 168,25 euros pour 8 semaines ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les compagnons paveurs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a limité à 46 210,08 euros le montant de l'indemnité en réparation de ses préjudices ; que cette indemnité doit être portée à de 50 327,31 euros hors taxe ; qu'il résulte également de ce qui précède que l'appel incident de la Métropole Nice Côte-d'Azur doit être rejeté ;
Sur les frais d'expertise :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir à la charge de la Métropole Nice Côte-d'Azur les frais de l'expertise ordonnée en première instance ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte-d'Azur la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés dans la présente instance par la société Les compagnons paveurs et non compris dans les dépens ; que les dispositions de dispositions précitées s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la Métropole Nice Côte-d'Azur au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE
Article 1er : La somme de 46 210,08 euros HT que le tribunal administratif de Nice a condamné La Métropole Nice Côte-d'Azur à verser à la société Les compagnons paveurs est portée à 50 327,31 euros HT.
Article 2 : Le jugement n° 0902265 du tribunal administratif de Nice du 16 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions en appel incident présentées par la Métropole Nice Côte-d'Azur sont rejetées.
Article 4 : La Métropole Nice Côte-d'Azur versera à la société Les compagnons paveurs la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Les compagnons paveurs est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les compagnons paveurs et à la Métropole Nice Côte-d'Azur.
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N° 12MA01021 2
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