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05/06/2014 | FRANCE | N°11MA01700

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 juin 2014, 11MA01700


Vu, enregistrée le 2 mai 2011, la requête présentée pour M. G...D..., pour Mme B...D..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'administrateur de leur fille mineure H...D..., et pour Mme C...D..., demeurant ...par Me Bonan, avocat ; les consorts D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705018, 0707192, 0707193 du 15 février 2011 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté leur demande tendant à déclarer l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (APHM) responsable du décès de, respectivement, leur fils et de leur frère, le jeune A...D...

, le 8 août 2003 au centre hospitalier de la Timone à Marseille et à ...

Vu, enregistrée le 2 mai 2011, la requête présentée pour M. G...D..., pour Mme B...D..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'administrateur de leur fille mineure H...D..., et pour Mme C...D..., demeurant ...par Me Bonan, avocat ; les consorts D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705018, 0707192, 0707193 du 15 février 2011 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté leur demande tendant à déclarer l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (APHM) responsable du décès de, respectivement, leur fils et de leur frère, le jeune A...D..., le 8 août 2003 au centre hospitalier de la Timone à Marseille et à la condamnation de l'APHM à verser à M. G... D...et à Mme B...D..., en leur nom propre, la somme de 30 000 euros à chacun au titre de leur préjudice moral, à verser à M. G...D...et à Mme B...D..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure H...D..., la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et à verser à Mme C...D...la somme de 20 000 euros au titre de ce même préjudice ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de condamner l'APHM à leur verser la somme totale de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

............................................................................................... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014,

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonan pour les consortsD..., et de MeE..., substituant MeF..., pour l'APHM ;

1. Considérant que A...D..., né le 19 juillet 1993, a été hospitalisé le 9 décembre 1994 dans le service de neurologie pédiatrique du centre hospitalier de la Timone à Marseille pour macrocrânie, troubles de la marche, vomissements itératifs après chaque prise alimentaire et circulation collatérale veineuse cutanée du cuir chevelu ; que le scanner cérébral réalisé le 9 décembre 1994 a mis en évidence une hydrocéphalie active triventriculaire liée à une lésion de la fosse postérieure envahissant la quasi-totalité du cervelet, laquelle lésion a nécessité la réalisation le 23 décembre 1994 du geste chirurgical de dérivation ventriculo-péritonéale droite du liquide cérébro-spinal dans le service de neurochirurgie de cet hôpital ; qu'après l'IRM cérébrale pratiquée le 28 décembre 1994, il a été décidé de pratiquer une deuxième intervention à visée diagnostique sur l'enfant afin de réaliser une biopsie de cette lésion et permettre ainsi d'orienter la prise en charge thérapeutique deA... ; que cette biopsie a été réalisée le 2 janvier 1995 ; que l'examen histologique des prélèvement réalisés a conclu au diagnostic de la maladie orpheline bénigne de Lhermitte-Duclos ; que la sortie du service de A...a été autorisée le 11 février 1995 ; que l'enfant a été porteur d'une dérivation ventriculo-péritonéale et a subi, entre 1995 et 2002, plusieurs ablations et remises en place de cette dérivation dans ce service de la Timone avec allongement du drain péritonéal en rapport avec sa croissance ; qu'à la fin de l'été 2002, l'enfant, âgé de 9 ans, a présenté une dégradation motrice avec constitution d'une hémiparésie gauche ; que le scanner réalisé le 12 décembre 2002 a mis en évidence un gliome infiltrant de grade III du cervelet ; qu'il a subi le 19 décembre 2002 une exérèse partielle de cette tumeur cérébrale ; que l'enfant a été mis sous chimiothérapie le 15 janvier 2003 ; que l'état neurologique de l'enfant s'est progressivement dégradé aboutissant à un coma végétatif ; que le jeune A...est décédé le 8 août 2003 par défaillance pluriviscérale des suites d'une tumeur maligne du cervelet ; qu'estimant que la responsabilité de l'APHM était engagée pour erreur de diagnostic, pour absence de soins adaptés au cancer de l'enfant pendant 8 ans de 1994 à 2002, et dans le dernier état de leurs écritures, pour défaut d'information, les parents deA..., M. et Mme G...D..., et leur fille majeure Hassina D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'APHM à leur verser à chacun en leur nom propre, la somme de 30 000 euros au titre de leur préjudice moral et, en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure H...D..., la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral de cette dernière ; que Mme C...D..., soeur majeure deA..., a demandé la condamnation de l'APHM à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ; que, par jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande des consortsD... ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bastia :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 2ème alinéa du code de la santé publique: " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...). " ;

En ce qui concerne la régularité du rapport d'expertise :

3. Considérant que les requérants soutiennent que l'expert désigné par le jugement avant-dire-droit du 29 juin 2009 du tribunal administratif de Marseille s'est prononcé, dans son rapport du 2 avril 2000 qui conclut à l'absence de faute du centre hospitalier de la Timone, au vu du dossier médical incomplet de l'enfant, au motif que l'APHM ne lui avait pas transmis certains clichés radiographiques des scanners cérébraux et des IRM cérébrales de l'enfant pendant les opérations d'expertise ; que, toutefois, si l'expert signale dans son rapport l'absence de ces imageries neuroradiologiques au dossier, il n'affirme en aucune manière que l'absence de ces clichés ferait obstacle à l'exercice de la mission qui lui a été confiée par les premiers juges, dès lors, d'une part, qu'il disposait des compte-rendus médicaux de ces clichés et que, d'autre part, l'homme de l'art s'est fondé aussi et surtout sur l'aspect histologique et clinique de la pathologie de l'enfant pour lesquels il disposait d'éléments complets, pour apprécier si l'hôpital avait commis une erreur de diagnostic ; que la circonstance que l'expert n'aurait pas eu les résultats de la biopsie extemporanée de la tumeur réalisée sur l'enfant le 2 février 1995, qui mentionne une suspicion de tumeur maligne, n'a pas pu fausser l'appréciation de l'expert, dès lors que ce dernier a pu consulter le compte-rendu du 15 février 1995 définitif anatomopathologique réalisé en laboratoire de cette tumeur, qui seul, selon l'expert, peut emporter la conviction sur la malignité ou la bénignité de la lésion cérébrale de A...; que, par suite, les consorts D...ne sont pas fondés à demander que le rapport de l'expert judiciaire soit écarté des débats ;

4. Considérant, en outre, que si les requérants produisent une " note expertale " établie à leur demande par un médecin, non datée mais qui aurait été rédigée le 16 juillet 2007 après l'examen du dossier médical de l'enfant, cette note, qui conclut à l'existence d'une faute du centre hospitalier, rédigée par un médecin diplômé de médecine légale et titulaire d'un diplôme universitaire de réparation juridique du dommage corporel, n'est pas de nature à contredire utilement les dires de l'expert judiciaire, neurochirurgien, sur le point de savoir si les praticiens, et notamment les neurochirurgiens du service infantile du centre hospitalier de la Timone ont commis un manquement fautif susceptible d'être à l'origine directe du décès deA... ; que, par ailleurs, les affirmations catégoriques de ce médecin légiste ne s'appuient sur aucune littérature médicale, contrairement au rapport précis et circonstancié de l'expert ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges se sont fondés sur le rapport de l'expert qu'ils avaient désigné pour apprécier l'existence d'une faute éventuelle du centre hospitalier ;

En ce qui concerne l'erreur de diagnostic :

5. Considérant que les requérants soutiennent que le centre hospitalier de la Timone a commis une faute en diagnostiquant le 2 janvier 1995 la maladie bénigne de Lhermitte-Duclos, alors que le scanner du 12 décembre 2002 a finalement posé le diagnostic de gliome infiltrant de grade III du cervelet dont l'enfant est mort le 8 août 2003, dès lors que la biopsie extemporanée de la tumeur cérébrale de l'enfant réalisée pendant l'intervention à visée diagnostique du 2 janvier 1995 avait déjà évoqué une suspicion de tumeur maligne, ce qui aurait dû alerter le corps médical et que les médecins, par négligence coupable, n'ont pas vérifié dès 1995, par des examens complémentaires, cette suspicion de lésion anaplasique ;

6. Considérant, d'abord, que l'expert écarte les résultats de la biopsie extemporanée, au motif que ce type de biopsie est réalisé, vu l'urgence, sur des coupes épaisses et colorées grossièrement avec des colorants vitaux monochromes, et que, si elle permet de guider le chirurgien pendant l'opération en fonction de ce qui est découvert et de la situation de la tumeur dans la fosse postérieure délicate, ce qui était particulièrement justifié eu égard au jeune âge de l'enfantA..., en revanche, seul le diagnostic histologique précis, sur des coupes fines examinées après coloration adéquate et après un test immuno-histochimique réalisés en laboratoire, qui exigent plus de temps, permet de poser un diagnostic fiable ; que le compte- rendu de l'examen définitif anatomopathologique du 15 février 1995 de la lésion cérébrale de A...met en évidence des lésions histologiques comparables avec celles d'un diagnostic de la maladie de Lhermitte-Duclos, dont la caractéristique principale est à l'IRM de conserver l'architecture globale des lamelles cérébelleuses de la lésion ; que l'expert ajoute que cette caractéristique est "tellement pathognomonique qu'il ne peut être confondu avec une autre lésion à l'IRM" ; que cet aspect avait été remarqué lors de l'IRM du 28 décembre 1994 ; que l'expert ajoute que le tableau clinique de l'enfant s'intègre lui aussi tout-à-fait dans la définition clinique de la maladie de Lhermitte-Duclos, qui présente des symptômes neurologiques vagues et peu caractéristiques, sauf des signes d'hypertension-intra crânienne et un syndrome cérébelleux, comme ceux dont souffrait l'enfant lors de son arrivée à l'hôpital ; que l'expert se fonde notamment sur la lenteur et la progressivité de la lésion deA..., qui n'avait pas-du-tout évolué en 2000, comme le souligne le courrier du Dr Lena du 14 septembre 2000 et qui n'a augmenté qu'à partir de l'été 2002, soit 9 ans après, selon les signes que l'enfant a présentés à partir de ce moment-là, alors qu'une lésion maligne en 1995 aurait nécessairement évolué beaucoup plus vite eu égard au jeune âge du patient ; que l'expert en conclut que l'enfant était effectivement atteint en 1995 de la maladie orpheline de Lhermitte-Duclos, qui a évolué en 2002 en cancer malin du cervelet ; que l'expert note que cette évolution est peu fréquente, mais parfaitement rapportée dans la littérature médicale ; que les requérants n'apportent pas d'élément médical contraire probant ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les consortsD..., le centre hospitalier n'a pas commis d'erreur en diagnostiquant le 2 janvier 1995 la maladie bénigne de Lhermitte-Duclos ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que les médecins n'auraient pas tout mis en oeuvre pour établir le diagnostic du cancer ;

En ce qui concerne l'absence de soins adaptés :

7. Considérant que, si les consorts D...soutiennent que le centre hospitalier a commis une faute en n'apportant pas pendant 8 ans, jusqu'en 2002, à l'enfant des soins adaptés à son cancer du cervelet, il résulte de ce qui précède que l'état de l'enfant à son arrivée à l'hôpital n'exigeait pas la mise en route d'une chimiothérapie dont le potentiel agressif est au demeurant connu ; que l'expert affirme au contraire que la mise en route de la chimiothérapie le 15 janvier 2003, seulement après la confirmation histologique de la lésion par l'intervention décompressive réalisée le 19 décembre 2002, était adaptée et justifiée ; que le traitement pendant 8 ans de l'enfant pour la pathologie de la maladie de Lhermitte-Duclos était adapté à l'état de santé de l'enfant entre 1994 à 2002 ; que, dès lors, les premiers juges ont pu à bon droit écarter la faute du centre hospitalier sur ce fondement ;

En ce qui concerne le défaut d'information :

8. Considérant que, si les requérants soutiennent que le centre hospitalier a failli à son obligation en "n'informant pas les parents des risques gravissimes qu'il faisait courir au jeune A...en ne traitant pas sa lésion maligne", il résulte de ce qui précède et en tout état de cause, que les médecins n'avaient pas à informer les responsables légaux de A...de l'existence d'une prétendue tumeur maligne ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande indemnitaire ;

Sur les dépens :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de confirmer la mise à la charge définitive à l'APHM des frais d'expertise, d'un montant de 1 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'APHM, qui n'est pas la partie perdante au litige, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit aux consorts D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...D..., à Mme B...D..., à Mme C...D..., à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

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N° 11MA01700 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01700
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-04-01-02 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Moyens. Moyens d'ordre public à soulever d'office. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BONAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-05;11ma01700 ?
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