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15/05/2014 | FRANCE | N°12MA02831

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 12MA02831


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2012, présentée pour M. C...D..., demeurant..., par MeA... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901775 du 15 mai 2012 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nice n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, à la condamnation de la société Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à lui payer la somme globale de 58 041,40 euros à titre de réparation de l'ensemble des préjudices résultant des précipitations et de la crue survenues les

2 et 3 décembre 2005 et, d'autre part, à lui verser une rente annuelle de ...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2012, présentée pour M. C...D..., demeurant..., par MeA... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901775 du 15 mai 2012 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nice n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, à la condamnation de la société Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à lui payer la somme globale de 58 041,40 euros à titre de réparation de l'ensemble des préjudices résultant des précipitations et de la crue survenues les 2 et 3 décembre 2005 et, d'autre part, à lui verser une rente annuelle de 636 euros calculée sur la base de 1,87 euro le m3 ou, à titre subsidiaire, à lui accorder la gratuité de la distribution de l'eau entre le 1er septembre et le 31 juillet de chaque année, dans la limite de 340 m3 ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la ville de Nice, de la communauté d'agglomération Nice Côte d'Azur et de la société Véolia la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

1. Considérant que lors des précipitations exceptionnelles survenues les 2 et 3 décembre 2005, le vallon des Beaumonts, qui traverse la propriété de M. C...D..., située 61, chemin de la Redoute Gairaut à Nice, a été affecté par une crue torrentielle qui a provoqué le charriage d'une grande quantité de matériaux solides (argiles, limons, sables, graviers, galets, blocs) et de matériaux de décharge sauvage ; qu'à la suite de cette crue, l'alimentation en eau potable de la propriété D...a été totalement mise hors d'usage par le comblement par de la boue de la galerie, du puits de captage et des installations de pompage et de stérilisation, ce qui l'a privée de toute alimentation en eau potable dès lors que ladite propriété n'était pas raccordée au réseau public d'alimentation en eau potable ; qu'une mesure d'expertise a été ordonnée par décision du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice du 13 juin 2006 ; que le rapport d'expertise, établi le 2 octobre 2008, indique que les matériaux solides transportés par le vallon des Beaumonts lors de la crue ont été bloqués par une buse métallique mise en place en 1992/1993 par la compagnie générale des eaux (CGE), devenue Véolia CGE, sous l'arche rive gauche d'un ancien ouvrage de franchissement du vallon des Beaumonts par le canal de la Vésubie et que la formation d'un embâcle en amont de la buse a provoqué une remontée sur une centaine de mètres en amont du niveau des eaux dans le vallon ; que le même rapport retient, comme cause exclusive des désordres affectant les installations d'alimentation en eau potable de la propriétéD..., d'une part, une erreur dans le dimensionnement de la buse métallique et de son ouvrage d'entonnement, les notes de calcul de leur dimensionnement étant applicables uniquement en agglomération et non en milieu naturel, et, d'autre part, un défaut d'entretien de l'ouvrage implanté au droit de la propriétéD..., en méconnaissance de l'article 5 de l'avenant n° 21 de la convention pour l'exploitation du service public de l'eau de la ville de Nice ; que M. D...interjette appel du jugement du 15 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, à la condamnation de la société Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à lui payer la somme globale de 58 041,40 euros à titre de réparation de l'ensemble de ses préjudices et, d'autre part, à lui verser une rente annuelle de 636 euros calculée sur la base de 1,87 euro le m3 ou, à titre subsidiaire, à lui accorder la gratuité de la distribution de l'eau entre le 1er septembre et le 31 juillet de chaque année, dans la limite de 340 m3 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que la personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une personne publique est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle; qu'il en va ainsi même lorsque le requérant n'a spécifié aucun chef de préjudice précis devant les premiers juges ;

3. Considérant que les conclusions présentées directement devant la Cour par M. D...tendant à ce que lui soit allouée à titre infiniment subsidiaire une somme de 70 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de son bien immobilier constitué de deux hectares de terrain supportant deux maisons, qui sont relatives à un chef de préjudice distinct de ceux qu'il avait invoqué en première instance et ne se rattachent pas à des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont, par suite, le caractère de conclusions nouvelles irrecevables en cause d'appel ; qu'il en va de même des conclusions du requérant tendant à ce que soit mise à la charge de la société Véolia CGE la réalisation de travaux d'extension du réseau d'alimentation en eau potable afin qu'il bénéficie d'une alimentation pérenne, lesquelles ne se rattachent pas à des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont, par suite, le caractère de conclusions nouvelles irrecevables en cause d'appel ;

4. Considérant que, par ses écritures, M. D...demande expressément que le jugement attaqué soit confirmé en ce qu'il rend la société Véolia CGE responsable des dommages qu'il a subis et ne dirige aucune conclusion indemnitaire à l'encontre de la commune de Nice ou de la communauté urbaine Nice Côte d'Azur, lesquelles ont été mises hors de cause par le jugement attaqué ;

Sur les préjudices :

5. Considérant que l'ouvrage hydraulique critiqué par M. D...constitue un ouvrage public à l'égard duquel celui-ci a la qualité de tiers ; que la responsabilité de la société Véolia CGE n'est susceptible d'être engagée à son égard qu'à la condition que soient établis l'existence d'un préjudice anormal et spécial ainsi qu'un lien de causalité direct et certain entre le dommage allégué et l'ouvrage public à l'existence ou au fonctionnement duquel le dommage est attribué ; que la personne mise en cause doit alors, pour dégager sa responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ;

6. Considérant qu'il ressort des mentions du rapport de l'expertise déjà citée que " L'expert confirme que l'alimentation en eau potable par le captage de l'ancienne source dans le vallon n'est pas conforme aux règles sanitaires car le captage ne peut pas être protégé vis-à-vis des risques de contamination par les argiles en cas de crue et en raison d'un risque de pollution en raison de la présence d'une décharge sauvage à l'amont. " ; que l'expert confirme également " qu'en l'état de l'évolution climatique prévisible défavorable, il est très hautement probable que la ressource souterraine exploitée par le captage de M. D...va se tarir progressivement dans les prochaines années " ; que M. D...a produit au cours des opérations d'expertise un rapport d'analyse du laboratoire de l'environnement Nice Côte d'Azur, lequel établit qu'à la date du 6 octobre 2006 l'eau provenant de son captage privé est d'une qualité conforme, à la sortie du filtre UV, aux normes posées par le code de la santé publique ; que cependant, et nonobstant la potabilité de l'eau de son captage, M. D...a obtenu, par acte authentique du 4 décembre 2007, la constitution d'une servitude de passage de canalisation souterraine sur une partie de la propriété de M. et Mme B...en vue de la desserte en eau potable de sa propriété moyennant une indemnité de 3 000 euros ; qu'il en a par ailleurs réglé les frais d'établissement par chèque du 4 décembre 2007 d'un montant de 2 105,50 euros ;

7. Considérant que, dans ces circonstances, le requérant ne démontre pas que la nécessité de l'alimentation en eau potable de sa propriété par le réseau public découle directement et certainement des dommages subis par son installation de captage d'eau les 2 et 3 décembre 2005 en raison de la présence ou du fonctionnement de l'ouvrage auquel il les attribue ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont rejeté ses demandes indemnitaires afférentes à cette opération et consistant en 3 000 euros au titre des frais de désenclavement versés à M.B..., 394,23 euros au titre des frais de notaire, 2 105,50 euros au titre des frais de raccordement au réseau public et 161,41 euros au titre des frais de raccordement de sa villa au réseau public ;

8. Considérant que, pour les mêmes raisons que ci-dessus exposées, la demande de M. D...tendant à la condamnation de la société Véolia CGE à lui verser une rente annuelle de 636 euros calculée sur la base de 1,87 euros par m3 et subsidiairement à lui accorder la gratuité de la distribution de l'eau entre le 1er septembre et le 31 juillet de chaque année dans la limite de 340 m3 ne pourra qu'être rejetée ;

9. Considérant que si M. D...demande le remboursement d'une somme de 450 euros qu'il a exposée en règlement des frais d'un procès verbal de constat d'huissier dressé à sa demande le 9 mars 2006, ce constat d'huissier est relatif au litige qui l'opposait alors à son assureur, la société MAIF, devant la juridiction judiciaire ; que, dans ce litige qui est distinct et sans lien avec le litige objet de la présente instance, M. D...a été condamné, par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 octobre 2012, au paiement des entiers dépens de toute la procédure, lesquels comprennent la somme de 450 euros précitée dont il n'est dès lors pas fondé à demander le remboursement devant la juridiction administrative ;

10. Considérant en revanche que le rapport d'expertise du 2 octobre 2008 a été utilisé par les premiers juges à titre d'élément d'information et d'ailleurs à l'initiative du requérant qui l'a produit en pièce annexe n° 2 de sa requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 16 avril 2009 ; que cette expertise a été ordonnée le 13 juin 2006 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice dans le cadre du litige opposant M. D...à son assureur, la MAIF ; que les frais de cette expertise ont été taxés à la somme de 13 000,74 euros TTC et mis à la charge de la MAIF, par ordonnance du 29 octobre 2008 du magistrat du tribunal de grande instance de Nice chargé du contrôle de l'expertise, sous déduction des avances reçues ; que, toutefois, par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 octobre 2012, M. D...a été condamné au paiement des entiers dépens de toute la procédure, ainsi qu'il a déjà été indiqué ci-dessus ; que ces dépens comprennent notamment les frais de ladite expertise dont M. D...est fondé à demander le remboursement devant la juridiction administrative en cause d'appel dès lors, d'une part, que cette expertise est utile pour la détermination du préjudice indemnisable et, d'autre part, que les frais d'expertise revêtent ainsi le caractère d'un préjudice en lien avec le dommage dont la Cour est saisie et dont le fait générateur résulte de l'arrêt déjà cité de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence postérieur au jugement attaqué et à l'enregistrement le 9 juillet 2012 de la requête d'appel ;

11. Considérant que si M. D...demande l'allocation d'une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance de son eau durant 10 mois, il a lui-même évalué à la somme de 636 euros la rente annuelle qu'il sollicite à ce titre ; que s'il demande également la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, celui-ci n'est nullement justifié ; qu'il n'établit ainsi pas que la somme de 3 000 euros que lui ont accordée les premiers juges au titre des troubles dans ses conditions d'existence serait insuffisante à réparer ces deux chefs de préjudices dont il n'allègue aucune aggravation depuis le jugement qu'il critique ; que, dans ces conditions ces demandes seront rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant que par celui-ci les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Véolia CGE à l'indemniser des frais de l'expertise judiciaire du 2 octobre 2008 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Nice, la communauté urbaine Nice Côte d'Azur et M.D..., qui ne sont pas parties perdantes à l'instance, soient condamnés à verser quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la communauté urbaine Nice Côte d'Azur ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Véolia CGE une somme de 2 000 euros à verser à M. D...à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que la société Véolia CGE est condamnée à payer à M. D...est portée à 49 410,08 euros, dont 36 410,06 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2009.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine Nice Côte d'Azur et la société Véolia CGE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Véolia CGE versera à M. D...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 mai 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à la société MAIF assurances, à la communauté urbaine Nice Côte d'Azur, à la commune de Nice et à la société Véolia CGE.

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N° 12MA02831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02831
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP FRANCK BERLINER DUTERTRE LACROUTS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-15;12ma02831 ?
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