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06/05/2014 | FRANCE | N°13MA02535

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06 mai 2014, 13MA02535


Vu la requête enregistrée le 21 juin 2013, présentée pour la commune de Guillestre par Me H...C... ; La commune de Guillestre demande à la Cour :

* d'annuler le jugement n° 1208425 rendu le 23 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille par lequel a été annulé l'arrêté du maire de la commune de Guillestre portant licenciement de M.D... ;

* de rejeter les conclusions de M.D... ;

* de mettre à la charge de M. D...le paiement d'une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle so

utient :

- que le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que le re...

Vu la requête enregistrée le 21 juin 2013, présentée pour la commune de Guillestre par Me H...C... ; La commune de Guillestre demande à la Cour :

* d'annuler le jugement n° 1208425 rendu le 23 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille par lequel a été annulé l'arrêté du maire de la commune de Guillestre portant licenciement de M.D... ;

* de rejeter les conclusions de M.D... ;

* de mettre à la charge de M. D...le paiement d'une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que le reclassement d'un policier municipal dont l'agrément est retiré ne constitue pas un droit ;

- qu'il n'y avait aucune possibilité de reclasser M. D...au sein des effectifs de la commune ; que toutes les possibilités statutaires ont été présentées à M. D...dans le cadre de l'entretien préalable à son licenciement ; que lui a aussi été remise la liste des sites internet spécialisés dans l'emploi public ; qu'il avait été convenu qu'il présente une demande de détachement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 15 novembre 2013, par laquelle le président de la 8ème chambre de la Cour a, en vertu des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, clos l'instruction de la présente affaire le 31 décembre 2013 à midi ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2013, présenté pour

M. F...D..., demeurant..., par

Me A...B... ; M. D... demande à la Cour :

* de rejeter la requête de la commune de Guillestre ;

* de mettre à la charge de la commune de Guillestre le paiement d'une somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le maire de la commune de Guillestre n'a pas été régulièrement habilité par le conseil municipal pour interjeter appel du jugement attaqué ; que la convocation adressée aux conseillers municipaux antérieurement à la délibération du 7 juin 2013 était irrégulière dès lors que cette question n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour ; que, par ailleurs, les conseillers municipaux, à qui n'ont été remis ni le jugement attaqué ni une consultation juridique leur permettant d'apprécier l'opportunité d'interjeter appel, n'ont pas été suffisamment informés ;

- que le tribunal administratif n'a pas consacré un droit à reclassement ni décidé d'annuler le licenciement au motif que son droit à reclassement aurait été méconnu ; que la fin des fonctions d'un agent de police municipale n'est pas synonyme de licenciement dès lors que le maire a la possibilité de reclasser l'agent ; que le refus de reclassement ne saurait toutefois se fonder sur un autre motif que celui tiré de l'intérêt général ; que le licenciement dont il a fait l'objet était en réalité motivé par la volonté de l'évincer ; que l'impossibilité de procéder à son reclassement n'est pas établie dès lors que plusieurs postes étaient susceptibles de lui être proposés ; que les emplois permanents occupés par des agents contractuels doivent être réputés vacants ;

Vu, en application des dispositions de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, l'ordonnance en date du 26 février 2014 par laquelle l'instruction de l'affaire a été rouverte ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la commune de Guillestre, par Me H...C... ; Elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et ajoute que, par une délibération du 31 mars 2008, le maire a été habilité par le conseil municipal à ester en justice ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de Me G..., substituant MeC..., pour la commune de Guillestre et de Me B...pour M. D... ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 9 avril 2014 par télécopie présentée pour M. D...par Me A...B... ;

1. Considérant que M. D...exerçait les fonctions d'agent de police municipale au sein de la commune de Guillestre depuis 2002 ; que, par un arrêté en date du 13 septembre 2011, M. D... a été révoqué au motif qu'il aurait procédé à divers enregistrements de conversations à l'insu de plusieurs interlocuteurs, dont le maire de la commune de Guillestre, le 1er adjoint au maire, la directrice générale des services et un autre agent de police municipale ; qu'à la suite de l'avis émis le 25 janvier 2012 par le conseil de discipline de recours, lequel a préconisé de substituer à ladite révocation une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an, le maire de la commune de Guillestre a retiré l'arrêté précité du 13 septembre 2011 et infligé à M. D... une exclusion temporaire de fonctions d'un an avec effet au 17 septembre 2011 ; qu'en parallèle, par arrêté du 26 septembre 2011, le préfet des Hautes-Alpes a décidé de retirer à M. D...son agrément d'agent de police municipale au motif, d'une part, des enregistrements précités et, d'autre part, du fait qu'il avait été condamné, le 8 septembre 2011, par le tribunal correctionnel de Gap pour avoir établi sciemment, en qualité de président de l'association AFPS 05, spécialisée dans le domaine du secourisme, une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que M. D... a été réintégré, à l'issue de son exclusion temporaire de fonctions, le

17 septembre 2012 ; que, toutefois, par un arrêté en date du 6 novembre 2012, le maire de Guillestre a décidé de le licencier à compter du 8 janvier 2013 du fait de la perte de son agrément et de l'impossibilité de procéder à son reclassement au sein de la commune ; que, par un jugement en date du 23 mai 2013, le tribunal administratif de Marseille a annulé ledit licenciement au motif qu'il n'était pas établi qu'il n'y avait pas de poste vacant au sein des effectifs municipaux et que ledit licenciement serait fondé sur la recherche du seul intérêt général ; que le tribunal a, en conséquence, enjoint au maire de la commune de procéder à la réintégration de M.D... ; que la commune de Guillestre interjette appel dudit jugement ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par M.D... :

2. Considérant que M. D...fait valoir que le maire de la commune de Guillestre n'a pas été régulièrement habilité, par délibération du conseil municipal du 7 juin 2013, à interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2013 dès lors, d'une part, que cette question n'avait pas été mentionnée dans la convocation adressée aux conseillers municipaux et que, d'autre part, ceux-ci n'ont pas été suffisamment informés ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, quelle que soit la régularité de la délibération spéciale du 7 juin 2013, que le maire de la commune avait, en application des dispositions de

l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales reçu délégation générale, le

26 mars 2008, pour " intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle lorsque ces actions concernent les décisions prises par le maire en vertu de délégations consenties par le conseil municipal et en vertu de ses compétences propres en matière de gestion communale ou d'exécution des délibérations du conseil municipal " dans " tous les contentieux d'ordre administratif, civil, pénal, en première instance ou en appel " ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir susmentionnée doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-49 du code des communes, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'agrément d'un agent de police municipale est retiré ou suspendu dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut proposer un reclassement dans un autre cadre d'emplois dans les mêmes conditions que celles prévues à la section 3 du chapitre VI de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, à l'exception de celles mentionnées au second alinéa de l'article 81 " ; que ces dispositions accordent au maire la faculté de rechercher les possibilités de reclassement dans un autre cadre d'emplois de l'agent de police municipale dont l'agrément a été retiré ou suspendu et qui n'a fait l'objet ni d'une mesure disciplinaire d'éviction du service ni d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'elles n'instituent pas au bénéfice des agents de police municipale un droit à être reclassés ; qu'il suit de là que le maire a la possibilité de reclasser l'agent s'il existe un emploi susceptible de lui convenir au sein des effectifs de la commune ou de le licencier, alors même qu'il existerait une possibilité de reclassement, à condition toutefois, dans cette dernière hypothèse, de justifier que l'intérêt général ou l'intérêt du service s'opposent à ce reclassement ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Guillestre a, alors qu'il n'y était pas tenu, recherché si M. D...pouvait bénéficier d'une possibilité de reclassement dans un autre cadre d'emplois ; que M. D...fait toutefois valoir que plusieurs emplois auraient, en réalité, pu lui être proposés ; que la commune de Guillestre produit cependant en appel la liste des emplois au 1er janvier 2013 qui fait apparaître qu'aucun des emplois susceptibles de pouvoir être proposés à M.D..., agent de catégorie C, n'était vacant ; que si l'intimé fait état de ce qu'il a, entre la date de sa réintégration en septembre 2012 et la date de prise d'effet de son licenciement, le 8 janvier 2013, effectué diverses tâches qui justifiaient que soit créé un emploi, il n'établit pas que les missions diverses et variées qui lui ont été confiées tenant, notamment, à la rédaction des permissions de voirie et des arrêtés de circulation, à une participation à la refonte du plan communal de sauvegarde, au suivi des établissements recevant du public ou à la distribution de courriers dans les autres communes, justifiaient que soit créé un poste ; que, par ailleurs, il n'est pas établi qu'un emploi correspondant à la catégorie et aux aptitudes de M. D...ait été créé à la bibliothèque municipale ;

qu'en outre, si M. D...a postulé sur un emploi de secrétaire administratif, cet emploi relève de la catégorie B ; qu'enfin, s'il se prévaut de ce qu'un agent contractuel avait été recruté à mi-temps pour pallier son absence durant son exclusion temporaire de fonctions d'un an, les missions confiées à celui-ci relevaient essentiellement de la police municipale et ne pouvaient dès lors, à supposer même qu'elles ne nécessitent pas d'agrément, plus lui être confiées eu égard à la nature des fautes qui lui étaient reprochées, parmi lesquelles les écoutes à leur insu du maire et d'autres agents de la commune et au lien nécessaire de confiance qu'impose l'exercice de telles fonctions ; que, dans ces conditions, et au vu des pièces nouvellement produites en appel, la commune de Guillestre doit être regardée comme établissant, d'une part, qu'elle a, alors qu'elle n'y était pas tenue, recherché les possibilités de reclassement de M. D...dans un autre cadre d'emplois au sein de ses effectifs et, d'autre part, qu'elle n'a pu procéder à un tel reclassement ;

5. Considérant qu'il suit de là que la commune de Guillestre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur ce qu'elle ne justifiait pas de l'absence de poste vacant et de l'intérêt général pour annuler le licenciement dont a fait l'objet M. D...par arrêté du 6 novembre 2012 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

7. Considérant que M. D...a fait valoir, en première instance, que le licenciement dont il faisait l'objet constituait une sanction déguisée dès lors que le maire de la commune de Guillestre souhaitait, depuis son arrêté du 13 septembre 2011, par la suite retiré du fait de l'avis du conseil de discipline de recours, l'évincer ; que, cependant, l'arrêté du 6 novembre 2012, conséquence du retrait non attaqué de l'agrément dont bénéficiait M. D...en qualité d'agent de police municipale et, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'absence de possibilité de le reclasser dans un autre cadre d'emplois au sein des effectifs communaux, ne peut être regardé comme constituant une sanction déguisée ; que, dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir, d'une part, que le conseil de discipline aurait dû être consulté préalablement à son licenciement et, d'autre part, qu'il aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits en méconnaissance du principe non bis in idem ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, aucun des autres moyens soulevés par M. D...n'étant fondé, qu'il y a lieu d'annuler le jugement rendu le 23 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M.D... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

10. Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Guillestre le paiement des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement desdites dispositions par la commune de Guillestre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1208425 rendu le 23 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Guillestre en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Guillestre et à M. F...D....

Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Gonzales, président de chambre,

- M. E... et Mme Vincent-Dominguez, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 mai 2014.

Le rapporteur,

A. VINCENT-DOMINGUEZLe président,

S. GONZALESLe greffier,

C. LAUDIGEOISLa République mande et ordonne au préfet des Hautes-Alpes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 13MA025353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02535
Date de la décision : 06/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-06 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-06;13ma02535 ?
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