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22/04/2014 | FRANCE | N°13MA02672

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 22 avril 2014, 13MA02672


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour la SCP A...Lageat, prise en la personne de Me F...-B...A..., en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Net Cacao, dont le siège est situé 30 cours Lieutaud à Marseille (13001), par Me D..., de la SCP Massilia Social Code ;

La SCP A...Lageat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201080 du 30 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône en date du 11 juillet 2

011 autorisant le licenciement de M.C..., salarié protégé, et la décision du ...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour la SCP A...Lageat, prise en la personne de Me F...-B...A..., en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Net Cacao, dont le siège est situé 30 cours Lieutaud à Marseille (13001), par Me D..., de la SCP Massilia Social Code ;

La SCP A...Lageat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201080 du 30 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône en date du 11 juillet 2011 autorisant le licenciement de M.C..., salarié protégé, et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 24 janvier 2012 confirmant la décision de l'inspectrice du travail ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.C... ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2014 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me E... pour la SCP A...Lageat ;

1. Considérant que M. C...était salarié de la société Net Cacao en tant qu'opérateur de fabrication et exerçait les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise, délégué du personnel suppléant et représentant de section syndicale ; que, par courrier du 28 juin 2011, Me A..., mandataire judiciaire à la liquidation de l'entreprise, a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif économique ; que, par décision du 11 juillet 2011, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de l'intéressé ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre chargé du travail, par décision du 24 janvier 2012, a confirmé la décision de l'inspectrice du travail ; que la SCP A...Lageat, prise en la personne de MeA..., relève appel du jugement en date du 30 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux décisions ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

3. Considérant que, dès lors qu'une demande d'autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative, pour apprécier la réalité du motif de cessation d'activité invoqué à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société faisant partie d'un groupe, d'examiner la situation économique des autres entreprises de ce groupe ; qu'il lui incombe, en revanche, de vérifier que la cessation de cette activité est totale et définitive ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de l'inspectrice du travail est fondée sur la cessation d'activité de la société Net Cacao résultant de la liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 15 juin 2011 ; que la cessation totale et définitive d'activité à la date de la décision de l'inspectrice du travail n'est pas contestée par le salarié ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance que, sur requête de Me A...en date du 10 janvier 2012, le tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance du 3 février 2012, postérieurement à la décision de l'inspectrice du travail, autorisé la cession des actifs corporels, incorporels et immobiliers constituant le fonds de commerce de la société Net Cacao à une société dont il n'est pas allégué qu'elle ferait partie du groupe auquel appartient la société Net Cacao ; que, dans ces conditions et ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'inspectrice du travail n'avait pas à faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe ; que, dès lors, la SCP A...Lageat est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu que la décision de l'inspectrice du travail était entachée d'erreur de droit ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, réunit et consulte le comité d'entreprise (...) dans les conditions prévues à l'article L. 2323-15 ainsi qu'aux articles : (...) 4° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative (...) " ; que l'article L. 1233-31 du même code dispose : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées (...) " ; que M. C...fait valoir que les représentants du personnel n'ont pas reçu une information précise sur le projet de licenciement au motif que le mandataire liquidateur n'a jamais communiqué au comité d'entreprise des documents demandés à plusieurs reprises, et notamment lors des réunions des 26 et 27 juin 2011 ; que, toutefois, ces pièces, qui sont constituées des accords commerciaux conclus entre la société Net Cacao et la société Nestlé pendant la période de février 2006 à juin 2010, des " protocoles d'accord " entre les deux sociétés, des comptes certifiés et du carnet de commande de l'entreprise, ne figurent pas au nombre des documents dont la communication au comité d'entreprise est prévue par les dispositions précitées de l'article L. 1233-31 du code du travail ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de l'inspectrice du travail du 11 juillet 2011 a été adressée à Me A...par télécopie le jour même, puis notifiée le lendemain ; que M. C...a été licencié par lettre du 12 juillet 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le licenciement est intervenu avant la notification de la décision de l'inspectrice du travail doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande de licenciement économique faisant suite à la liquidation judiciaire de l'entreprise, de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail ; qu'ainsi, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que la société Net Cacao aurait fait preuve de légèreté blâmable en ne produisant pas certains documents dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que si la société Net Cacao a été créée en 2006 à la suite de la cessation d'activité de la société Nestlé à Marseille, M. C...ne peut utilement invoquer le comportement fautif de cette dernière société ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;

11. Considérant que si, pour apprécier les possibilités de reclassement offertes au salarié, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, elle n'est tenue de faire porter son examen que sur les entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

12. Considérant, d'une part, que la circonstance que M. C...ne se soit vu proposer aucun poste, ou aucune formation, n'est pas de nature à démontrer que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement si aucun poste susceptible de lui permettre d'exercer des fonctions comparables n'était disponible au sein de l'entreprise ou des sociétés du groupe auquel elle appartient ; que ni les dispositions précitées de l'article L. 1233-4 du code du travail, ni aucune autre prescription législative ou règlementaire, n'imposent à l'employeur de réduire le temps de travail du salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé ;

13. Considérant, d'autre part, que la cessation totale d'activité faisait obstacle à ce qu'un poste de reclassement soit recherché au sein de la société Net Cacao ; que, s'il est constant que la société Net Cacao, dont l'activité est la fabrication de cacao, chocolat et produits de confiserie, fait partie d'un groupe constitué avec la société Sucres et Denrées, Me A...a procédé, par lettre du 17 juin 2011 envoyée par télécopie le jour-même et indiquant les coordonnées et qualifications des salariés dont le licenciement était envisagé, à une recherche de reclassement auprès de la société Sucres et Denrées, qui exerce une activité de commerce de gros, principalement de sucre mais aussi de chocolats et confiseries ; que, par courrier du 20 juin 2011, soit postérieurement à la demande, le directeur des ressources humaines du groupe Sucres et Denrées a répondu qu'aucun poste n'était disponible au sein de l'" entreprise " en ajoutant qu'une telle opportunité au sein du groupe ne pourrait concerner que des emplois tertiaires ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard notamment à l'activité principalement commerciale du groupe Sucres et Denrées, celui-ci aurait comporté des entreprises dont les activités ou l'organisation auraient permis d'offrir à M. C...la possibilité d'exercer des fonctions comparables à celles d'opérateur de fabrication, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué ;

14. Considérant qu'il s'ensuit que le moyen tiré du manquement de la société Net Cacao à son obligation de reclassement doit être écarté ;

15. Considérant, en sixième et dernier lieu, que lorsque, en vertu des dispositions combinées des articles L. 1233-58 et L. 1233-53 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige, le liquidateur d'une entreprise était tenu de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement du personnel dont le licenciement ne pouvait être évité, il appartenait seulement à l'autorité administrative, de s'assurer que les salariés protégés avaient eu accès aux mesures de reclassement externe prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires ; qu'en revanche, il ne lui appartenait pas d'apprécier le respect par le liquidateur de ses obligations de reclassement externe, cette appréciation ne pouvant être dissociée de celle alors portée par le juge judiciaire sur la validité du plan social et l'autorisation de licenciement ne faisant pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction judiciaire ; que, dès lors, le salarié ne peut utilement faire valoir que le plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant ou que certaines réponses aux recherches de reclassement externe sont parvenues au liquidateur postérieurement au licenciement ;

Sur la légalité de la décision du ministre chargé du travail :

16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspectrice du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspectrice (...) " ;

17. Considérant que lorsque le ministre, en confirmant la décision qui lui est soumise, rejette implicitement le recours hiérarchique présenté contre la décision de l'inspectrice du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspectrice ; que, par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspectrice, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision ministérielle est inopérant ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCP A...Lageat, en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Net Cacao, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de l'inspectrice du travail en date du 11 juillet 2011 et celle du ministre chargé du travail en date du 24 janvier 2012 ; que, par suite, le jugement doit être annulé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

20. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Net Cacao, qui, en tout état de cause, n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 30 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP A...Lageat, en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Net Cacao, à M. B... C...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

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N° 13MA02672

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02672
Date de la décision : 22/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SOUCHE MARTINEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-22;13ma02672 ?
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