Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par MeC... ;
M. D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201532 du 10 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 novembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 1er avril 2014, le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller ;
1. Considérant que M.D..., de nationalité russe, défère à la Cour le jugement du 10 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 novembre 2011 ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'ayant obligé à quitter le territoire français et ayant fixé le pays de destination ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de dispositions contraires, la régularité de la procédure de consultation d'un organisme s'apprécie au regard des textes en vigueur à la date à laquelle intervient la décision devant être précédée de cette consultation, alors même que celle-ci a eu lieu avant l'entrée en vigueur de ces textes et selon les règles prévues par les dispositions antérieurement applicables ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 18 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 38 du décret n° 2011-1049 du 6 septembre 2011 pris pour l'application de la loi du 16 juin 2011 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
4. Considérant que M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale ; qu'au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 19 août 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a opposé un refus au motif que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que M. D... soutient qu'avant de prendre sa décision, le préfet aurait dû recueillir l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles de nature à justifier son admission au séjour ;
5. Considérant que les modalités de consultation du directeur général de l'agence régionale de santé sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ont été précisées par l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ; que cet arrêté n'a cependant été publié au Journal officiel que le 12 décembre 2011 et n'était pas encore en vigueur à la date de l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône ; que M. D... n'est dès lors pas fondé à s'en prévaloir ; que, néanmoins, cette circonstance ne faisait pas manifestement obstacle à l'application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles-mêmes entrées en vigueur, respectivement, le 30 septembre 2011 et le 8 septembre 2011 ; qu'en l'absence d'indication dans l'arrêté antérieur du 8 juillet 1999 des conditions dans lesquels devait être émis l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé et faute de publication de l'arrêté du 9 novembre 2011, il appartenait à l'autorité préfectorale, au vu des éléments dont s'est prévalu le cas échéant l'étranger devant elle et de l'ensemble des informations dont elle disposait sur la situation de l'intéressé compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve d'avoir accès au dossier médical de ce dernier, de recueillir cet avis selon la procédure qu'elle estimait appropriée ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ait fait valoir devant le préfet des Bouches-du-Rhône des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour pour raison médicale ; que, si le requérant se prévaut des conclusions de l'avis émis par le médecin agréé le 21 mai 2011, il n'établit pas ni même n'allègue avoir porté cet avis, couvert par le secret médical, à la connaissance du préfet ; que, dans ces conditions et comme l'a jugé le tribunal, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'avait aucune raison de s'interroger au vu de la situation de M. D... sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles, n'avait pas l'obligation de consulter le directeur général de l'agence régionale de santé ; que le vice de procédure allégué doit dès lors être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que M. D... soutient que le traitement que requiert son état de santé n'existerait pas en Russie ; que le préfet des Bouches-du-Rhône produit une fiche émanant du comité d'informations médicales (CIMED) dont il ressort que le traitement de la pathologie affectant le requérant existe en Russie ; que, si M. D... fait valoir que cette fiche date d'octobre 2006, il ne produit aucune pièce de nature à démontrer que les données qui y sont mentionnées seraient devenues obsolètes et ne correspondraient plus à l'offre de soins disponible en Russie à la date de la décision contestée ; que les certificats médicaux produits par le requérant ne suffisent pas par ailleurs à infirmer ces données ; que M. D... n'est pas fondé, en outre, à soutenir qu'il ne pourrait bénéficier effectivement de ce traitement compte tenu des risques de persécutions auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine, faute de rapporter la preuve de la réalité des menaces alléguées ; qu'ainsi, en refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. D... ne justifie pas de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se bornant à faire valoir que l'absence de prise en charge médicale de la pathologie dont il est affecté aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors que, comme il vient d'être dit, il n'est pas démontré que l'intéressé serait privé d'un traitement approprié en Russie ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que M. D... est entré en France en janvier 2008, à l'âge de 28 ans, en même temps que son épouse et leurs deux enfants, également en situation irrégulière sur le territoire français ; que le requérant ne démontre pas avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité ; que rien ne s'oppose dès lors à la poursuite de la vie privée et familiale de l'intéressé hors de France ; que, dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de motiver spécifiquement le délai de départ volontaire imparti à l'étranger, dont la fixation ne constitue pas une mesure distincte de l'obligation de quitter le territoire français ; que M. D... ne conteste pas que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation du délai de départ volontaire qui lui a été imparti doit être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à ce qui précède, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant le refus de séjour contesté ;
13. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10., le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement obliger le requérant à quitter le territoire français sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni entacher sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation de l'intéressé ; qu'il n'est pas démontré que le délai de départ volontaire de 30 jours laissé au requérant serait manifestement insuffisant pour lui permettre de prendre les dispositions nécessaires afin d'éviter une rupture dans son traitement médical ou dans celui de son fils ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait mépris sur l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par la décision de la cour nationale du droit d'asile pour apprécier les risques encourus par M. D... en cas de renvoi en Russie ;
15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
16. Considérant que M. D... n'établit pas qu'il serait exposé à des risques pour sa vie, son intégrité physique ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, en indiquant que l'obligation de quitter le territoire pourrait, à défaut d'exécution volontaire, être exécutée d'office à destination du pays dont M. D...possède la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.
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N° 12MA02717
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