Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour la commune de La Colle-sur-Loup, représentée par son maire, par MeF... ;
La commune de La Colle-sur-Loup demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804017 du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de M. et Mme B...et de MmeG..., annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2008 portant transfert d'office du chemin des Bas Campons et d'une partie de l'impasse du Roure dans son domaine public ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme B...et de Mme G...présentées devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. B...et de MmeG..., chacun la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2014 :
- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour M. et Mme B...et MmeG... ;
1. Considérant que, par une délibération du 31 mai 2007, le conseil municipal de La Colle-sur-Loup a décidé d'engager la procédure de transfert d'office dans le domaine public communal de sept voies privées ; qu'en raison de l'opposition de certains propriétaires de l'impasse du Roure et du chemin des Bas Campon exprimée durant l'enquête publique, le conseil municipal a, par une seconde délibération du 14 avril 2008, autorisé le maire à demander au préfet de procéder au transfert de ces deux voies et approuvé le transfert d'office dans le domaine public communal des cinq autres voies ; que le préfet des Alpes-Maritimes a fait droit à la demande de la commune par un arrêté du 18 septembre 2008 ; que M. et Mme B...et MmeG..., qui sont riverains du chemin des Bas Campon, ont contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Nice, ainsi que l'arrêté du maire de La Colle-sur-Loup du 17 octobre 2008 pris en exécution de la délibération du 14 avril 2008 ; que, le 10 avril 2012, le tribunal a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé l'arrêté préfectoral du 18 septembre 2008, puis, par l'article 2 du jugement, condamné l'Etat à verser à M. et Mme B...et à Mme G...la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance, enfin, par les articles 3 et 4 du jugement, rejeté le surplus des demandes présentées devant lui ; que la commune de La Colle-sur-Loup doit être regardée comme demandant à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, la commune de La Colle-sur-Loup ne se borne pas en appel à reproduire ses écritures de première instance mais critique la décision prise par les premiers juges et énonce de manière précise et à nouveau les moyens justifiant, selon elle, le rejet de leurs prétentions ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les époux B...et Mme G...ne sont pas fondés à soutenir que la requête serait, pour ce motif, irrecevable ;
3. Considérant, en second lieu, qu'en vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué ; que la commune de La Colle-sur-Loup avait la qualité de partie à l'instance devant le tribunal administratif de Nice, y compris au regard du litige relatif à l'arrêté préfectoral du 18 septembre 2008 portant transfert, à sa demande, de deux voies privées dans la voirie communale ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la commune pour interjeter appel du jugement attaqué, doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant qu'il ressort des écritures de première instance des époux B...et de Mme G... qu'ils ont entendu demander l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2008 uniquement en tant qu'il porte transfert dans le domaine public communal du chemin des Bas Campons ; que, dès lors, le tribunal ne pouvait, sans statuer au-delà de la demande dont il était saisi, annuler entièrement l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes, y compris en tant qu'il concerne l'impasse du Roure ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué en ce qu'il annule l'arrêté du 18 septembre 2008 en tant qu'il porte transfert dans le domaine public communal de la partie demeurée privée de l'impasse du Roure ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-5 du code de la voirie routière : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut être transférée dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées dans les conditions fixées à l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme " ; qu'aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune. L'acte portant classement d'office comporte également approbation d'un plan d'alignement dans lequel l'assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique. (...) " ;
6. Considérant que les décisions portant transfert d'office dans le domaine public communal de voies privées ouvertes à la circulation publique, prises en application des dispositions précitées, ont pour effet d'éteindre, par elles-mêmes et à la date à laquelle elles sont prises, tous les droits réels et personnels que les propriétaires détenaient sur les biens transférés ; qu'eu égard à leurs effets et comme l'a jugé le tribunal, elles ne peuvent être opposables à ces propriétaires qu'après leur avoir été notifiées individuellement ;
7. Considérant que, si l'arrêté du 18 septembre 2008 a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Alpes-Maritimes du 19 septembre et a fait l'objet d'un affichage en mairie pendant trois mois, du 18 septembre au 17 décembre 2008 inclus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été notifié à M. et MmeB..., ni à MmeG... ; que, par suite, le délai de recours contentieux ouvert contre cet arrêté n'était pas opposable à ces derniers ; que la circonstance que la commune ait fait mention de l'existence de cet arrêté dans son mémoire en défense du 15 décembre 2009 n'a pas été de nature à faire courir ce délai à l'égard des époux B...et de MmeG... ; qu'il suit de là que la commune de La Colle-sur-Loup n'est pas fondée à soutenir que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cet arrêté, présentées le 13 décembre 2010, étaient tardives ;
Sur la légalité de l'arrêté du 18 septembre 2008 :
8. Considérant qu'une voie privée ne peut être réputée affectée à l'usage du public que si son ouverture à la circulation publique résulte du consentement, au moins tacite, de l'ensemble des propriétaires ;
9. Considérant que la commune fait valoir que la voie en litige dessert un nombre important d'habitations, qu'elle est dotée des équipements publics tels que l'éclairage ou les réseaux d'eau potable et d'eaux usées, que les riverains bénéficient des services postaux et de ramassage des ordures ménagères et qu'aucune interdiction d'accès n'est matérialisée ; que ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de conclure à un consentement des propriétaires à une ouverture à la circulation publique ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que la voie litigieuse est une impasse qui dessert uniquement les propriétés riveraines ; que, dans un courrier daté du 13 septembre 2001 adressé à la commune, plusieurs propriétaires ont manifesté leur souhait que ce chemin ne soit pas affecté à la circulation publique ; que la commune n'apporte aucun élément probant de nature à établir que, depuis cette date, les propriétaires auraient consenti, même tacitement, à l'utilisation de la voie par le public ; qu'en toute hypothèse, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 janvier 2008 que les époux B...et Mme G...sont propriétaires de l'assiette du chemin au droit de leur propriété ; que les intéressés ont demandé aux juridictions judiciaires qu'il soit fait interdiction aux habitants du groupement d'habitations La Pinatello d'emprunter le chemin avec leurs véhicules, au motif qu'ils ne disposaient d'aucun droit de passage ; que le tribunal de grande instance de Grasse a fait droit à leur demande par un jugement du 5 mars 2002, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 janvier 2008 ; que cette action judiciaire témoigne du souhait des époux B...et de Mme G...de réserver l'accès de la voie aux personnes titulaires d'un droit de passage ; que, dans ces conditions, M. et Mme B...et MmeG..., propriétaires d'une partie du chemin, ne peuvent être regardés comme ayant consenti, même tacitement, à ce que celui-ci soit ouvert à la circulation publique ; qu'il suit de là qu'à défaut du consentement de l'ensemble des propriétaires, le chemin des Bas Campons ne pouvait être réputé affecté à la circulation publique ; que, par suite, comme l'a jugé le tribunal, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pu légalement décider son transfert d'office dans le domaine public de la commune de La Colle-sur-Loup ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Colle-sur-Loup est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2008 en tant qu'il porte transfert dans le domaine public communal de la partie demeurée privée de l'impasse du Roure ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B...et de MmeG..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de La Colle-sur-Loup demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par M. et Mme B...et Mme G...au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2012 est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2008 en tant qu'il porte transfert dans le domaine public communal de la partie demeurée privée de l'impasse du Roure.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Colle-sur-Loup, à M. C... B..., à Mme E...B..., à Mme H... G...et au ministre de l'intérieur.
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N° 12MA02254
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