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17/04/2014 | FRANCE | N°12MA00246

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 17 avril 2014, 12MA00246


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2012, présentée pour M. et Mme D...C..., demeurant au..., par Me B... ;

M. et Mme C...demandent à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0900980 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes

;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2012, présentée pour M. et Mme D...C..., demeurant au..., par Me B... ;

M. et Mme C...demandent à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0900980 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :

- le rapport de M. Haïli, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D...C...était gérant de la SARL L'Ombretta du 30 avril 2002 au 2 janvier 2006 et associé, à hauteur de 350 parts sur les 500 parts qui constituent le capital de cette société, laquelle exploite un restaurant de type traditionnel à Nice, dont les résultats imposables notamment de l'exercice clos en 2004 ont été rehaussés à la suite d'une vérification de sa comptabilité ; que par lettre du 13 octobre 2006, M. A...C..., associé à hauteur de 150 parts et devenu gérant à compter du 2 janvier 2006, a désigné M. D...C..., qui est son père, comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées correspondant aux minorations de recettes relevées ; qu'en conséquence, par la proposition de rectification n°2120 du 12 février 2007, maintenue par la réponse aux observations du contribuable n° 3926 du 1er avril 2008, M. et Mme C...ont été personnellement assujettis, au titre de l'année 2004, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, suivant la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des suppléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et de contributions sociales, à hauteur des droits que M. C... détient dans la société à responsabilité limitée, ainsi qu'aux pénalités correspondantes ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;

3. Considérant que M. et Mme C...soutiennent que l'administration a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à leur encontre en s'abstenant de leur notifier régulièrement la proposition de rectification en date du 12 février 2007 ; qu'il incombe à l'administration de démontrer que les pièces de procédure du contrôle fiscal ont été régulièrement notifiées au contribuable ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale produit devant la Cour l'avis attestant de la réception du pli concerné, remis à l'adresse des requérants et revêtu de la signature de M. ou Mme C...en date du 15 février 2007 ; que par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Considérant que l'administration fiscale soutient sans être sérieusement contredite que par lettre du 31 octobre 2006, M. A...C..., gérant interrogé en vertu de l'article 117 du code général des impôts, a désigné M. D...C...comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées ; qu'il résulte de l'instruction que ce dernier n'a pas accepté les rectifications découlant du rattachement à son revenu global, à concurrence de ses parts dans le capital de la société contrôlée, des rehaussements de recettes de la SARL L'Ombretta, regardés comme distribués, tant en ce qui concerne l'existence et le montant des recettes qu'au regard de la réalité de la distribution ; que dans ces conditions, il incombe à l'administration fiscale de prouver d'une part l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par la société et d'autre part, l'appréhension de ces distributions par la personne désignée ainsi que le montant des sommes qui auraient été attribuées à cet associé personnellement ;

En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 109, 1, 1° du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer les recettes de l'activité exploitée par la SARL L'Ombretta, le vérificateur, après avoir rejeté sa comptabilité comme irrégulière et non probante, a utilisé la méthode dite " des liquides ", qui consiste à déterminer le pourcentage des vins et eaux dans le chiffre d'affaires global et à reconstituer le chiffre d'affaires de chacun des exercices en appliquant le coefficient global obtenu aux achats de vins et eaux revendus après prise en compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel et des dirigeants ; que pour contester le bien-fondé des impositions en litige, M. et Mme C...reprennent en appel les moyens déjà développés en première instance, tirés de ce que la méthode des liquides, utilisée par l'administration pour reconstituer les recettes de la société, aboutirait à un chiffre d'affaires exagéré, non conforme à l'activité réelle de l'entreprise ; que cette méthode des liquides ne serait pas validée par la jurisprudence et ne tiendrait pas compte des difficultés financières de l'établissement ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, le tribunal administratif de Nice n'a pas commis d'erreur en écartant ces moyens, aux motifs que la méthode statistique employée, validée par l'avis de la commission départementale des impôts, suivi par l'administration, permet en effet d'appréhender, à partir des données propres de l'exploitation, le niveau réel d'activité d'un contribuable, qu'elle prend nécessairement en compte, par le biais de l'analyse des achats de vins et d'eaux et des recettes réalisées par le contribuable ainsi que des extrapolations que permet l'utilisation des statistiques, tous les paramètres de fonctionnement de son entreprise et qu'enfin la circonstance que les clients consomment plusieurs boissons au cours d'un même repas ne remet pas en cause la fiabilité de la méthode, laquelle n'est pas affectée par les habitudes de consommation des clients ;

7. Considérant qu'en se bornant à soutenir que l'omission des offerts est significative du souci de l'administration de vouloir atteindre un rehaussement aussi élevé que possible, les requérants ne contestent pas utilement la reconstitution de recettes ; que par ailleurs, M. et Mme C... contestent l'estimation des consommations du personnel retenue par le vérificateur, lequel a défalqué des achats consommés de vins et d'eaux ceux qui étaient affectés à la consommation du personnel, en prenant en compte dans la reconstitution de recettes, les eaux de marque Cristalline ; que toutefois, les requérants ne produisent aucun élément probant à l'appui de leur contestation du quantum de consommations du personnel retenu par l'administration ; qu'enfin, si les requérants font valoir que les kirs étaient fabriqués avec du vin Ste Béatrice, non pris en compte par le vérificateur, elle n'infirme par aucun élément tiré de l'activité propre de l'entreprise le constat de l'administration selon lequel le nombre de bouteilles de vins de 0,75 cl n'est pas suffisant pour confectionner les kirs vendus sur l'année et le prix de revient de ce vin n'est pas en adéquation avec le prix de vente des kirs ;

8. Considérant en revanche qu'au titre des pertes et casses, le vérificateur a retenu un coefficient de 1% du chiffre d'affaires sur les deux exercices vérifiés ; que si l'administration fiscale indique que les bouteilles de vin bouchonné sont remplacées par le fournisseur, un tel taux ne prend pas en compte l'ensemble des causes de perte de bouteilles et est très inférieur aux taux habituellement constatés pour ce type d'établissement, sans que l'administration établisse que les conditions particulières de fonctionnement du restaurant justifient l'application d'un taux minoré ; qu'il y a lieu de fixer, pour l'exercice en litige, ce taux à 2 % du chiffre d'affaires TTC reconstitué, comme le réclament les requérants et de tirer les conséquences de la réduction des bases d'impositions supplémentaires mises à la charge de la société pour la détermination des revenus de M.C..., associé de cette société ; qu'il y a donc lieu de réduire à due concurrence le montant des distributions imposables entre les mains des époux C...et de prononcer la décharge correspondante en droits et pénalités au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont assujettis pour l'année 2004 ;

9. Considérant que pour le surplus, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant de la distribution qu'elle a imposée au titre de l'année 2004 ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 110 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article 109, 1, 1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés " ; que l'administration a réintégré dans les résultats de la SARL L'Ombretta les sommes correspondant à des minorations de recettes ; que comme il a été dit au point n°4 dès lors que M. et Mme C...contestent être les bénéficiaires de cette distribution, il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve de l'appréhension par M. D... C...des revenus imposés à son nom ;

11.Considérant que l'administration fiscale fait valoir que M. D...C...possède 70 % du capital social de la SARL L'Ombretta, les autres parts sociales étant détenues par son fils, Grégory, et qu'au cours de l'année 2004 en litige, il exerçait les fonctions de gérant dans cette société ; qu'il a admis dans ses écritures d'une part que son fils, devenu gérant le 2 janvier 2006, n'avait aucune expérience professionnelle et qu'il lui a confié la direction de la société pour assurer son avenir professionnel et que d'autre part, il a soutenu financièrement la société le temps nécessaire à la résolution d'un litige ; qu'au regard de ces faits, qui ne sont pas contestés par les requérants, c'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a regardé M. D... C...comme maître de l'affaire ; que par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension par celui-ci des minorations de recettes qu'elle a imposées entre ses mains à hauteur des droits qu'il détient dans la société ;

Sur le bien fondé des pénalités pour manquement délibéré :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

13. Considérant qu'après avoir constaté des omissions de recettes, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL L'Ombretta, l'administration fiscale a estimé que M. D... C..., en sa qualité d'associé majoritaire et de gérant, ne pouvait ignorer les omissions constatées ; qu'en se prévalant du caractère répétitif sur deux exercices vérifiés de la minoration de recettes l'administration établit le manquement délibéré de M. D...C...au sens de l'article 1729 du code général des impôts et par suite justifie l'application de la majoration dont s'agit ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander la réformation du jugement qu'ils attaquent ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, au titre des frais exposés par M. et Mme C...et non compris dans les dépens

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'impositions supplémentaires assignées aux épouxC... au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales pour l'année 2004 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont réduites à due concurrence de la rectification des recettes de la SARL L'Ombretta telles que fixées selon les modalités prévues au point 8 du présent arrêt.

Article 2 : A concurrence de la réduction de la base d'imposition décidée par l'article 1er du présent arrêt, M. et Mme C...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

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N° 12MA00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00246
Date de la décision : 17/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : D'AIETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-17;12ma00246 ?
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