Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par Me de la Grange ; l'ONIAM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001991 en date du 2 mai 2012 en tant que le tribunal administratif de Marseille a fixé les préjudices personnels de M. F...C...consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C à la somme de 37 000 euros, le préjudice moral de MmeC..., mère de M. F...C..., à la somme de 4 000 euros et le préjudice moral de Mme A...C...et de M. E...C..., respectivement soeur et frère de M. F...C..., à la somme de 1 500 euros chacun ;
2°) de ramener à la somme de 10 000 euros l'indemnité à allouer à M. F...C..., à la somme de 2 000 euros l'indemnité à allouer à, sa mère, Mme C...et à 1 000 euros l'indemnité à allouer à Mme A...C...et à M. E...C...;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me D...du cabinet de la Grange pour l'ONIAM et de Me B...pour l'EFS ;
1. Considérant que M. F...C..., hémophile, né le 15 avril 1975 à Marseille, a subi de nombreuses transfusions sanguines entre 1975 et 1985 ; qu'en 1985, a été diagnostiquée une contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) puis, en 1991, une contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) ; qu'imputant cette dernière infection aux injections de produits sanguins dont il a fait l'objet, M. F...C..., sa mère, sa soeur et son frère ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une action indemnitaire dirigée contre l'Etablissement français du sang (EFS) ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'EFS, qui ne conteste ni la matérialité des transfusions ni leur imputabilité à la contamination par le virus de l'hépatite C dont souffre M. F...C..., relève appel du jugement n° 1001991 du 2 mai 2012 en tant que le tribunal administratif de Marseille a fixé les préjudices personnels de M. F...C..., contaminé par le virus de l'hépatite C à la suite de transfusions administrées entre 1975 et 1985 en raison de son hémophilie, à la somme de 37 000 euros, le préjudice moral de Mme C...consécutif à la contamination de son fils, à la somme de 4 000 euros et le préjudice moral de Mme A...C...et de M. E...C..., respectivement frère et soeur de M. F...C..., à la somme de 1 500 euros chacun ; que l'ONIAM, tenu d'indemniser les victimes au titre de la solidarité nationale, demande à la Cour de ramener à la somme de 10 000 euros l'indemnité à allouer à M. F...C..., à la somme de 2 000 euros l'indemnité à allouer à la mère de M. F...C...et à 1 000 euros l'indemnité à allouer à Mme A...C...et à M. E...C...; que, par la voie de l'appel incident, les consorts C...concluent à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a insuffisamment indemnisé leurs préjudices respectifs et demandent à la Cour de condamner l'ONIAM à verser à M. F...C...la somme de 147 000 euros, à MmeC..., la somme de 10 000 euros, à Mme A...C...la somme de 5 000 euros et la même somme à M. E...C...; que la caisse primaire d'assurance maladie, à qui tant la procédure de première instance que celle d'appel ont été régulièrement communiquées comme en attestent les avis de réception en date des 23 mars 2010 et 6 août 2012, n'a pas présenté d'observations et ne fait valoir aucune créance ;
Sur l'application du référentiel de l'ONIAM :
2. Considérant que l'ONIAM demande à la Cour de faire application du référentiel indicatif élaboré par ses soins pour l'indemnisation des victimes d'hépatite C publié le 1er septembre 2011 pour procéder à l'indemnisation du préjudice subi par les consorts C...consécutivement à la contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C de M. F...C...; que, toutefois, d'une part, ce barème est, comme son nom l'indique, indicatif et, d'autre part, si le juge administratif peut s'y référer, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui impose cependant d'en faire application pour procéder aux évaluations des préjudices subis par les victimes ;
Sur le préjudice de M. F...C... :
En ce qui concerne le préjudice patrimonial :
3. Considérant que, par la voie de l'appel incident, M. F...C...persiste à soutenir avoir perdu une chance professionnelle d'opter pour un travail plus valorisant que celui qu'il accomplit de manière sporadique et que son handicap a été un frein dans la poursuite de ses études ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'intéressé n'a subi jusqu'en 2008 aucune période d'incapacité totale de travail imputable à l'hépatite C dont il souffre laquelle s'avère peu évolutive et quasiment asymptomatique ; que, par ailleurs, l'appelant n'apporte à l'appui de ses conclusions aucune pièce de nature à établir une incidence professionnelle, une perte de chance scolaire ou universitaire ; que, par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, aucune indemnité ne saurait lui être allouée au titre du retentissement professionnel allégué ;
En ce qui concerne le préjudice extra-patrimonial :
4. Considérant que l'ONIAM demande que la somme de 37 000 euros, destinée à réparer les troubles dans les conditions d'existence de M. F...C..., y compris le préjudice sexuel et les souffrances morales, fixée par les premiers juges soit réduite à celle de 10 000 euros en l'absence de préjudice d'agrément, de préjudice de coïnfection et de préjudice sexuel, celui-ci ayant été indemnisé du fait de sa contamination par le VIH ; que M. F...C...demande, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité réparatrice de ce poste de préjudice soit portée à la somme de 147 000 euros afin de tenir compte de la période de sept mois de traitement par Interféron postérieure à la date de l'expertise, de son jeune âge, du risque évolutif de la pathologie, des souffrances tant physiques que morales et du préjudice sexuel subis ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. F...C...est atteint d'une hépatite C, qui à la date de l'expertise médicale réalisée en juin 2007, présentait un caractère peu évolutif avec des transaminases normales et un score actifibrotest " A0A1-F0 " sans signe clinique ; qu'alors même que son état n'est pas consolidé, M. C...ne fait valoir aucun élément d'ordre médical de nature à établir une aggravation de son état de santé en matière hépatique depuis l'année 2007 ; que toutefois, il résulte des pièces du dossier que si M. F...C...n'a subi aucune période d'incapacité de travail imputable à l'hépatite C dont il souffre depuis l'année 1991, il a subi, en revanche, en lien avec le VHC, deux périodes de traitement mal supporté et non efficace en partie en raison du traitement lié au VIH ainsi que des souffrances arrêtées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que les pièces du dossier ne permettent de ne retenir ni l'existence d'un déficit fonctionnel permanent, ni celle d'un préjudice d'agrément ni même celle d'un préjudice sexuel propres au virus de l'hépatite C ; que, compte-tenu des éléments qui précèdent, ainsi que le fait valoir l'ONIAM et contrairement à ce que soutiennent les consortsC..., les premiers juges ont fait une évaluation excessive du préjudice personnel de M. F...C... ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de M.C..., y compris le préjudice spécifique de contamination par le VHC lié notamment à l'anxiété de la maladie en les fixant, compte tenu de son très jeune âge à la date de la découverte de sa contamination, 16 ans, à la somme globale de 15 000 euros ; que, toutefois, en cas d'aggravation de son état de santé, il lui sera alors loisible de solliciter, s'il s'y croit fondé, une indemnisation complémentaire ;
Sur le préjudice moral de MmeC..., de M. E...C...et de Mme A...C...respectivement mère, frère et soeur de M. F...C... :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, qui mettent à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'indemnisation des victimes des dommages résultant notamment de la contamination par le virus de l'hépatite C, ne font pas obstacle à ce que les victimes indirectes de cette contamination puissent également être indemnisées au titre de la solidarité nationale ; qu'ainsi que le fait valoir l'ONIAM et contrairement à ce que soutiennent les consortsC..., le tribunal a fait une excessive évaluation du préjudice personnel de la mère, de la soeur et du frère de M. F...C...en l'arrêtant aux sommes de 4 000 et 1 500 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral, y compris d'anxiété, de MmeC..., consécutif à la contamination de son fils par le virus de l'hépatite C mise en évidence en 1991 alors qu'il était âgé de 16 ans, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 2 000 euros ; que, dans les mêmes circonstances de l'espèce, le préjudice moral y compris d'anxiété, subi par la soeur et le frère aînés de M. F...C..., Mme A...C...et M. E...C...alors âgés de 23 et 22 ans à la date de la découverte de la contamination de leur frère en 1991, sera justement réparé en leur allouant, à chacun, la somme de 1 000 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a procédé à une insuffisante évaluation de leurs préjudices ; qu'en revanche, l'ONIAM, substitué à l'EFS, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge une indemnité à verser à M. F...C...supérieure à 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, une indemnité à verser à Mme C...supérieure à 2 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C de son fils et une indemnité à verser à Mme A...C...et à M. E...C...supérieure à 1 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C de leur jeune frère ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, substitué à l'EFS, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demandent les consorts C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les sommes de 37 000 (trente sept mille) euros, 4 000 euros (quatre mille) euros et 1 500 (mille cinq cent) euros mises à la charge de l'ONIAM, substitué à l'EFS, en réparation des préjudices subis par M. F...C..., par MmeC..., par Mme A...C...et par M. E...C...du fait de la contamination post-transfusionnelle par le virus de l'hépatite C de M. F...C...par l'article 2 du jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille sont respectivement ramenées aux sommes de 15 000 euros, 2 000 euros et 1 000 euros.
Article 2 : L'article 2 du jugement susvisé n° 1001991 du 2 mai 2012 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang, à M. F...C..., à MmeG..., à Mme A...C..., à M. E...C...et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
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N° 12MA02808 2