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01/04/2014 | FRANCE | N°12MA01441

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 01 avril 2014, 12MA01441


Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2012 sous le n° 12MA01441 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. A...B..., élisant domicile ...par MeC... ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003826 du 1er février 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, après avoir ordonné un supplément d'instruction en vue de statuer sur l'indemnisation de son préjudice économique subi, limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat (ministère de la défense) en réparati

on de son préjudice moral ;

2°) de porter à la somme de 130 000 euros le ...

Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2012 sous le n° 12MA01441 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. A...B..., élisant domicile ...par MeC... ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003826 du 1er février 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, après avoir ordonné un supplément d'instruction en vue de statuer sur l'indemnisation de son préjudice économique subi, limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat (ministère de la défense) en réparation de son préjudice moral ;

2°) de porter à la somme de 130 000 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice moral et du harcèlement moral qu'il a subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu le décret n° 67-711 du 18 août 1967 et ses annexes ;

Vu le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2014 :

- le rapport de M. Renouf, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er février 2012 en tant que le tribunal a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi ; qu'il demande dans sa requête d'appel à la Cour de porter l'indemnisation des préjudices moraux qu'il invoque à la somme de 13 000 euros ; qu'il demande en outre par mémoire complémentaire enregistré le 28 octobre 2013 l'indemnisation de divers préjudices financiers ;

Sur la recevabilité des conclusions de M. B...:

2. Considérant que, par le jugement du 1er février 2012 attaqué, le tribunal a, après avoir statué sur l'indemnisation du préjudice moral subi par M. B...et lui avoir alloué la somme de 2 000 euros à ce titre, ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation des préjudices financiers allégués ; qu'ainsi, alors même que le tribunal indique dans son jugement du 31 décembre 2012 allouer à M. B...la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices "de toute nature" subis, il n'a alors statué que dans les limites des conclusions dont il demeurait saisi, à savoir celles relatives aux préjudices financiers allégués ; qu'ainsi, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de l'appel formé par M. B...contre le jugement du 1er février en tant qu'il ne lui a alloué que la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi sont devenues sans objet du fait que le jugement du 31 décembre 2012, qui n'a pas fait l'objet d'un appel, est devenu définitif ; qu'en revanche, M. B...n'ayant formé appel dans le délai de recours du jugement du 1er février 2012 qu'en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices moraux ainsi qu'il était recevable à le faire, il n'est par suite en tout état de cause pas recevable à présenter dans le cadre de la présente instance par un mémoire enregistré le 28 octobre 2013 des conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation de divers autres préjudices d'ordre financier qu'il invoque alors pour la première fois en appel ;

Sur le préjudice moral né des conditions du départ à la retraite :

3. Considérant que M. B...soutient que le tribunal administratif de Montpellier a, en évaluant le préjudice moral subi du fait de l'illégalité de la décision refusant son départ anticipé à la retraite à la somme de 2 000 euros, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...était en droit d'être admis à la retraite dès l'âge de 55 ans en application des dispositions de l'article 21 du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ; que l'intéressé, ouvrier menuisier, avait en effet accompli le nombre d'heures de travail requis dans une des catégories de travaux insalubre pendant au moins quinze années ouvrant droit au bénéfice de ces dispositions ; qu'il résulte de l'instruction que c'est en raison du caractère très incomplet des documents que son employeur devait établir qu'il n'a été admis en définitive à la retraite au titre de ces dispositions qu'à compter du 1er janvier 2013 au lieu du 6 décembre 2010, date à laquelle M. B...a atteint l'âge de 55 ans ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...avait engagé dès août 2005 des démarches pour que soient établis les documents appropriés ; qu'ainsi, M. B...a vu ses droits ne pas être reconnus pendant de longue années, une "avance" lui ayant été en définitive versée en juin 2013 : qu'il résulte également de l'instruction que M. B...a subi notamment à la fin de cette période une situation de précarité d'autant plus injustifiée qu'il avait engagé les démarches appropriées en temps voulus ; que la précarité qu'il a subie pendant plusieurs années augmente l'intensité du préjudice moral subi ; qu'enfin, le tribunal s'est prononcé sur l'étendue du préjudice moral subi avant de savoir si M. B...avait effectivement droit au départ anticipé à la retraite, droit qui est maintenant avéré tant par le jugement du 31 décembre 2012 devenu définitif que par l'admission à la retraite à compter du 1er janvier 2013 avec jouissance immédiate du droit à pension, sans que l'intéressé ait accompli entre temps des travaux insalubres pouvant être pris en considération pour le bénéfice des dispositions de l'article 21 mentionnées ci-dessus ; qu'ainsi, il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral effectivement subi par M. B...en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 7 000 euros ;

Sur le harcèlement moral allégué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...)" ;

5. Considérant que le prononcé d'un avertissement le 26 janvier 2009 pour "attitude irrespectueuse" constitue, dans la mesure où l'administration n'en a pas établi le caractère justifié, un acte qui peut, notamment selon le contexte, contribuer à ce que soit reconnu l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la sanction a été annulée par jugement n° 0901133 du tribunal administratif de Montpellier en date du 1er février 2012 devenu définitif ; que surtout, il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B...était en droit d'être admis à la retraite dès l'âge de 55 ans en application des dispositions de

l'article 21 du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ; que c'est en raison du caractère très incomplet des documents que son employeur devait établir qu'il n'a été admis en définitive à la retraite au titre de ces dispositions qu'à compter du 1er janvier 2013 au lieu du 6 décembre 2010, date à laquelle M. B...a atteint l'âge de 55 ans ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...avait engagé dès août 2005 des démarches pour que soient établis les documents appropriés ; que la négligence des services à établir ces documents pendant une si longue période constitue un agissement pouvant relever du harcèlement moral ; que si l'appréciation qu'il convient d'en faire doit tenir compte du fait qu'il résulte de l'instruction que l'inaptitude des services à établir les relevés appropriés n'est pas propre au dossier de M.B..., il n'en demeure pas moins que cette carence avait pour effet que les droits de cet agent notamment en ce qui concerne le départ anticipé à la retraite n'étaient pas reconnus et a pu concourir ainsi que M. B...le soutient à la détérioration de son état de santé ;

6. Considérant cependant que les faits autres que le prononcé d'une sanction annulée par la juridiction compétente et ce qui se rapporte au volume des travaux insalubres effectué et leur incidence sur le départ anticipé à la retraite que M. B...invoque pour que soit retenu l'existence d'un harcèlement moral, à savoir une discrimination dans son déroulement de carrière, le refus d'octroi de l'indemnité de départ volontaire, le non-respect de règles d'hygiène et de sécurité, les conditions de son retour de congé de longue maladie en 2006 et l'atteinte à sa vie privée, sont insuffisamment établis par les allégations de l'intéressé dépourvues de précisions et de justificatifs suffisants et ainsi, ne concourent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

7. Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que l'acte isolé qu'est le prononcé de la sanction annulée et, d'autre part, l'attitude de l'administration s'agissant de l'accomplissement d'heures de travaux insalubres ne suffisent pas à eux seuls, nonobstant le caractère prolongé de l'attitude de l'administration sur le second point et son incidence sur le départ à la retraite de l'intéressé, à constituer des agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors même qu'en l'espèce, ils sont de nature à avoir contribué à la détérioration de la santé de l'intéressé ; qu'ainsi, les conclusions de M. B...tendant à ce que l'Etat soit condamné sur le fondement de ces dispositions à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis doivent être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité pour l'indemnisation du préjudice moral subi par l'intéressé à la somme de 2 000 euros la condamnation de l'Etat, laquelle doit être portée à la somme de 7 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article susvisé, de mettre à la charge de l'Etat (ministre de la défense) une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. B...la somme de 7 000 euros (sept mille euros).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de la défense.

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N° 12MA014412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01441
Date de la décision : 01/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : LE CHEVANTON COURSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-01;12ma01441 ?
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