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21/03/2014 | FRANCE | N°11MA01637

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 mars 2014, 11MA01637


Vu, ainsi que les pièces et mémoires qui y sont visés, l'arrêt n°11MA01637, en date du 8 mars 2012, par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur la requête de M.C..., enregistrée au greffe de la Cour le 26 avril 2011, après avoir annulé l'ordonnance n° 10894 du 14 avril 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia et condamné l'Etat à lui verser une provision de 10 000 euros, a ordonné une expertise afin de déterminer l'étendue exacte de la responsabilité de l'Etat et de procéder à l'évaluation précise des différents préjudices allégués

par M. C...;

Vu le rapport d'expertise établi par M. J...déposé au greff...

Vu, ainsi que les pièces et mémoires qui y sont visés, l'arrêt n°11MA01637, en date du 8 mars 2012, par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, sur la requête de M.C..., enregistrée au greffe de la Cour le 26 avril 2011, après avoir annulé l'ordonnance n° 10894 du 14 avril 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia et condamné l'Etat à lui verser une provision de 10 000 euros, a ordonné une expertise afin de déterminer l'étendue exacte de la responsabilité de l'Etat et de procéder à l'évaluation précise des différents préjudices allégués par M. C...;

Vu le rapport d'expertise établi par M. J...déposé au greffe de la Cour de céans le 16 juillet 2013 ;

Vu l'ordonnance, en date du 25 juillet 2013, par laquelle la Présidente de la Cour a taxé et liquidé les frais d'expertise à la somme de 6 375,39 euros ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 27 septembre 2013, présenté pour M. C...par lequel il persiste par les mêmes moyens, dans ses conclusions précédentes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le courrier du 24 janvier 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler les affaires à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu l'avis d'audience adressé le 18 février 2014 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment l'arrêt n° 10271/02 de la Cour européenne des droits de l'homme du 21 janvier 2010 ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2014 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., pour M.C... ;

1. Considérant que par un arrêt en date du 8 mars 2012, la Cour de céans, avant de statuer sur la requête de M. C...tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 10894 du 14 avril 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de l'abstention prolongée du préfet de Haute-Corse de lui accorder le concours de la force publique, a constaté que la responsabilité de l'Etat était engagée pour faute lourde à l'égard du requérant à compter du 1er septembre 1994 sur le fondement de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, a condamné l'Etat à lui verser une provision de 10 000 euros et a ordonné pour le surplus une expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices subis par M.C... ; que le rapport d'expertise a été déposé le 16 juillet 2013 ; que l'affaire est à présent en état d'être jugée ;

Sur la régularité de l'expertise :

2. Considérant que M. C...soutient, en premier lieu, que l'expert n'hésite pas à porter une appréciation d'ordre juridique qui excède les limites de ses compétences et de sa mission, remettant en cause l'arrêt définitif du 8 mars 2012, ainsi que celui rendu le 21 janvier 2010 par la Cour européenne des droits de l'homme ; que, toutefois, cette circonstance à la supposer même établie n'empêche pas la Cour de fonder son arrêt sur les éléments d'information contenus dans le rapport d'expertise ;

3. Considérant en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient M.C..., l'expert n'était pas tenu de répondre à toutes ses demandes formulées notamment dans ses dires à expert en date du 6 juin 2012 ; qu'aucune disposition légale ne prévoit une telle obligation ; qu'en revanche, il est tenu d'en prendre connaissance ; qu'en l'espèce, l'expert après avoir pris connaissance des dires précités les a annexés à son rapport ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, par l'arrêt en date du 8 mars 2012, la Cour de céans a notamment confié pour mission à l'expert de déterminer la durée exacte de l'occupation illicite pour chacune des parcelles concernées de M. C...; que l'expert a rempli cette mission en proposant de fixer la fin de la période d'occupation de ses terres de Linguizzetta par M. G...au mois d'avril 1998 voir au 8 octobre 1998 et a estimé que l'occupation actuelle alléguée par l'appelant n'était pas établie ; que ce faisant, il n'a pas occulté l'état actuel d'occupation des terres du domaine d'Albareto ; qu'il appartenait à M. C...de produire devant la Cour tout élément de preuve probant et régulier susceptible d'établir l'occupation alléguée ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...fait valoir que certaines conclusions de l'expert présentent un caractère prématuré et non prouvé ; que ce dernier s'est contenté d'une information communiquée par la gendarmerie d'Aléria, le 8 octobre 2012, intéressant la seule année 2007 et n'a pas procédé à une nouvelle demande concernant les faits d'occupation depuis septembre 1993 ; que, cependant, il résulte du rapport d'expertise, que par lettre en date du 15 juin 2012, l'expert a demandé à la gendarmerie d'Aléria de disposer des procès-verbaux établissant la localisation des parcelles de M. C...anciennement occupées et la durée de cette occupation ; que l'expert ne peut être tenu pour responsable de ce que la gendarmerie ne lui ait communiqué qu'un seul procès-verbal datant de 2007 ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment au point 4, M. C...a toujours la possibilité de transmettre à la Cour les informations utiles de nature à établir ses allégations ; que, par suite, l'expert n'a commis aucun manquement constitutif d'une grave carence quant aux constats et aux résultats de l'expertise judicaire lacunaires et inexacts ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 621-9 du code de justice administrative dans sa version applicable alors : " Le rapport est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification peut s'opérer sous forme électronique. (...) " ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a adressé une copie de son rapport à M. C...par lettre du 12 juillet 2013 ; que, toutefois, cette circonstance n'est pas susceptible d'entacher d'irrégularité les opérations d'expertises dans la mesure où l'appelant a pu présenter, par l'intermédiaire de son conseil, ses observations sur ledit rapport par mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 27 septembre 2013 ; que le requérant ne peut dès lors valablement invoquer une méconnaissance des dispositions précitées ;

7. Considérant, en sixième lieu qu'aux termes de d'article R. 621-7 du même code : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée " ;

8. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les parties ont été dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception à l'accedit du 3 mai 2013 ayant pour objet une nouvelle visite des lieux à Linguizzetta, notamment pour vérifier l'absence d'occupation illicite ; que l'expert a refusé de faire droit à la demande du conseil de M.C..., en date du 15 avril 2013, de report de la date de cette réunion en raison de son déplacement professionnel en Amérique latine à cette date ; que, néanmoins, le conseil du requérant a pu participé à d'autres accedits ; que M. C...n'établit ni même n'allègue qu'il n'aurait pas pu assister à cette réunion et que son conseil n'aurait pas pu se faire substituer ; qu'un pré-rapport d'expertise a du reste été adressé aux parties qui pouvaient de ce fait présenter leurs observations sur les conclusions de l'expert concernant cette réunion ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la réunion du 3 mai 2013 n'aurait pas revêtu de caractère contradictoire ne saurait être accueilli ;

9. Considérant, en septième lieu, que contrairement à ce que soutient M.C..., les documents constitués par des lettres, en date des 15 et 25 juin 2012, adressées par l'expert à la gendarmerie d'Aléria ainsi qu'à M.I..., M. F...et M. D...dont l'objet était de recueillir des informations sur l'occupation des parcelles du requérant n'avaient pas à être transmises aux parties alors que, par ailleurs, les réponses fournies ont bien été portées par l'expert à la connaissance des parties et débattues par ces dernières ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu ;

10. Considérant enfin, que si M. C...fait valoir que l'expert ne dispose pas de formation dans le domaine foncier et agricole et n'a reçu qu'une formation juridique, il n'appartient pas à la cour de céans de discuter du choix de l'expert décidé par l'arrêt susvisé du 8 mars 2012 et confirmé par l'arrêt du 21 mars 2013 rejetant la demande de récusation de l'appelant alors surtout que ce dernier qui se borne à remettre en cause sa compétence n'établit ni même n'allègue que cette circonstance aurait eu une influence sur les conclusions de l'expertise ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que les opérations d'expertise ont été irrégulières ;

Sur l'étendue de la responsabilité de l'Etat :

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

13. Considérant ainsi qu'il a été dit au point 1 précédent, que, par l'arrêt en date du 8 mars 2012, la Cour de céans a estimé, sur le fondement de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, que la responsabilité de l'Etat pour faute lourde était engagée à l'égard de l'appelant, à compter du 1er septembre 1994, compte tenu de ce que, malgré l'ensemble de ses démarches et de ses demandes répétées, le préfet de la Haute-Corse n'est jamais utilement intervenu, et, notamment, n'a jamais justifié d'actions particulières qui seraient demeurées vaines, ni ensuite utilisé la force publique, pour faire évacuer les terres appartenant à M. C...et qu'un supplément d'instruction s'imposait afin de déterminer la période exacte durant laquelle la responsabilité de l'Etat était engagée ;

14. Considérant que M. C...conteste le caractère neutre et impartial des sachants interrogés par l'expert sur ladite période ; que, cependant, contrairement à ses allégations, la lettre de M. I...est bien jointe à l'expertise ; que s'agissant des témoignages de M. D...selon lequel M. G...aurait obtempéré à la première injonction de la justice et quitté immédiatement la propriété et de M. I...déclarant que la propriété a été occupée de septembre 1983 à octobre 1998, les circonstances que le premier n'était pas maire de la commune en 1998 et que le second ait pris part à l'occupation ne sont pas de nature à entacher leur témoignage d'impartialité ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert a proposé, au regard des témoignages précités, de fixer la date de fin de l'occupation illicite des parcelles de M. C...par M.G..., sur le territoire de la commune de Linguizzetta soit au 9 avril 1998, date de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia confirmant l'expulsion de l'occupant prononcée par ordonnance du 19 février 1997, soit au 8 octobre 1998, date de la décision du tribunal administratif de Bastia annulant la décision du préfet portant carence de M. C...à exploiter le fond de Linguizzetta et attribuant l'exploitation à M.G... ; qu'en revanche, l'expert ne retient aucune occupation illicite par ce dernier s'agissant des terres du requérant situées à Sotta ; que, sur ce point, s'il a constaté que l'un des deux ilots est occupé et exploité, il a estimé que cette situation est sans lien avec l'occupation illicite, objet de sa mission ; que, contrairement à l'expert, M. C...soutient que ses terrains seraient toujours illégalement exploités par M. H...à Linguizzetta et par M. A... à Sotta ; qu'à l'appui de ses allégations, il produit un bordereau de remise de pièces, en date du 3 juillet 2012, établi par la direction départementale des territoires et de la mer faisant état de renseignements selon lesquels M. A...exploiterait certaines parcelles du domaine de Sotta, et M. H...un ilot situé à Linguizzetta ; que, néanmoins, ce document est dépourvu de toute précision sur la durée de ces deux occupations qui n'est pas davantage justifiée par M. C... ; que si ce dernier a produit une plainte, en date du 24 février 1984, déposée auprès du procureur de la République concernant un troupeau de vaches qui séjournait et paissait depuis un certain temps dans sa vigne de Sotta, celle-ci n'est pas de nature à établir avec certitude que le propriétaire du troupeau serait M.A... ; que, dans ces conditions, la période de responsabilité de l'Etat présentant un caractère non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, doit être fixée au 1er septembre 1994 jusqu'au mois d'octobre 1998, pour l'occupation des terres de Linguizzetta ;

Sur les préjudices :

16. Considérant que l'Etat ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité, M. C...est ainsi fondé à demander la réparation des préjudices qu'il a subi du fait de l'occupation illégale de ses terres de Linguizzetta pendant la période allant du 1er septembre 1994 au mois d'octobre 1998 ; qu'il sollicite, à ce titre, la condamnation de l'Etat à lui verser un montant total de 6 727 578,39 euros en s'appuyant sur l'expertise réalisée par l'expert Bruno Carry, réactualisée en 2010 et 2013 ;

S'agissant de la perte de revenus :

17. Considérant que l'appelant fait valoir qu'à la suite de l'arrachage des vignes de sa propriété, il a envisagé de planter des pruniers japonais et des agrumes ; que le calcul de sa perte de revenu estimée à 5 225 300,39 euros est fondé sur l'évaluation des bénéfices nets qu'il aurait pu réaliser à partir de 1993 sur une durée de douze et treize ans pour ces plantations ; qu'à l'appui de ses allégations, M. C...produit une lettre, en date du 30 septembre 1992, adressée à la société coopérative agricole des agriculteurs indépendants du centre Corse (Capic) concernant ses demandes d'adhésion à ce groupement de producteurs et faisant état de son projet de plantation, un courrier de la Capic, en date du 8 juillet 1992, l'informant de l'avis favorable rendu sur sa demande d'adhésion pour 19 hectares de pruniers japonais, un courrier de la Capic, en date du 9 mars 1993, ne mentionnant pas de destinaire, demandant si les 14 hectares de pruniers japonais ont été à ce jour plantés, ainsi qu'une lettre, en date du 12 juin 1992, de la SA Domaine de Castang lui donnant des informations sur les variétés disponibles de pruniers japonais ;

18. Considérant, toutefois, que ces seuls éléments ne démontrent pas le caractère certain du préjudice subi par M. C...alors qu'il résulte de l'instruction et n'est pas valablement contesté qu'au début de l'occupation en litige, les parcelles de Linguizzetta et de Sotta étaient en friche depuis l'arrachage de la vigne en 1985, soit depuis environ huit ans ; que le préjudice allégué né de la perte des revenus de son projet de vergers n'étant ainsi qu'éventuel, la créance dont se prévaut M. C...présente un caractère sérieusement contestable ;

S'agissant de la réparation des dégradations estimées à 1 058 388 euros :

19. Considérant, d'une part, que d'après l'expertise produite par l'appelant, ce préjudice comprend la remise en état de sa cave évaluée à 242 800 euros et du matériel pour un montant de 136 894,30 euros ; que, toutefois, comme l'a estimé à juste titre l'expert judiciaire, M. C...qui a procédé à l'arrachage de ses vignes en 1985, ne produit pas d'éléments comptables ou fiscaux, ni de témoignages prouvant que la cave vinicole, postérieurement à l'arrachage, n'a pas été désaffectée et a continué à fonctionner ; que ladite cave, constituée de onze cuves métalliques sans couverture assujettie à la corrosion, d'un conquêt et d'un pont à bascule était obsolète à la date du début de l'occupation illicite en septembre 1993 et qu'à cette même date, en Haute-Corse, il n'existait plus d'offre d'achat pour des caves vinicoles conçues vingt ou trente ans plus tôt ; que concernant le matériel de culture et d'irrigation, aucun inventaire, ni aucune facture, ni tableau d'immobilisation n'ont été communiqués ; que l'expert judicaire conclut que ce matériel était totalement amorti et n'avait plus de valeur comptable au début de l'occupation illicite ; que, dans ces conditions, cette demande est sérieusement contestable ;

20. Considérant, d'autre part, qu'il en va de même pour la maison d'habitation estimée à 299 000 euros ; qu'en effet si l'appelant soutient que celle-ci a été en partie incendiée, n'est plus habitable aujourd'hui et doit être détruite, il résulte de l'instruction que l'incendie de ce bâtiment a eu lieu le 20 juin 2000, soit postérieurement à la période d'occupation illicite des parcelles de Linguizzetta ; qu'en outre, hormis son expertise, M. C...ne produit aucun autre document établissant la valeur de cette maison ainsi que les dégradations qu'elle aurait éventuellement subies à la date de son occupation ;

S'agissant de la perte de jouissance :

21. Considérant qu'à ce titre, M. C...sollicite le paiement de la somme de 234 000 euros calculée sur la base d'une location mensuelle du m2 habitable de 5,00 euros, d'une surface de 230 m2 et sur une durée de 204 mois ; que l'expert judiciaire nommé par la Cour propose une évaluation de la perte de revenus, pour la période retenue d'un montant de 31 842,38 euros et correspondant aux loyers que le requérant aurait pu retirer pendant la durée d'occupation illicite par référence aux arrêtés préfectoraux relatifs au calcul du fermage et à l'indexation des fermages ; que, néanmoins, le préjudice allégué par M. C...qui ne démontre pas avoir eu le projet de louer son bien ne peut être constitué par une perte de loyers et évalué au regard de la valeur locative de sa propriété ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation du préjudice consistant en la perte de jouissance du bien subie par l'appelant sur la période déterminée au point 14 précédent par l'allocation d'une somme de 30 000 euros ;

S'agissant de la diminution de la valeur d'exploitation :

22. Considérant que M. C...fait valoir que l'exploitation est aujourd'hui arrêtée et retournée à l'état de maquis ; qu'en conséquence, en cas de vente, il ne peut espérer le prix auquel il pourrait prétendre pour des terres labourables et irriguées ; qu'il ajoute que le coût de remise en état des terres de Linguizzetta et de Sotta étant estimé à 3 500 euros/ha, la diminution de la valeur d'exploitation serait de 209 290 euros pour une superficie de 59,7972 hectares ; qu'il résulte de l'instruction que les parcelles de M. C...étaient, cependant, en friche à partir de l'arrachage des vignes en 1985 et que l'occupation illicite a débuté en septembre 1994 ; qu'ainsi, le retour au maquis des parcelles est imputable à M.C... et ne peut donner lieu à indemnisation ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la provision accordée à M. C...par l'arrêt de la cour de céans, en date du 8 mars 2012 doit être portée à la somme de 30 000 euros ; que ce faisant, l'Etat doit être condamné à lui verser ladite somme ;

Sur les intérêts :

24. Considérant que M. C...a droit aux intérêts de la somme de 30 000 euros à compter de la date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, soit le 23 août 2010 ;

Sur les frais d'expertise :

25. Considérant que les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 6 375,39 euros TTC, doivent être mis à la charge de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

27. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La provision que l'Etat a été condamné à payer à M. C...par l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 mars 2012 est portée à la somme de 30 000 (trente mille) euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2010.

Article 2 : L'Etat supportera les frais d'expertise exposés devant la Cour, liquidés à la somme de 6 375,39 (six mille trois cent soixante-quinze euros et trente-neuf centimes) euros TTC.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Haute-Corse.

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No 11MA01637

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01637
Date de la décision : 21/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Concours de la force publique.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : GARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-03-21;11ma01637 ?
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