Vu, I, sous le n° 11MA02598, la requête, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour la SNC Champ de la Foux, dont le siège est 27, avenue Jean Médecin à Nice (06000), agissant par son représentant légal en exercice, par MeA... ;
La SNC Champ de la Foux demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900719 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grimaud à lui payer la somme de 2 200 400 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du caractère inconstructible de lots situés au sein du lotissement "les Hauts du clos de l'Avelan" à Grimaud ;
2°) de condamner la commune de Grimaud à lui verser une somme de 2 880 400 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008, ces intérêts devant être capitalisés à compter de sa demande du 16 février 2011 ;
3°) d'ordonner, en tant que de besoin, une expertise et, dans cette hypothèse, de condamner la commune à lui verser une provision de 500 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Grimaud la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens ;
.........................................................................................................
Vu, II, sous le n° 11MA02599, la requête enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour la SNC Champ de la Foux, agissant par son représentant légal en exercice, dont le siège est comme ci-dessus, par MeA... ;
La SNC Champ de la Foux demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900716 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 2 200 400 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du caractère inconstructible de lots situés au sein du lotissement "les Hauts du clos de l'Avelan" à Grimaud ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 880 400 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008, capitalisés à compter de sa demande du 16 février 2011 ;
3°) d'ordonner, en tant que de besoin, une expertise et, dans cette hypothèse, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 500 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens ;
Elle soulève les mêmes moyens que ceux qu'elle a exposés à l'appui de sa requête n° 11MA02598 susvisée, dirigée contre la commune de Grimaud ;
.......................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son premier protocole additionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :
- le rapport de M. Argoud, premier conseiller,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SNC Champ de la Foux, ainsi que celles de Me B...pour la commune de Grimaud ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2014, présentée pour la commune de Grimaud dans l'instance n° 11MA02598 et de la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2014, présentée pour la SNC Champ de la Foux dans les instances n° 11MA02598 et n° 11MA02599 ;
1. Considérant que les requêtes susvisées tendent à la réparation des mêmes préjudices que la SNC Champ de la Foux impute à la commune de Grimaud, d'une part, et à l'Etat, d'autre part ; que ces requêtes présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt ;
2. Considérant que par arrêté du 24 décembre 1992, le maire de Grimaud a délivré à la Sarl Alligator une autorisation de lotir portant sur la réalisation de quinze lots destinés à l'habitation pour une surface hors oeuvre nette totale de 5734 m², sur un terrain de 57336 m² ; qu'après divers épisodes contentieux, la SNC Champ de la Foux, bénéficiaire d'un transfert de cette autorisation de lotir, a obtenu du maire de Grimaud l'autorisation de procéder à la vente des lots en vertu d'un arrêté du 2 août 2002 ; que, cependant, l'administration ayant constaté que certains des lots étaient exposés à un risque majeur d'incendie de forêt, a procédé au retrait d'un permis de construire délivré pour l'un des lots vendus et délivré des certificats d'urbanisme négatifs pour les lots 10, 14 et 15 dont la SNC Champ de la Foux était demeurée propriétaire, indiquant que les terrains ne pourraient être utilisés pour les opérations de construction projetées en présence d'un risque majeur d'incendie de forêt de nature à justifier le rejet de toute demande de permis de construire ou d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que la SNC Champ de la Foux, qui recherche la responsabilité tant de la commune de Grimaud que de l'Etat au titre de cette situation et leur demande réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, relève appel des deux jugements du 12 mai 2011 par lesquels le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes dont elle l'avait saisi à cette fin ;
Sur la régularité des jugements :
3. Considérant que la SNC Champ de la Foux soutient que les jugements en litige sont insuffisamment motivés en ce que la réponse apportée au moyen tiré de ce que la commune aurait violé les articles L. 315-8 et R. 315-39 du code de l'urbanisme en modifiant son interprétation de l'article R. 111-2 du même code, serait insuffisante ;
4. Considérant cependant que les jugements attaqués indiquent qu'"il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'en ne modifiant pas les règles locales d'urbanisme afin de tenir compte de ce risque, la commune ait privé la SNC CHAMP DE LA FOUX de la possibilité de se prévaloir des dispositions des articles L. 315-8 et R. 315-39 du code de l'urbanisme" ; que les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu au moyen ;
Sur le fond :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, d'une part : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. " ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi nº 86-1290 du 23 décembre 1986, d'autre part : " Dans les cinq ans à compter de l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement. Toutefois, les dispositions résultant des modifications des documents du lotissement en application des articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-5 sont opposables. " ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéficiaire d'une autorisation de lotissement se trouve titulaire, dès sa délivrance, sauf dans les cas où le règlement a été modifié dans les conditions énoncées aux articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-5, d'une garantie de stabilité des règles d'urbanisme en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation, qui s'oppose à ce que la responsabilité sans faute de l'administration soit recherchée sur le fondement des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme relatives à l'atteinte aux droits acquis résultant de l'institution de servitudes nouvelles, à raison de servitudes d'urbanisme édictées postérieurement à cette date ; que, dans ces conditions, la SNC Champ de la Foux n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Grimaud, ni, en tout état de cause, celle de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ; qu'en revanche, en imposant en 2004 une impossibilité de construire sur certains lots sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme avant l'expiration du délai de cinq ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 315-8 du même code instituant une garantie de stabilité des servitudes d'urbanisme, la commune de Grimaud a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la SNC Champ de la Foux soutient également que les autorités publiques ont commis une faute en omettant de prescrire un plan de prévention des risques d'incendie de forêt et d'imposer des prescriptions adaptées au risque en 1992, alors que celui-ci était déjà caractérisé ;
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1982, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1987, applicable à la date de délivrance de l'autorisation de lotir en litige : " L'Etat élabore et met en application des plans d'exposition aux risques naturels prévisibles, qui déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention à y mettre en oeuvre tant par les propriétaires que par les collectivités ou les établissements publics. (...) " ;
10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2., la commune de Grimaud a accordé un permis de lotir en 1992 à la Sarl Alligator pour un lotissement de quinze lots ; que par un arrêté du 29 juin 2004, le maire de Grimaud a accordé à la SNC Champ de la Foux, à laquelle le permis initial avait été transféré, un permis modificatif faisant état de ce que les demandes de permis de construire concernant les lots situés dans la partie nord-est du lotissement seraient susceptibles de se voir opposer les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, le 25 novembre 2008, trois certificats d'urbanisme négatifs confirmant cette inconstructibilité des lots 10, 14 et 15 en raison du risque d'incendie de forêt auquel ils sont exposés, ont été délivrés ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le territoire de la commune de Grimaud, située dans le département du Var qui est notoirement exposé aux risques de feu de forêt, comporte de nombreux massifs forestiers qui l'exposent particulièrement à de tels risques, notamment dans le secteur d'implantation du terrain d'assiette du lotissement en litige qui est entouré de collines boisées ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'entre la date de délivrance du permis de lotir en 1992 et la date à laquelle l'administration a opposé l'inconstructibilité de certains lots, la nature du risque aurait été substantiellement modifiée ; que, dans ces conditions, si des études du risque d'incendie, qui n'ont pas été demandées aux services compétents dans le cadre de l'instruction du permis de lotir initial, avaient été effectuées dès 1992, elles auraient été de nature à révéler l'existence du risque identifié en 2004 ;
12. Considérant qu'en ayant omis d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'exposition aux risques d'incendie sur le territoire de la commune de Grimaud à la date de délivrance du permis de lotir initial en 1992, alors que cette commune présentait notoirement des risques d'incendie notamment dans le secteur en cause et qu'il y était tenu par les dispositions de précitées de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1982, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
13. Considérant, d'autre part, que la SNC Champ de la Foux soutient également que la commune de Grimaud a commis une faute en omettant d'émettre dans le permis de lotir accordé en 1992, les prescriptions qui ont été portées au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans l'arrêté modificatif de 2004 ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;
15. Considérant que la carence de l'Etat ne dispense pas l'autorité compétente pour délivrer les autorisations de construire au nom de la commune, de porter sa propre appréciation sur le risque existant au titre des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dès lors que l'existence du risque est suffisamment établie ; qu'en l'espèce, eu égard aux caractéristiques du territoire communal et à celles du terrain d'assiette telles qu'elles viennent d'être exposées, le maire de Grimaud a commis une faute en omettant de prendre en compte le risque d'incendie auquel le projet était exposé dès 1992 ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité commune de Grimaud ;
16. Considérant, en troisième lieu, que si la SNC Champ de la Foux soutient que le principe de clarté de précision et de prévisibilité de la loi garanti par l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a été méconnu, faute pour l'administration de lui avoir permis d'accéder à une règle claire, précise et prévisible, il résulte toutefois de l'instruction, que les règles successivement applicables étaient claires et prévisibles ; que les dispositions ainsi invoquées ont seulement pour effet d'imposer que l'application de la règle soit prévisible et non qu'elle ne puisse être modifiée sans que cela n'ait été prévisible ; que le moyen manque dès lors en droit ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que la société SNC Champ de la Foux soutient que l'application tardive de l'article R. 111-2 code de l'urbanisme a porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
18. Considérant, d'une part, que les servitudes nouvelles découlant de l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'ont pas porté d'atteinte excessive aux intérêts du lotisseur en raison de ce que la balance entre l'intérêt du bénéficiaire d'une autorisation à la stabilité de la règle applicable et l'intérêt général justifiant la modification de la règle a été effectuée par le législateur en instaurant un délai de stabilité de cinq ans des règles applicables au permis de lotir et eu égard, par ailleurs, à la gravité des risques d'incendie identifiés en l'espèce ;
19. Considérant, d'autre part, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique soumise au juge administratif national est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la situation de la société requérante est entièrement régie par des règles de l'ordre juridique interne ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;
20. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante soutient que l'application tardive de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme porte atteinte au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) " ;
21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la gravité des risques d'incendie auxquels les terrains en cause sont exposés, la charge qui leur est imposée n'est pas exorbitante au regard de l'intérêt poursuivi qui est d'assurer la sécurité publique et notamment la sécurité des demandeurs de permis de construire sur les terrains grevés de la servitude ; que la société requérante n'est donc pas fondée à invoquer une méconnaissance des stipulations précitées ;
22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Champ de la Foux est fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Grimaud est engagée à son égard, d'une part, pour avoir méconnu la garantie découlant des dispositions de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme et en raison de sa carence dans l'appréciation du risque d'incendie lors de la délivrance du permis de lotir en 1992 ; que la requérante est également fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de sa carence dans la mise en oeuvre des responsabilités qui lui incombent dans la mise en place de plans d'expositions aux risques ;
En ce qui concerne la répartition des responsabilités :
23. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'appréciation du risque relevant d'études spécifiques menées par les services de l'Etat à l'initiative du préfet ou sur la demande du maire, il ne peut être reproché au pétitionnaire, nonobstant sa qualité de professionnel, une faute à ne pas en avoir tenu compte dans l'élaboration de son projet ; que la part respective de responsabilité de l'Etat et de la commune dans les préjudices subis par la société requérante doit être fixée aux deux tiers pour le premier et à un tiers pour la seconde ;
En ce qui concerne le préjudice :
24. Considérant que la SNC Champ de la Foux demande la réparation des préjudices correspondant, d'une part, à une somme correspondant au montant de la perte de valeur des terrains devenus inconstructibles et au montant de la perte du bénéfice escompté pour les lots devenus inconstructibles et, d'autre part, aux frais d'aménagement engagés en vain ;
25. Considérant, en premier lieu, que les préjudices tenant à la perte de valeur des lots devenus inconstructibles et à la perte du bénéfice escompté pour ces lots, trouvent exclusivement leur origine dans l'existence même du risque et sont par suite dépourvus d'un quelconque lien de causalité avec les fautes engageant la responsabilité de l'Etat et de la commune, à la date de l'arrêté de permis de lotir ; que la SNC Champ de la Foux n'est dès lors pas fondée à en demander l'indemnisation ;
26. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SNC Champ de la Foux a exposé pour l'aménagement du lotissement, une somme de 65 284 euros pour des frais de géomètre expert, une somme de 10 312 euros pour des frais d'architecte, une somme de 103 412 euros pour exécuter les travaux de lotissement, une somme de 9 393 euros pour des frais de bureau d'ingénierie-bâtiment, une somme de 1 554 euros pour des frais d'honoraires sur démarches auprès du département du Var, une somme de 29 577 euros pour des frais facturés par EDF, une somme de 297 650 euros pour des frais de la société générale des eaux, une somme de 828 675 euros pour des frais de travaux et de terrassement, une somme de 12 568 euros pour des frais de débroussaillage, une somme de 179 euros pour des frais d'honoraires de mise en sécurité incendie, une somme de 837 euros pour des frais de visite géologique, une somme de 790 euros pour des frais de reproduction, une somme de 32 000 euros pour des honoraires de commercialisation, une somme de 11 944 euros et une somme de 2 679 euros pour des frais d'assurance, une somme de 199 028 euros et une somme de 15 243 euros pour des frais de garantie d'achèvement, une somme de 6 352 euros pour des frais financiers, soit un montant total de 1 627 477 euros ; que ces frais correspondent à des dépenses engagées pour l'aménagement des quinze lots du lotissement ; que sur les lots ayant fait l'objet de prescriptions tardives sur le fondement de l'article R. 111-2, seuls les trois lots n°s 10, 14, 15 sont restés à la charge de la société, les autres lots ayant été vendus ; que, par suite, le préjudice subi par la société doit être évalué à 20 % de la dépense totale correspondant à l'aménagement de trois lots sur quinze, soit la somme de 325 495,40 euros ;
27. Considérant, en troisième lieu, que si la SNC Champ de la Foux fait valoir qu'elle a exposé un montant de 19 481 euros pour des frais de procédure contentieuse, il résulte de l'instruction que ces frais sont liés, pour partie à des litiges distincts du présent litige et, comme tels, sans lien de causalité avec le fait générateur de la responsabilité et qu'ils concernent pour le surplus les frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens dans les affaires qui font l'objet du présent arrêt et qui ont vocation à être pris en compte dans le cadre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
28. Considérant enfin, en quatrième lieu, que la SNC Champ de la Foux fait valoir également des dépenses correspondant à une somme de 857 euros pour des frais d'affichage de l'arrêté de lotir, une somme de 7 621 euros pour l'acquisition d'une bande de terrain en vue de la sécurisation de l'entrée du lotissement et une somme de 166 850 pour l'aménagement du carrefour à l'entrée du lotissement ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ces dépenses sont indépendantes du nombre de lots construits et que leur montant n'est dès lors pas proportionnel à ce nombre ; que la SNC Champ de la Foux n'est par suite pas fondée à demander de réparation à ce titre ;
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation :
29. Considérant que la société Champ de la Foux a droit aux intérêts sur les sommes qui lui sont dues à compter du 17 décembre 2008, date de réception de ses demandes préalables par l'Etat et la commune de Grimaud ; que la requérante a demandé la capitalisation le 16 février 2011, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts et qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner cette capitalisation à cette date, puis à chaque échéance annuelle ultérieure ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC Champ de la Foux est fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes indemnitaires et, sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'expertise, à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 216 996,93 euros et la condamnation de la commune de Grimaud à lui verser une somme de 108 498,47 euros, assorties des intérêts à compter du 17 décembre 2008 et de leur capitalisation à compter du 16 février 2011 ;
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :
31. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, de mettre à la charge de la commune de Grimaud le versement à la SNC Champ de la Foux d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des dépens de l'instance n° 11MA02598 et des frais exposés par la requérante dans cette instance et non compris dans les dépens ; qu'il y également lieu, sur les mêmes fondements, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SNC Champ de la Foux d'une somme de 1 500 euros au titre de l'instance n° 11MA02599 ;
32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC Champ de la Foux, qui n'est, dans l'instance n° 11MA02598, ni partie perdante, ni tenue aux dépens, la somme que la commune de Grimaud demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Toulon n° 0900719 et n° 0900716 du 12 mai 2011 sont annulés.
Article 2 : La commune de Grimaud est condamnée à verser à la SNC Champ de La Foux une indemnité de 108 498,47 euros (cent huit mille quatre cent quatre-vingt-dix-huit euros et quarante-sept centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008. Les intérêts échus le 16 février 2011 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la SNC Champ de La Foux une somme de 216 996,93 euros (deux cent seize mille neuf cent quatre-vingt-seize euros et quatre-vingt-treize centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008. Les intérêts échus le 16 février 2011 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La commune de Grimaud, d'une part, et l'Etat, d'autre part, verseront chacun à la SNC Champ de La Foux une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Champ de la Foux, à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et à la commune de Grimaud.
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N°s 11MA02598, 11MA02599