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21/02/2014 | FRANCE | N°12MA01946

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 février 2014, 12MA01946


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 16 mai 2012, sous le numéro 12MA01946, présenté par le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105922 du 13 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision informelle du directeur du centre de détention de Salon-de-Provence d'appliquer à M. B...un régime de fouilles intégrales systématiques à l'issue des parloirs dont

il bénéficie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tri...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 16 mai 2012, sous le numéro 12MA01946, présenté par le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105922 du 13 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision informelle du directeur du centre de détention de Salon-de-Provence d'appliquer à M. B...un régime de fouilles intégrales systématiques à l'issue des parloirs dont il bénéficie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que depuis le mois de novembre 2010, l'ensemble des détenus du centre de détention de Salon-de-Provence fait l'objet d'une fouille intégrale à l'issue des parloirs qu'ils peuvent avoir avec leurs proches ; que l'existence d'une décision administrative du directeur d'établissement soumettant les détenus à un tel régime de fouilles, non formalisée par écrit, est confirmée par le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés qui interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de soumettre M. B...à une fouille intégrale à l'issue de chaque parloir dont il bénéficie tous les quinze jours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation de moyens de détection électronique sont insuffisantes. " ; que selon l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. " ; qu'en vertu de l'article R. 57-7-80 du même code: " Les personnes détenues sont fouillées chaque fois qu'il existe des éléments permettant de suspecter un risque d'évasion, l'entrée, la sortie ou la circulation en détention d'objets ou substances prohibés ou dangereux pour la sécurité des personnes ou le bon ordre de l'établissement. " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elle prévoient et, d'autre part, que les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique ;

3. Considérant, il est vrai, que les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application aux détenus d'un régime de fouilles intégrales ; qu'il résulte de l'instruction que la zone des parloirs du centre de détention de Salon-de-Provence se trouvant être le lieu d'importants échanges et trafics de différents objets, produits ou substances, dangereux ou prohibés, la nécessité du recours à de telles fouilles qui permettent de saisir les objets interdits ou dangereux susceptibles d'être introduits en détention apparaît justifié, ainsi que le fait valoir le Garde des sceaux, par la nécessité d'assurer la sécurité ainsi que le maintien de l'ordre au sein de l'établissement ; que toutefois, l'exigence de proportionnalité des modalités selon lesquelles les fouilles intégrales sont organisées implique qu'elles soient strictement adaptées non seulement aux objectifs qu'elles poursuivent mais aussi à la personnalité des personnes détenues qu'elles concernent ; qu'à cette fin, il appartient au chef d'établissement de tenir compte, dans toute la mesure du possible, de la personnalité et du comportement du détenu, de ses agissements antérieurs ainsi que des circonstances de ses contacts avec des tiers ; qu'il est constant que M.B..., du fait de son comportement irréprochable au cours de sa détention, a bénéficié chaque année de trois mois de réduction de peines supplémentaires et a occupé dans les différents établissements fréquentés, divers postes à responsabilité ; qu'en outre, aucune des nombreuses visites reçues durant sa détention n'a fait l'objet d'un quelconque signalement ou n'a donné lieu à un incident de quelque nature que ce soit ; que la double circonstance avancée par le ministre selon laquelle d'une part, les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique, au demeurant mis en oeuvre au sein du centre de détention de Salon-de-Provence entre les mois de juillet et novembre 2010, sont insuffisants pour détecter produits stupéfiants ou téléphones portables, d'autre part, que ce type de mesures permet de protéger les prisonniers les plus vulnérables qui peuvent se voir contraints à faire passer des objets prohibés, ne peut davantage autoriser l'administration à mettre en oeuvre un régime de fouille intégrale systématique de tous les détenus et de M. B...en particulier, à la sortie des parloirs ; que dès lors, l'exécution d'un tel régime de fouilles à l'encontre de M. B...présente un caractère disproportionné au regard des nécessités de sécurité et de bon ordre au sein de l'établissement pénitentiaire et constitue, eu égard à son caractère systématique, une méconnaissance des dispositions de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant enfin que le Garde des sceaux ne saurait sérieusement soutenir que le tribunal administratif, en employant l'expression " fouille intégrale corporelle ", se serait mépris sur la nature des fouilles pratiquées à l'issue des parloirs sur l'ensemble des détenus et sur M. B... en particulier, qui ne sont ni des fouilles par palpation ni des investigations corporelles internes, alors que lui-même, dans ses écritures en défense, recourt à cette même expression pour désigner les fouilles intégrales ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision informelle du directeur du centre de détention de Salon-de-Provence d'appliquer à M. B...un régime de fouilles intégrales systématiques à l'issue des parloirs dont il bénéficie ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Me A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et à M. C...B...et à MeA....

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N° 12MA01946

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01946
Date de la décision : 21/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-055-01 Droits civils et individuels. Convention européenne des droits de l'homme. Droits garantis par la convention.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-21;12ma01946 ?
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