Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 11MA03023, présentée pour M. B...C...et Mme A...D...épouse C...demeurant..., par la SCP d'avocats Brunel-Pivard-Regnard ;
M. et Mme C...demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102380 du 27 mai 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2011 par laquelle la communauté de communes du Lodévois a refusé de résilier la convention de concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté " entrée de ville " conclue le 24 juin 2002 avec la société d'équipement du biterrois et de son littoral, à ce qu'il soit enjoint au président de la communauté de résilier la convention en cause et à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler ladite décision du 21 mars 2011 ;
3°) d'enjoindre à la communauté de communes du Lodévois de résilier la convention d'aménagement conclue le 24 juin 2002 ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Lodévois une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- et les observations de Me E...représentant la communauté de communes du Lodévois et la société d'équipement du Biterrois et de son littoral ;
1. Considérant que la commune de Lodève a engagé en 2000 les études préalables et la concertation nécessaires à un projet de zone d'aménagement concerté (ZAC) de son " entrée de ville ", à proximité du nouvel échangeur de l'autoroute A 75 reliant l'Auvergne au Languedoc-Roussillon ; que, par une délibération du 20 novembre 2000, le conseil municipal a approuvé la convention d'aménagement de cette opération ; que la concession a été conclue le 4 décembre 2000 avec la société d'équipement du Biterrois et de son littoral (Sebli) ; que, par une délibération du 15 mars 2002, le conseil municipal de Lodève a décidé du transfert de la maîtrise d'ouvrage à la communauté de communes du Lodévois ; que, par une délibération du 2 avril 2002, le conseil de la communauté a accepté la maîtrise d'ouvrage de l'opération et l'année suivante, a approuvé le bilan de la concertation ainsi que le dossier de création de la ZAC et a décidé de sa création ; que la communauté de communes et la Sebli ont conclu le 24 juin 2002 une nouvelle convention publique d'aménagement ; que M. et Mme C...ont sollicité la résiliation de la convention publique d'aménagement du 24 juin 2002 ; que, par une décision du 21 mars 2011, la communauté de communes du Lodévois a opposé un refus ; que, par l'ordonnance attaquée du 27 mai 2011, le président du tribunal administratif de Montpellier statuant en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative a rejeté la demande d'annulation de cette décision ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Considérant que les requérants, demandeurs en première instance, ont, de ce seul fait, qualité pour faire appel du jugement qui a rejeté leur demande ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. Considérant qu'un requérant peut invoquer, à tout moment de la procédure devant le juge administratif, y compris en appel, une qualité lui donnant intérêt pour agir ;
4. Considérant que si M. et Mme C...faisaient seulement état de leur qualité d'anciens propriétaires de parcelles dont ils ont été expropriés au profit de l'aménageur, ils invoquent devant la Cour notamment leur qualité de contribuable de la commune de Lodève ; que cette qualité leur confère un intérêt pour agir contre la décision refusant de résilier la convention publique d'aménagement du 24 juin 2002 dès lors que la convention dont il a été demandé la résiliation, emporte une incidence financière sur le budget de la commune de Lodève, membre de la communauté de communes Lodévois et Larzac, établissement public intercommunal au financement duquel elle participe ; que, dès lors, en leur qualité de contribuables de la commune, les requérants justifient d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de la décision attaquée ;
5. Considérant en outre qu'un tiers à un contrat administratif est recevable à former un recours pour excès de pouvoir, dès lors qu'il justifie d'une qualité lui donnant intérêt pour agir, contre les clauses réglementaires de ce contrat ; qu'il peut également faire un recours pour excès de pouvoir contre le refus de la personne publique de le résilier, acte détachable de ce contrat ; que la recevabilité d'un tel recours est subordonnée à la condition que les stipulations du contrat en cause soient de nature à le léser dans ses intérêt de façon suffisamment directe et certaine ;
6. Considérant que pour rejeter la demande des requérants, le président du tribunal administratif de Montpellier a estimé que, eu égard à leur qualité de tiers au contrat dont ils ont demandé la résiliation, ils n'étaient susceptibles de faire valoir aucun intérêt que la poursuite de l'exécution de ce contrat pourrait léser d'une manière suffisamment directe et certaine et que la qualité d'ancien propriétaire de terrains dont ils ont été expropriés, ne pouvait être regardée comme leur conférant un intérêt pour agir contre la décision contestée ;
7. Considérant que, toutefois, la seule circonstance que les requérants sont tiers au contrat public d'aménagement ne fait pas obstacle à ce qu'ils contestent la légalité de la décision administrative détachable de ce contrat que constitue le refus de résiliation ; que, comme il a été dit au point 4, la qualité de contribuable de la commune de Lodève où M. et Mme C...sont habitants leur confère un intérêt pour agir contre la décision en cause ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que les requérants sont voisins de la zone d'aménagement concerté en cause ; que, dès lors, en ces qualités, M. et Mme C...justifiaient d'un intérêt à demander l'annulation de la décision du président de la communauté de communes refusant de résilier la convention de concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté " entrée de ville " conclue le 24 juin 2002 avec la société d'équipement du biterrois et de son littoral ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, c'est à tort que par l'ordonnance attaquée du 27 mai 2011, le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, pour irrecevabilité, la demande présentée par les requérants ; qu'il y a donc lieu de l'annuler ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision attaquée, excluaient les conventions d'aménagement, contrats par lesquels une personne publique délègue la réalisation d'une opération d'aménagement comportant la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements, des règles de publicité et de mise en concurrence prévues pour la passation des délégations de services publics ; que ces conventions devant néanmoins être soumises à des règles de publicité et de mise en concurrence, tant en vertu des exigences découlant des principes généraux du droit communautaire de non-discrimination et d'égalité de traitement que des règles applicables à la conclusions des concessions de travaux au sens du droit de l'Union européenne, la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement a modifié cet article L. 300-4 afin de le mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne, en soumettant l'attribution des conventions d'aménagement à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes ; que l'article 11 de cette loi du 20 juillet 2005 a cependant prévu, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la validation de l'ensemble des conventions d'aménagement signées avant la publicité de la loi, " en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes " :
10. Mais considérant que les dispositions de l'article 11 de la loi susvisée du 20 juillet 2005 tendent à soustraire les conventions d'aménagement à l'exigence d'une publicité préalable à la conclusion de ces contrats, découlant, ainsi qu'il a été dit, tant du respect des principes généraux du droit de l'Union européenne de non-discrimination et d'égalité de traitement que des règles applicables à la conclusion des concessions de travaux au sens de ce droit ; que le principe de sécurité juridique, s'il est susceptible de permettre aux cocontractants de poursuivre leurs relations contractuelles durant une période transitoire, afin de les dénouer dans des conditions acceptables, ne saurait autoriser la validation pure et simple de ces conventions ;
11. Considérant qu'il est constant que la convention publique d'aménagement conclue entre la communauté de communes du Lodévois et la Sebli n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité et de mise en concurrence ; que, nonobstant les mentions apposées sur la convention précitée indiquant qu'elle constitue l'avenant n° 1 à la concession initiale intervenue entre la commune de Lodève et la Sebli, laquelle n'a pas été contestée, elle se substitue toutefois à cette dernière dont elle reprend les stipulations à compter de son entrée en vigueur ; que, dès lors, la communauté de communes du Lodévois et Larzac ne peut soutenir que la convention en cause en tant qu'avenant à la concession initiale conclue le 4 décembre 2000, n'était pas soumise aux exigences de publicité et de mise en concurrence ; que, par suite, eu égard à l'irrégularité viciant la convention en cause, la communauté ne pouvait légalement refuser sa résiliation ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande, que M. et Mme C...sont fondés à demander l'annulation de la décision du président de la communauté de communes du Lodévois du 21 mars 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu' une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
14. Considérant que l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement que le contrat en cause doive être annulé ; qu'il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée ; que, dans la détermination des mesures rendues nécessaires par l'annulation, le juge de l'exécution n'est pas tenu par celles demandées par le requérant ;
15. Considérant, d'une part, que la communauté de communes du Lodévois et Larzac fait valoir qu'une nouvelle procédure de création de la zone d'aménagement concerté " Entrée de ville " est en cours, l'aménagement devant être assuré sans le recours de la Sebli ; que, toutefois, il ne ressort pas de l'instruction, notamment des délibérations produites aux débats que la convention publique d'aménagement du 24 juin 2002 qui n'est pas parvenue à son terme, aurait été résiliée ; que, dès lors, il y a lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction ;
16. Considérant, d'autre part, que le vice entachant la procédure de passation de la convention publique d'aménagement a affecté gravement la légalité du choix de l'attributaire ; qu'eu égard à la nature de ce vice, le processus que la communauté de communes du Lodévois et Larzac allègue avoir mis en oeuvre en vue de sécuriser l'opération d'aménagement en adoptant les délibérations du 21 octobre 2010 organisant la concertation préalable en vue de la création de la ZAC " " entrée de ville ", du 16 juin 2011 approuvant le dossier de réalisation de la ZAC, du 21 avril 2011 approuvant le bilan de la concertation préalable, décidant la création de la ZAC "entrée de ville " et approuvant le programme prévisionnel de construction ne peut, en tout état de cause, régulariser l'illégalité en cause ; que ce vice implique, par sa gravité et en l'absence de régularisation possible, que soit ordonnée à la communauté de communes de résilier la convention conclue avec la société d'équipement du biterrois et de son littoral le 24 juin 2004 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et il n'est au demeurant pas allégué qu'un motif d'intérêt général ferait obstacle à la résiliation de la convention ; que, cependant, l'intérêt général tenant à la mise en oeuvre des opérations de reddition de comptes justifie que la résiliation ne prenne effet qu'au 30 septembre 2014 ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la communauté de communes de résilier la convention litigieuse à compter du 30 septembre 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeC..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la communauté de communes du Lodévois et Larzac et la Sebli demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes du Lodévois et Larzac la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1102380 du président du tribunal administratif de Montpellier du 27 mai 2011 est annulée.
Article 2 : La décision du président de la communauté de communes du Lodévois et Larzac du 21 mars 2011 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la communauté de communes du Lodévois et Larzac de résilier, à compter du 30 septembre 2014, la convention publique d'aménagement conclue avec la société d'équipement du biterrois et de son littoral le 24 juin 2002.
Article 4 : La communauté de communes du Lodévois et Larzac versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la communauté de communes du Lodévois et Larzac et de la Sebli présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme A...D...épouseC..., à la communauté de communes du Lodévois et Larzac et à la société d'équipement du Biterrois et de son littoral.
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