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18/02/2014 | FRANCE | N°10MA03547

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 février 2014, 10MA03547


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010, présentée pour le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 dont le siège est sis 2 rue de l'Eusière à Carros (06510), par MeB... ;

Le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703896 du 29 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en remboursement de la somme de 282 384 euros de trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2001 à 2003 ;

2°) de prononcer la restitutio

n de l'imposition en cause, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à l...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010, présentée pour le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 dont le siège est sis 2 rue de l'Eusière à Carros (06510), par MeB... ;

Le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703896 du 29 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en remboursement de la somme de 282 384 euros de trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2001 à 2003 ;

2°) de prononcer la restitution de l'imposition en cause, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c/ République française (C- 243/03) et Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2014,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 ;

1. Considérant que le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06, dont l'objet est la gestion du service des transports en commun des communes de Carros et environs, avait assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les virements financiers internes entre son budget général et son budget annexe ; que ce syndicat, qui a obtenu de l'administration fiscale, par décision du 15 juin 2007, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux versements effectués au cours de la période allant du 4ème trimestre 2003 au 4ème trimestre 2005, n'a pas bénéficié de la restitution de la même taxe pour la période courant du 1er trimestre 2001 au 3ème trimestre 2003 ; qu'il a alors demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation de l'Etat à lui restituer les cotisations de taxe sur la valeur ajoutée acquittées au titre de la période en cause, pour un montant total de 282 384 euros ; que, cependant, le tribunal, par jugement du 29 juin 2010, a rejeté cette demande en relevant que la réclamation exposée devant l'administration fiscale le 10 janvier 2007 était atteinte de forclusion au sens des dispositions contenues au c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 relève appel de ce jugement ;

Sur le droit à restitution de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant que le syndicat intercommunal requérant, pour demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à hauteur de 189 142 euros pour 2001, 58 009 euros pour 2002 et 35 233 euros pour 2003, soit un montant total de 282 384 euros, entend se prévaloir de deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005, Commission c/ République française et Commission c/ Royaume d'Espagne ; qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable compte tenu de la date à laquelle ont été rendus les arrêts susvisés de la Cour de justice des Communautés européennes : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

3. Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

4. Considérant que, par les deux arrêts susmentionnés du 6 octobre 2005 rendus dans des affaires opposant la Commission à la République française et au Royaume d'Espagne, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ; que, plus particulièrement, ces deux arrêts qui prohibent, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive, s'agissant notamment des redevables recevant des subventions publiques, constituent des décisions de nature à révéler la non-conformité à la directive de mécanismes de taxation volontaire des subventions conformes à des instructions fiscales au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'ils doivent être regardés comme constituant un événement nouveau au sens du c de l'article R. 196-1 du même livre ;

5. Considérant que l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994 prévoyait par ses points 152 et 153 l'application de la règle du prorata de déduction prévue à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008, non seulement aux entreprises qui ne réalisaient pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction mais également aux entreprises dont la totalité du chiffre d'affaires était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui, par ailleurs, percevaient des subventions placées hors du champ d'application de cette taxe ; que, selon cette doctrine, ces subventions devaient être incluses au dénominateur du prorata, ce qui limitait le droit de déduction de ces entreprises ; que, toutefois, il était admis que, s'agissant des subventions versées par une collectivité territoriale à un de ses établissements publics, il était possible, aux fins d'éviter la limitation des droits de déduction, d'opter pour l'assujettissement de ces subventions à la taxe ; qu'en l'espèce, le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 a choisi, au titre des années en cause, ainsi que lui en donnait la faculté le point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994, de soumettre à la TVA les subventions constituées par les virements financiers internes de son budget général à son budget annexe dédié au service des transports, en sorte d'éviter l'application du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que le mécanisme ainsi mis en place tendait effectivement à la limitation, non prévue par la sixième directive susmentionnée du 17 mai 1977, des droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, l'option ouverte par le point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994 devant être regardée comme constituant une modalité d'application du mécanisme et non comme une procédure autonome ;

6. Considérant que, dans ces conditions, et eu égard à l'évènement qu'ont constitué au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, les arrêts susmentionnés du 6 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes, le syndicat requérant était en droit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de demander par sa réclamation présentée, dans le délai requis, le 10 janvier 2007, la restitution des sommes indûment versées sur le fondement des dispositions du point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994 pour la période remontant jusqu'à l'année 2001 en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 190 du même livre ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice lui a opposé la forclusion de sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée payée au titre des années 2001 à 2003 à hauteur de la somme totale de 282 384 euros et, d'autre part, la restitution de ladite somme ;

Sur les intérêts moratoires demandés par le syndicat requérant :

8. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de paiement de tels intérêts, les conclusions de l'établissement requérant tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables et ne peuvent, pas suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0703896 du 29 juin 2010 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La somme de 282 384 (deux cent quatre-vingt-deux mille trois cent quatre-vingt-quatre) euros sera restituée au syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06.

Article 3 : L'Etat versera au syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 la somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal des transports collectifs Bus Var Mer 06 et au ministre de l'économie et des finances.

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