La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2014 | FRANCE | N°11MA02770

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2014, 11MA02770


Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2011, présentée pour M. I... D..., demeurant au..., par la SELAFA Taj, agissant par Me A...E... et Me G...Righi ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n°1003147 du 3 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires e

t des pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de...

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2011, présentée pour M. I... D..., demeurant au..., par la SELAFA Taj, agissant par Me A...E... et Me G...Righi ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n°1003147 du 3 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2014 :

- le rapport de M. Haïli, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

- et les observations de Me Righi, avocat de M. D...;

1. Considérant qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la SARL Be Back, le vérificateur a constaté que M.D..., associé et détenteur de 2 % des droits sociaux de cette société, avait perçu, au cours de l'année 2007, des intérêts rémunérant son compte courant ouvert dans les écritures comptables de cette société ; qu'après avoir procédé au contrôle sur pièces du dossier de M.D..., l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification n° 2120 portant, en matière de revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2007, sur les intérêts que lui a versés cette société en rémunération d'avances en compte courant qu'il n'avait pas déclarés ; que si l'administration fiscale a admis, en réponse à la réclamation préalable du contribuable, le caractère non imposable de ces sommes à hauteur de celles venant couvrir les intérêts versés en 2007 par M. D... au titre d'un emprunt de 500 000 euros à la banque UBS, soit 24 520 euros entraînant un dégrèvement de 13 686 euros, elle a rejeté le surplus de ses réclamations, relatives aux sommes versées par la SARL Be Back au titre des intérêts qu'il a supportés au cours des années 2005, 2006 et 2008 au titre du même emprunt et au titre des intérêts qu'il a supportés au cours des années 2005 à 2008 au titre d'un autre emprunt de 500 000 euros au Crédit suisse ; que, par les articles 1er et 2 d'un jugement du 3 mai 2011, le tribunal administratif de Marseille a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. D...au titre de l'année 2007, d'un montant correspondant aux seuls intérêts payés en 2007 au Crédit suisse, sur une somme de 150 000 euros, et réduit en conséquence les suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et les pénalités auxquels il a été assujetti ; que, par l'article 4 du même jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de la demande de M. D...tendant à la décharge en droits et pénalités du surplus de ces impositions ; que M. D...interjette régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; que le ministre chargé du budget demande, par voie d'appel incident, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 124 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article, lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 ; 2° Des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, quel que soit le dépositaire et quelle que soit l'affectation du dépôt ; 3° Des cautionnements en numéraire ; 4° Des comptes courants ; 5° Des clauses d'indexation afférentes aux sommes mises ou laissées à la disposition d'une société par ses associés ou ses actionnaires. " ; que l'article 125 du même code dispose : " Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages, primes de remboursement ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124. L'impôt est dû par le seul fait, soit du paiement des intérêts, de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte. En cas de capitalisation des intérêts d'un prix de vente de fonds de commerce, le fait générateur de l'impôt est reporté à la date du paiement effectif des intérêts " ;

3. Considérant que, dans la mesure où les différents emprunts que M. D...a contractés personnellement, soit 500 000 euros auprès de la banque Crédit suisse et 500 000 euros auprès de la banque UBS, étaient destinés à assurer le financement des besoins de trésorerie de la SARL Be Back, les sommes qu'il a perçues en 2007, en remboursement des intérêts qu'il avait lui-même personnellement supportés, correspondaient à la prise en charge par cette société du montant des intérêts de ces emprunts et ne pouvaient être regardées comme des revenus distribués ; qu'elles ne pouvaient par suite être imposées, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des articles 124 et 125 du code général des impôts, au titre de l'année 2007 ;

4. Considérant que si M. D...fait grief aux premiers juges de ne pas avoir admis comme non imposables les intérêts se rapportant à une somme de 350 000 euros, le requérant ne conteste pas que cette somme, correspondant à une partie de l'emprunt qu'il a contracté auprès du Crédit suisse pour un montant total de 500 000 euros, n'a pas été effectivement mise à la disposition de la société, dès lors que 100 000 euros ont été versés à une filiale de la société Be Back et que 250 000 euros ont transité entre les mains de M.D..., via ses comptes personnels, puis donné lieu à un enregistrement au compte courant d'un tiers, M.B..., qui a mis ces 250 000 euros à la disposition de la société ; que, par suite, cette somme de 350 000 euros n'ayant pas été mise immédiatement à disposition de la société par le requérant qui ne lui a pas versée lui-même, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction des intérêts acquittés de 2005 à 2008 par M. D...au titre de cette somme de 350 000 euros provenant de l'emprunt contracté auprès du Crédit suisse ;

5. Considérant, en ce qui concerne le rejet de la déduction des intérêts acquittés par M. D... en 2005, 2006 et 2008, au titre de 150 000 euros empruntés au Crédit suisse et 500 000 euros empruntés à la banque UBS, que le principe de l'annualité de l'impôt faisait obstacle à ce que la SARL Be Back déduisit, au titre de l'année 2007, les intérêts versés par M. D... au cours des années antérieures ou ultérieures à 2007 ; que, dès lors, M. D...lui-même ne saurait déduire, des intérêts qu'il a personnellement perçus de la SARL Be Back en 2007, les intérêts qu'il a versés au titre des années 2005, 2006 et 2008 à raison de ces sommes ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de considérer comme des remboursements les sommes perçues par le requérant au titre des intérêts acquittés par ses soins en 2006, de même que celles correspondant aux intérêts payés par le requérant au Crédit suisse à raison d'un montant emprunté de 350 000 euros ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ; qu'aux termes de la documentation de base 5-I-3226 du 1er décembre 1997 " revenus de capitaux mobiliers-dépenses déductibles du revenu brut " : " (...) 2-2° Pour être déduites au titre d'une année donnée, les dépenses doivent avoir été effectivement réglées au cours de ladite année ; (...) 4-4° Compte tenu des termes mêmes de l'article 125 du CGI, les revenus des créances, dépôts, cautionnements et comptes courants doivent être compris dans le revenu imposable pour le montant brut des intérêts, arrérages et produits de ces valeurs (cf. 5 I 122 ).Aucune déduction ne peut, dès lors, leur être appliquée pour l'assiette de l'impôt. 5-Ainsi, l'arrêt du Conseil d'État en date du 14 juin 1982, n° 22300 rappelle qu'en matière de créances, dépôts et cautionnements, les articles 124 et 125 du CGI disposent que le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts. Il n'est donc pas prévu que le prêteur puisse déduire des intérêts qu'il perçoit les charges qu'il a pu être amené à supporter pour disposer du capital prêté. / Mais l'Administration a admis, par exception à cette règle, qu'en cas de prêt consenti à une société par son dirigeant à l'aide de fonds empruntés par ce dernier, les intérêts versés à l'organisme prêteur, soit par le dirigeant lui-même, soit directement par la société pour le compte de ce dernier, soient déduits du montant des intérêts reçus par l'intéressé à raison de sa créance sur son entreprise et qu'il est tenu de déclarer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour l'assiette de l'impôt sur le revenu. Cette déduction n'est bien entendu admise que si les fonds empruntés ont été mis en totalité et immédiatement à la disposition exclusive de la société qu'il administre Cette exception est toutefois limitée à la seule compensation d'intérêts égaux. Ainsi lorsque les intérêts dus à la banque au titre du prêt personnel du dirigeant excèdent ceux reçus par ce dernier de son entreprise, cet excédent ne constitue pas un déficit déductible des autres revenus de la catégorie ou du revenu global du dirigeant (RM à M.H..., JO, AN du 23 août, 1975, p. 5737 et RM à M. C..., JO, AN du 4 février 1985, p. 445). Cette mesure s'applique, dans les mêmes conditions, lorsque les fonds mis à la disposition d'une société proviennent d'un prêt consenti par un établissement de crédit à un associé qui n'est pas dirigeant de cette société (RM à M.F.... JO, Débats, AN du 17 mars 1997, p 1360) " ;

8. Considérant que M. D...se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation de base 5-I-3226 et des réponses ministérielles qu'elle reprend et fait valoir que l'administration fiscale ne pouvait opposer le principe de l'annualité de l'impôt dès lors que le remboursement des intérêts d'emprunt contracté par l'associé doit s'analyser comme une créance et non un revenu ; que toutefois, en regard de l'application de la règle d'annualité de l'impôt, les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'instruction et les réponses ministérielles qu'elle reprend ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dont le contribuable serait susceptible de se prévaloir ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à réclamer des déductions supplémentaires sur son revenu imposable en 2007 des intérêts payés au titre des années 2005, 2006 et 2008 ;

Sur les conclusions incidentes du ministre chargé du budget :

9. Considérant qu'à l'appui de son appel incident, le ministre chargé du budget fait valoir qu'en principe les intérêts de compte courant constituent des revenus de créances pour l'associé bénéficiaire dès lors qu'ils constituent une charge déductible des résultats imposables de la société et que ce principe revêt une portée générale même si l'administration a admis dans sa doctrine que l'associé puisse pour la détermination des revenus de capitaux mobiliers imposables, déduire, des intérêts mis à sa disposition, le montant des intérêts payés à la banque qui lui a prêté les fonds ; que le ministre estime que les premiers juges ont dans leur jugement été au-delà de ce que la doctrine autorise et qui doit être interprété strictement et demande par conséquent l'annulation du jugement susvisé en ce qu'il a réduit le supplément d'impôt sur le revenu auquel M. D...a été assujetti au titre de l'année 2007 ; que toutefois, contrairement à ce que soutient le ministre, les premiers juges n'ont pas entendu faire application de la doctrine administrative mais ont jugé à bon droit, comme il a été dit au point n° 3, et sans que soit utilement opposable l'argument opposé par le ministre tiré de l'indivisibilité de l'emprunt, que celles des sommes empruntées par le requérant auprès des établissements bancaires susmentionnés, dont la disposition a généré les intérêts acquittés par ce dernier, ont été effectivement mises à la disposition de la société ; que par suite, l'administration fiscale n'était pas fondée à imposer les sommes en cause, correspondants auxdits produits financiers, entre les mains de M. D... en tant que revenus de capitaux mobiliers ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ; que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le même jugement, le tribunal a accordé à M. D...la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 procédant de la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales d'un montant correspondant aux intérêts payés au Crédit suisse sur 150 000 euros au titre de cette même année ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre chargé du budget présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

''

''

''

''

2

N° 11MA02770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02770
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : TAJ SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-14;11ma02770 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award