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13/02/2014 | FRANCE | N°11MA02346

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 février 2014, 11MA02346


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 20 juin et 12 octobre 2011, présentés pour le centre hospitalier d'Aix-en-Provence dont le siège est avenue des Tamaris à Aix-en-Provence (13613), par Me D...; le centre hospitalier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902729 en date du 12 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer la somme de 80 000 euros à M. A...F...-B... et la somme de 10 000 euros à Mme E...B...;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F...-B... et Mme B...;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 20 juin et 12 octobre 2011, présentés pour le centre hospitalier d'Aix-en-Provence dont le siège est avenue des Tamaris à Aix-en-Provence (13613), par Me D...; le centre hospitalier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902729 en date du 12 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer la somme de 80 000 euros à M. A...F...-B... et la somme de 10 000 euros à Mme E...B...;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F...-B... et Mme B...;

................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me C...pour M. F...-B... et pour Mme B...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 janvier 2014, présentée pour M. F...-B... et pour Mme B...par MeC... ;

1. Considérant que M. F...-B... et Mme B...ont recherché devant le tribunal administratif de Marseille la responsabilité du centre hospitalier d'Aix-en-Provence en raison des préjudices subis par M. F...-B... et par sa mère, MmeB..., en raison d'une double faute commise au cours de l'opération de la sténose du pylore réalisée le 20 janvier 1990 et d'un retard de diagnostic fautif du reflux gastro-oesophagien ; que le centre hospitalier d'Aix-en-Provence relève appel du jugement du 12 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer la somme de 80 000 euros à M. F...-B... et la somme de 10 000 euros à Mme B...en réparation des conséquences dommageables de l'absence de réalisation d'examen exploratoire qui aurait permis de diagnostiquer et traiter le reflux gastro-oesophagien dont souffrait A...F...-B... depuis sa naissance ; que le centre hospitalier demande à la Cour de rejeter la demande présentée par M. F...-B... et Mme B... ; que, par la voie de l'appel incident, M. F...-B... et Mme B...demandent que les sommes de 80 000 euros et 10 000 euros allouées en première instance soient respectivement portées à 156 000 euros et 65 000 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si le centre hospitalier d'Aix-en-Provence a soutenu, dans sa requête sommaire, de façon lapidaire, que le jugement était insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif de Marseille a été saisi, il n'a assorti ce moyen d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Aix-en-Provence :

Sur les conclusions présentées par M. F...-B... et Mme B...:

3. Considérant, d'une part, qu'à supposer même que le chirurgien ait pratiqué, sans s'en apercevoir lors de l'intervention subie le 20 janvier 1990 au centre hospitalier d'Aix-en-Provence par le jeune A...né le 14 décembre 1989, une brèche accidentelle de la muqueuse, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas du rapport établi par l'expert spécialisé en pédiatrie, désigné par le tribunal administratif de Marseille, que cette blessure trouve sa cause dans l'accomplissement maladroit du geste opératoire ; qu'au contraire, il résulte de l'instruction que cette effraction de la muqueuse constitue une complication classique et inhérente de l'opération de la sténose du pylore ; qu'en l'espèce, le professeur Seriat-Gautier, chirurgien pédiatrique, a précisé dans l'avis produit devant la Cour par les consorts F...-B... que cette complication est "généralement bénigne" et l'expert judiciaire n'a relevé aucun manquement aux règles de l'art et aux données acquises de la science dans le déroulement de ladite intervention ;

4. Considérant, d'autre part, que les consorts F...-B... soutiennent que lors de l'intervention litigieuse de la sténose du pylore réalisée le 20 janvier 1990, le centre hospitalier d'Aix-en-Provence a commis une faute en laissant une compresse au niveau du site opératoire à l'origine de souffrances physiques et d'une intervention réparatrice en se fondant notamment sur l'avis du 15 décembre 2011 du professeur Seriat-Gautier ; que, toutefois, cet avis non étayé, qui ne se trouve corroboré par aucune autre pièce du dossier, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions circonstanciées de l'expert judiciaire et selon lesquelles l'hypothèse de l'oubli d'une compresse ne saurait, en l'espèce, être retenue compte tenu de la nature même de la matière des compresses en cellulose résorbante utilisées, de l'absence de caractère hémorragique de l'opération pour sténose du pylore, de la petite taille du nourrisson qui constitue un obstacle pour glisser une compresse et de l'abord insuffisant de la sténose, limité à un ou deux centimètres, pour permettre à une compresse même pédiatrique de rentrer dans le site opératoire ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'intervention réalisée le 18 décembre 2001 à l'hôpital Lavéran en vue de la résection du retrait du corps étranger, dont l'origine ne peut être déterminée au vu des éléments du dossier, n'a pas permis de mettre un terme aux douleurs thoraciques de l'enfant dont la réparation est demandée dans la présente instance ;

5. Considérant que les consorts F...-B... ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir, par la voie de l'appel incident, que la responsabilité du centre hospitalier d'Aix-en-Provence serait engagée sur le fondement d'une double faute médicale commise lors de l'intervention réalisée le 20 janvier 1990 ;

Sur les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Aix-en-Provence :

6. Considérant que les premiers juges ont estimé qu'en en ne procédant pas à l'examen exploratoire appelé transit-oeso-gastroduodénale, le centre hospitalier d'Aix-en-Provence avait commis un manquement à l'origine d'un retard dans la prise en charge de la pathologie dont a souffert M. F...-B... ; que le centre hospitalier conteste devant la Cour de céans l'existence d'un retard de treize ans dans la prise en charge de la pathologie de M. F...-B... en faisant valoir que le retard fautif de diagnostic n'est pas établi par les pièces du dossier ;

7. Considérant que M. F...-B..., né le 14 décembre 1989, a été opéré d'une sténose du pylore le 20 janvier 1990 ; qu'il soutient, ainsi que sa mère, que son enfance a été marquée par des douleurs abdominales ainsi que par des troubles digestifs chroniques ; qu'il résulte du rapport de l'expertise judiciaire qu'un examen radiologique avec opacification, en l'espèce, un transit oeso-gastro-duodénal baryté (TOGD), sans recherche de reflux gastro-oesophagien associé, a été effectué au centre hospitalier de Manosque le 19 janvier 1990 à la demande du pédiatre traitant de M. F...-B... qui souffrait à l'âge de cinq semaines de vomissements importants ; que le rapport judiciaire précise que le pédiatre traitant de M. F...-B... a, à la suite de cet examen TOGD, adressé l'enfant le jour même au centre hospitalier d'Aix-en-Provence " pour aspiration gastrique et mise en condition avant chirurgie " en raison d'un " problème pylorique " où une intervention pour sténose du pylore a été réalisée le lendemain ; qu'il résulte également de ce rapport judiciaire, qu'un reflux gastro-oesophagien a été diagnostiqué en février 2003 après avoir été évoqué pour la première fois en 2001 ; que si l'expert judiciaire a précisé que les troubles dont a souffert A...pendant son enfance étaient la conséquence directe d'un reflux gastro-oesophagien méconnu pendant treize ans compliqué d'une oesophagite en qualifiant ce retard de diagnostic de "regrettable", d'une part, l'endoscopie réalisée le 8 novembre 1999 à l'hôpital de la Timone n'avait permis, à cette date, de révéler ni reflux gastro-oesophagien, ni oesophagite et, d'autre part, il ne résulte ni du rapport judiciaire, ni des autres pièces médicales versées au dossier, qu'un manquement fautif dans la prise en charge de M. F...-B... puisse être imputé au centre hospitalier d'Aix-en-Provence entre 1990 et 2003 ; que, contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, il ne saurait être reproché au centre hospitalier d'Aix-en-Provence, au vu des pièces soumises aux débats, de ne pas avoir procédé " à un examen exploratoire appelé transit oeso-gastro duodénale " dès lors qu'il résulte clairement des éléments expertaux que la veille de son admission, cet examen avait été réalisé au centre hospitalier de Manosque à la demande du médecin traitant de M. F...-B... et qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que cet examen a été réalisé dans des conditions telles qu'elles auraient nécessité le recours à un nouvel examen ; que, d'autre part, si l'expert judiciaire a relevé que le reflux gastro-oesophagien est parfois associé à la sténose du pylore et a affirmé que le " TOGD doit donc toujours faire une étude de la fonction oeso-cardio-tubérositaire " et que, " dans le cas deA..., le compte-rendu du TOGD initial à 5 semaines de vie n'évoque pas la recherche de RGO " (reflux gastro-oesophagien), ces constatations médicales, non étayées par de la littérature médicale applicable à la date des faits litigieux, ne permettent cependant pas, à elles seules, de retenir à l'encontre du centre hospitalier un quelconque manquement à une obligation de moyens dans la prise en charge de M. F...-B... ayant privé ce dernier d'une chance de voir le bon diagnostic posé ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'après son hospitalisation du 19 au 24 janvier 1990, hormis une visite de contrôle effectuée le 31 janvier suivant et une admission du 10 au 13 mars 1997 pour y subir une appendicectomie, M. F...-B... a fait l'objet d'un suivi particulier dans cet établissement de soins au cours de cette période de sept années pour des troubles gastriques persistants ; que si les consorts F...-B... font valoir qu'ils ont consulté, à de nombreuses reprises, différents praticiens pour des troubles gastriques récurrents et persistants, il est constant, d'une part, que l'endoscopie réalisée le 8 novembre 1999 par un pédiatre gastro-entérologue à l'hôpital de la Timone n'a permis de révéler ni reflux gastro-oesophagien, ni oesophagite et, d'autre part, que l'expert judiciaire, qui a examiné le carnet de santé de l'enfant, a relevé que la courbe de croissance de l'enfant était normale à partir des bases du carnet de santé nonobstant l'indication de difficultés alimentaires et d'un poids minimal de l'enfant par le pédiatre scolaire ; que, par ailleurs, les annotations reportées sur le carnet de santé entre le 4 avril 1990 et le 13 novembre 1995 par les différents médecins ayant eu à examiner M. F...-B... ne font aucunement référence à l'existence de troubles chroniques digestifs ; que les attestations versées par les consorts F...-B..., rédigées en 2008 et en 2009, ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments médicaux annotés dans le carnet de santé tels ceux notamment " Examen normal ", " Développement normal " et " Bon développement " reportés manuscritement aux pages " Examen au cours de 5 à 9 mois ", " Examen au cours de 10 à 24 mois " et " Autres examens de 3 à 5 ans " sans que, par ailleurs, les cases réservées aux " troubles de l'alimentation " à l'issue de l'examen réalisé le 8 septembre 1990, au cours du 9ème mois et à l'issue de celui réalisé le 19 décembre 1991 au cours du 24ème mois de l'enfant ne soient cochées ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu, au... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile de recourir à une mesure d'expertise, que le centre hospitalier d'Aix-en-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer les sommes de 80 000 euros et 10 000 euros aux consorts F...-B... en réparation des conséquences dommageables de l'absence de réalisation d'examen exploratoire ; qu'en revanche, les consorts F...-B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions tendant à être indemnisés des conséquences dommageables qu'ils imputent à l'intervention réalisée le 20 janvier 1990 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ;

10. Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnances en date du 31 mars 2008 et du 15 octobre 2008 aux sommes respectives de 1 970 euros et de 2 500 euros, à la charge définitive des consorts F...-B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Aix-en-Provence, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les consorts F...-B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0902729 du 12 avril 2011 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 970 euros et de 2 500 euros sont mis à la charge définitive des consorts F...-B....

Article 3 : Les conclusions présentées par les consorts F...-B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Aix-en-Provence, à M. A...F...-B..., à Mme E...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence.

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