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11/02/2014 | FRANCE | N°12MA01420

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 février 2014, 12MA01420


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012, présentée pour la SARL L'îIot, agissant par son gérant en exercice et dont le siège est boulevard Maréchal Juin à Saint-Laurent-du-Var (06700), par Me B... ;

La SARL L'îlot demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805494 du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité de 246 488 euros ;

2°) de condamner la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité de 181 945,28 e

uros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet la somme de 3 000...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012, présentée pour la SARL L'îIot, agissant par son gérant en exercice et dont le siège est boulevard Maréchal Juin à Saint-Laurent-du-Var (06700), par Me B... ;

La SARL L'îlot demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805494 du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité de 246 488 euros ;

2°) de condamner la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité de 181 945,28 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la commune de Villeneuve-Loubet ;

1. Considérant que la SARL L'îlot demande à la Cour d'annuler le jugement du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité de 246 488 euros ; que, sur appel incident, la commune de Villeneuve-Loubet demande à la Cour de dire que la convention du 20 juin 1982, n'étant pas un acte faisant grief, ne peut être considérée comme nulle ; qu'elle demande également la suppression de passages de la requête, selon elle, injurieux et diffamatoires ;

Sur l'appel principal de la SARL L'îlot :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

2. Considérant que la SARL L'îlot se prévaut de fautes qu'aurait commises la commune de Villeneuve-Loubet dans la conclusion d'un contrat de concession de plage du 20 juin 1982 dont elle aurait bénéficié, puis de fautes commises dans l'exécution de cette convention, enfin de différentes fautes étrangères aux relations contractuelles entre elle et la commune ;

S'agissant des fautes dans la conclusion de la concession de plage du 20 juin 1982 :

3. Considérant, en premier lieu, que la SARL L'îlot soutient que la commune de Villeneuve-Loubet aurait commis une faute en signant avec elle un contrat de concession de plage entaché de nullité ; qu'en défense, la commune de Villeneuve-Loubet conteste la valeur contractuelle du document dont se prévaut la société requérante, lequel, selon elle, ne serait qu'une convention-type dépourvue de force juridique ;

4. Considérant que la SARL L'îlot produit la copie d'un contrat dénommé " concession des plages naturelles ", désignant comme parties la commune de Villeneuve-Loubet d'une part et la SARL L'îlot d'autre part, daté du 20 juin 1982 et comportant, outre le tampon de la commune, la signature de son maire ; que la commune ne soutient pas que ce document serait un faux, ni ne fournit d'explication de nature à démontrer que cet acte n'aurait pas été de nature à faire naître une relation contractuelle entre elle et la société requérante ; que la circonstance que, dans un courrier du 19 juillet 1996, la direction départementale de l'Equipement des Alpes-Maritimes ait indiqué à la commune n'avoir trouvé aucun original de ce contrat dans les archives du service ayant en charge la mise au point et l'approbation des conventions comportant occupation du domaine public maritime, ne saurait suffire à priver l'acte dont se prévaut la SARL L'îlot, et qui est signé par le maire de la commune de Villeneuve-Loubet, de toute valeur contractuelle ; que la SARL L'îlot produit d'ailleurs une lettre en date du 22 juin 2002 dans laquelle l'adjoint au maire délégué à l'urbanisme de Villeneuve-Loubet a reconnu l'existence et l'applicabilité entre les parties de cette convention ; que, dans ces circonstances, la commune de Villeneuve-Loubet n'est pas fondée à soutenir que le contrat du 20 juin 1982 serait un contrat-type dépourvu de valeur contractuelle ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat du 20 juin 1982 a eu pour objet de concéder à la SARL L'îlot non seulement 500 m2 de plage située sur le domaine public maritime, mais également une " concession terrestre " de 600 m2 avec " terrains attenants " ; qu'il est constant que cette " concession terrestre " excédait les droits que la commune détenait elle-même de la concession que l'Etat lui avait accordée sur la plage de Pierre au Tambour et qui portait uniquement sur le domaine public maritime ; qu'eu égard au caractère illicite du contenu du contrat et à la nature indivisible de cette clause, la SARL L'îlot est fondée à soutenir que la concession du 20 juin 1982 dont elle était titulaire, est entachée de nullité ;

6. Considérant qu'en signant une convention entachée de nullité, la commune de Villeneuve-Loubet a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

7. Considérant, en second lieu, que si la SARL L'îlot fait état de manoeuvres dolosives de la part de la commune dans la conclusion de la concession du 20 juin 1982, elle n'apporte aucune précision sur la nature de ces manoeuvres ; qu'elle n'établit pas, par suite, que la commune aurait commis, antérieurement à la signature du contrat, des agissements fautifs de nature à engager sa responsabilité ;

S'agissant des fautes dans l'exécution de la concession de plage du 20 juin 1982 :

8. Considérant que, comme il a été dit au point 5., la concession du 20 juin 1982 est entachée de nullité et n'a pu faire naître entre les parties aucun droit ni aucune obligation ; que, par suite, la commune n'a pas commis de faute en s'abstenant de mettre fin aux relations contractuelles, que ce soit par une mesure de résiliation ou par une décision de non-renouvellement ;

S'agissant des autres fautes invoquées :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 2 avril 1992, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reconnu l'ancien gérant et le gérant actuel de la SARL L'îlot coupables d'avoir édifié, sur les dépendances du domaine public visées dans la concession du 20 juin 1982, une construction abritant un restaurant de plage, sans permis de construire ; qu'elle a condamné les deux prévenus à une peine d'amende et a ordonné la démolition de l'ouvrage irrégulièrement construit dans le délai d'un mois ; que, le 3 mars 1993, la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel en tant qu'elle avait condamné le gérant actuel de la SARL L'îlot mais a maintenu toutes autres dispositions de l'arrêt ; que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence étant devenu définitif en tant qu'il ordonnait la démolition de l'ouvrage et eu égard à l'inertie de la SARL L'îlot, les services de la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes ont fait procéder d'office à la démolition du restaurant le 1er juillet 1993, ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'exécution produit par la commune de Villeneuve-Loubet ;

10. Considérant que la SARL L'îlot soutient, en premier lieu, que la commune aurait commis une faute en la poursuivant devant les juridictions pénales pour contravention de voirie routière, alors que la construction litigieuse était située sur le domaine public maritime ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les poursuites pénales engagées à l'encontre des gérants de la société requérantes n'ont pas eu pour objet de réprimer une atteinte au domaine public routier, mais l'édification d'une construction sans permis de construire et en violation des arrêtés d'interruption des travaux, sur le fondement des articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme ; qu'en outre, les poursuites ont été exercées par le procureur de la République ; que, dès lors, la faute alléguée n'est pas établie ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que la démolition d'office du restaurant, qui avait été ordonnée par l'arrêt devenu définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a été requise par le directeur départemental de l'équipement des Alpes-Maritimes agissant pour le compte de l'Etat dès lors qu'était en cause une dépendance du domaine public maritime ; que la société requérante n'établit pas, ni même n'allègue avoir déposé, dans le délai qui lui avait été imparti par l'arrêt du 2 avril 1992, une demande de permis de construire en vue de régulariser la situation de la construction ; que, par suite, la SARL L'îlot n'est pas fondée à soutenir que la commune de Villeneuve-Loubet aurait commis une faute en faisant procéder à cette démolition, sans lui laisser de délai de régularisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les services de l'équipement soient intervenus sur sollicitation du maire de Villeneuve-Loubet et sur la foi de fausses déclarations de la part de ce dernier ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, si la SARL L'îlot invoque une faute de la commune dans la survenance des dégradations subies par son établissement, elle ne produit aucune pièce de nature à démontrer que ces dégradations, dont elle ne précise ni la nature ni la date exacte, auraient été le fait d'agents communaux, comme elle le prétend ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL L'îlot est fondée à demander réparation uniquement de la faute commise par la commune résultant de la signature de la concession de plage du 20 juin 1982 entachée de nullité ;

En ce qui concerne le préjudice :

14. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; qu'en outre, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice ;

15. Considérant que la SARL L'îlot demande le versement de la somme de 691 856 francs au titre des dégradations subies par son établissement mais correspondant, selon le " rapport d'expertise " qu'elle produit, aux pertes d'exploitation qu'elle aurait subie de 1990 à 1992 ;

16. Considérant, d'une part, qu'à supposer que la société requérante ait entendu obtenir réparation des dégâts subis par son restaurant, le préjudice invoqué est sans lien de causalité avec la faute en litige, ayant consisté à signer une convention de plage entachée de nullité ;

17. Considérant, d'autre part, qu'à supposer que la société requérante ait entendu être indemnisée de ses pertes d'exploitation au cours des années 1990 à 1992, il résulte de l'instruction que la concession de plage a été conclue pour une durée de 15 ans, courant jusqu'au 20 juin 1997 ; qu'elle autorisait la SARL L'îlot à installer sur le domaine public maritime, durant la saison balnéaire, des équipements de plage démontables ; que la redevance s'élevait à la somme de 15 000 francs par an ; qu'il n'est pas contesté, cependant, que la société requérante n'a pas acquitté cette redevance depuis 1984 ; qu'il résulte en outre de l'instruction, comme il a été dit au point 9., qu'elle a édifié illégalement, dès le mois d'avril 1989, à l'emplacement de sa concession, une construction destinée à recevoir un établissement de restauration, d'alimentation et de location d'articles de plage ; qu'elle a ensuite donné à bail le fonds de commerce ainsi créé à un locataire gérant ; que, notamment, un bail a été signé à cet effet le 1er mai 1993 ; que la construction n'a été détruite que le 1er juillet 1993 ; que, dans ces circonstances, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait subi une perte d'exploitation au cours des années 1990 à 1992 du fait de la nullité de la concession du 20 juin 1982 ;

18. Considérant enfin que la SARL L'îlot n'établit pas davantage que la nullité de la concession lui a causé un préjudice moral alors qu'elle-même n'a pas respecté les termes de la convention signée avec la commune ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale soulevées par la commune de Villeneuve-Loubet, que la SARL L'îlot n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur l'appel incident de la commune de Villeneuve-Loubet :

20. Considérant que l'appel incident formé par la SARL L'îlot ne tend pas à remettre en cause la décision prise par le tribunal administratif de Nice mais se borne à critiquer les motifs du jugement du 28 février 2012 ; qu'il est, par suite, irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à la suppression des passages injurieux et diffamatoires :

21. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers " ;

22. Considérant que le passage de la requête introductive d'instance du 12 avril 2012 présentée par la SARL L'îlot commençant, à la page 12, par les termes " ces faits démontrent " et finissant par les termes " viole systématiquement la loi " et l'expression " prise illégale d'intérêt ", dans le dernier paragraphe de la page 12, présentent un caractère diffamatoire pour la commune de Villeneuve-Loubet ; que, dès lors, il y a lieu d'en ordonner la suppression ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL L'îlot demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée au même titre par la commune de Villeneuve-Loubet ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL L'îlot est rejetée.

Article 2 : Le passage de la requête introductive d'instance d'instance du 12 avril 2012 présentée par la SARL L'îlot commençant, à la page 12, par les termes " ces faits démontrent " et finissant par les termes " viole systématiquement la loi " et l'expression " prise illégale d'intérêt ", dans le dernier paragraphe de la page 12, sont supprimés.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de la commune de Villeneuve-Loubet est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'îlot et à la commune de Villeneuve-Loubet.

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N° 12MA01420

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01420
Date de la décision : 11/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Nullité.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : TOBELEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-11;12ma01420 ?
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