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30/01/2014 | FRANCE | N°11MA03439

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 janvier 2014, 11MA03439


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour M. A... B..., demeurant au.... C - Appt 5 à Montpellier (34070), par Me Ruffel ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905009 du 24 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 19 111,96 euros en réparation des fautes commises par l'administration du fait de son éloignement du territoire le 21 septembre 2007 et du retard mis à lui délivrer un visa de conjoint de français ;

2°) de condamner

l'Etat à lui verser une somme de 24 111,96 euros en réparation de ses préjud...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour M. A... B..., demeurant au.... C - Appt 5 à Montpellier (34070), par Me Ruffel ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905009 du 24 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 19 111,96 euros en réparation des fautes commises par l'administration du fait de son éloignement du territoire le 21 septembre 2007 et du retard mis à lui délivrer un visa de conjoint de français ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 24 111,96 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 196 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à la SCP Dessalces Ruffel en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, a sollicité, le 26 octobre 2006, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par arrêté du 13 février 2007, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que M. B... n'ayant pas déféré à cette obligation dans le délai qui lui était imparti à cette fin, cette mesure a été mise à exécution et M. B...éloigné à destination du Maroc le 21 septembre 2007 ; que, par un arrêt du 9 septembre 2008 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'arrêté du 13 février 2007 au motif que, son signataire n'étant pas identifiable, les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 avaient été méconnues ; que M. B...relève appel du jugement du 24 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant des fautes commises par les services de l'Etat à l'occasion de la mise à exécution de la mesure d'éloignement et de l'instruction de sa demande de visa ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ; qu'il résulte de ce dernier texte que l'autorité compétente pour accorder ou pour refuser le visa à un conjoint de ressortissant français séjournant avec lui depuis plus de six mois en France est l'autorité préfectorale ; que si dans le cadre de l'examen de cette demande, le préfet peut saisir pour avis les autorités consulaires intéressées, il n'y est pas tenu ; que ces dispositions législatives ouvrent la possibilité à un étranger qui est entré régulièrement en France et qui a épousé en France un ressortissant français de présenter au préfet une demande de visa de long séjour, sans avoir à retourner à cette fin dans son pays d'origine, à condition d'avoir séjourné en France plus de six mois avec son conjoint ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions, que la durée de six mois de vie commune avec le conjoint français qu'elles exigent s'apprécie quelle que soit la date du mariage ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'arrêté du 13 février 2007, M. B...a sollicité, notamment en mars 2007, la délivrance du visa mentionné à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de l'Hérault, estimant sa demande irrecevable, s'est abstenu de l'instruire et d'y donner suite ;

4. Considérant toutefois que si le préfet de l'Hérault persiste à soutenir que M. B...ne justifie pas d'une entrée régulière en France, l'intéressé a produit pour la première fois en appel, comme il l'avait fait devant le juge des référés du Conseil d'Etat, la copie de son visa de court séjour avec un tampon d'entrée le 16 août 1992 durant la période de validité de ce visa ; qu'il démontre ainsi satisfaire à la condition d'entrée régulière en France, puisqu'il soutient sans être contesté ne plus avoir quitté le sol national depuis cette date et que le préfet ne soutient pas avoir mis à exécution de précédentes mesures d'éloignement ;

5. Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contesté que M.B..., qui s'est marié le 26 novembre 2006 remplissait, à la date à laquelle le préfet s'est abstenu de donner suite à sa demande de visa et, en toute hypothèse, à la date de mise à exécution de la mesure d'éloignement, la condition d'ancienneté de la vie commune avec son épouse ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...était, à la date à laquelle a été mise à exécution la mesure d'éloignement, en droit de se voir attribuer de plein droit le titre de séjour prévu par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette circonstance faisait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet ; que la mise à exécution de cette mesure est, dans ce contexte, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fautes invoquées par M.B..., de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les pertes de revenu :

7. Considérant que M. B...produit une promesse d'embauche datée du 15 février 2007 en qualité d'ouvrier en bâtiment et maçonnerie générale pour un salaire mensuel net de 1 300 euros ; que M. B... a d'ailleurs été interpellé alors qu'il travaillait sur un chantier ; qu'il établit ainsi avoir perdu une chance sérieuse de travailler, non pas dès le mois d'août 2007, puisqu'il résulte de l'instruction qu'il exerçait au moment de son interpellation une activité non déclarée, mais entre le 21 septembre 2007, date d'exécution de la mesure d'éloignement, et le 28 mai 2008, date de son retour en France ; que dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... ait exercé une activité non déclarée ou trouvé d'autres sources du subsistance, il y a lieu d'évaluer le montant des revenus dont il a été ainsi indûment privé à la somme de 10 400 euros ;

En ce qui concerne les billets d'avion :

8. Considérant que M. B...est fondé à demander l'indemnisation des frais de transport qu'il a exposés pour revenir sur le sol français, qu'il évalue à la somme de 205 euros, qui sont directement imputables à la mesure d'éloignement illégal dont il a fait l'objet ; que si le préfet faisait valoir que ses prétentions ne sont pas assorties de justifications il est constant que M. B...est rentré en France dès qu'il a été muni d'un visa de long séjour ; que la circonstance qu'il n'ait pas versé aux débats le titre de transport permettant ce retour ne saurait, en l'espèce, faire obstacle à l'indemnisation sollicitée, alors que les prétentions de l'appelant sur ce point n'apparaissent pas excessives ;

9. Considérant que M. B...demande également le remboursement des frais de transport aller-retour exposés par son épouse pour être à ses côtés durant une partie de sa grossesse ; que le préfet de l'Hérault a également fait valoir, devant les premiers juges, que ces frais n'étaient pas assortis de justification ; que s'il est versé aux débats, sous l'indication " coût d'un aller-retour Paris-Marrakech ", le reflet d'une réservation de billet d'avion, il n'est pas établi que l'épouse de M. B...s'est effectivement rendue au Maroc comme le soutient l'intéressé, ni qu'il ait supporté le coût de ce transport ; qu'ainsi, à supposer même que ces frais puissent être regardés comme découlant directement de la mesure d'éloignement illégal dont l'intéressé a fait l'objet, ce dernier n'apporte pas de justification suffisante pour en obtenir la réparation ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

10. Considérant que la mise à exécution fautive de la mesure d'éloignement dont M. B... a fait l'objet l'a tenu éloigné du territoire durant huit mois et a entraîné une séparation durable d'avec son épouse française, alors que cette dernière était enceinte ; que M. B...était au Maroc au moment de la naissance de leur fille ; que dans les circonstances de l'espèce, la réparation du préjudice moral directement imputable aux manquements de l'administration doit être arrêtée à la somme de 3 000 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. Si, à l'issue du délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. " ;

14. Considérant que, par application de ces dispositions, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de M.B..., renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle s'il recouvre cette somme, il y a lieu de condamner l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, à verser audit avocat une somme de 1 196 euros au titre des frais exposés qu'il aurait réclamés au requérant si celui-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 juin 2011 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 13 605 (treize mille six cent cinq) euros.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle s'il recouvre cette somme, la somme de 1 196 (mille cent quatre vingt seize) euros, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur, au ministre des affaires étrangères et au préfet de l'Hérault.

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