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30/01/2014 | FRANCE | N°11MA02435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 janvier 2014, 11MA02435


Vu I°), sous le n° 11MA02435, la requête, enregistrée le 24 juin 2011, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par MeG... ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il ne lui donne pas entièrement satisfaction, le jugement n° 0703129 du 3 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM), substitué à l'Etablissement français du sang (EFS) lui verse la somme de 30

5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa deman...

Vu I°), sous le n° 11MA02435, la requête, enregistrée le 24 juin 2011, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par MeG... ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il ne lui donne pas entièrement satisfaction, le jugement n° 0703129 du 3 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM), substitué à l'Etablissement français du sang (EFS) lui verse la somme de 305 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable notifiée le 22 janvier 2007, en réparation de son préjudice consécutif à sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2011, présenté par le ministre de la défense, qui conclut à la confirmation du jugement ;

...........................

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 2 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2013, présenté pour l'ONIAM, par Me de la Grange, qui conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a déclaré l'ONIAM responsable de la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C et à l'annulation de l'article 2 du jugement le condamnant à verser à M. D...une somme de 15 000 euros et au rejet des conclusions de M.D... ;

.............................

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2013, présenté pour l'Établissement français du sang par MeB..., qui conclut au rejet de toutes demandes qui tendraient à sa condamnation et demande à la Cour de dire que l'ONIAM lui est substitué et répond seul des conséquences dommageables de la contamination de M.D... ;

............................

Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2013, présenté pour M. D..., qui conclut au rejet des conclusions incidentes de l'ONIAM et maintient le surplus de ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 2013 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'en persistant à mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, caisse de sécurité sociale dont il avait été porté à sa connaissance qu'elle n'était pas celle du demandeur, et en s'abstenant de procéder aux diligences nécessaires pour communiquer la procédure à l'organisme social auquel était affilié M. D..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour M. D..., qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

...........................

Vu le mémoire enregistré le 26 novembre 2013, présenté pour le ministre de la défense, qui indique qu'il n'est pas en mesure de faire connaître à la Cour le montant global des arrérages de la pension d'invalidité versée à M.D... ;

Vu le mémoire enregistré le 5 décembre 2013, présenté pour M.D..., portant communication de pièces ;

Vu II°), sous le n° 11MA02537, la requête, enregistrée le 1er juillet 2011, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, dont le siège est Tour Gallieni 2 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me de la Grange ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0703129 du 3 mai 2011 en ce qu'il l'a déclaré responsable de la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C,

2°) d'annuler l'article 2 du jugement le condamnant à verser à M. D...une somme de 15 000 euros,

3°) de rejeter les conclusions de M.D... ;

.............................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2011, présenté par le ministre de la défense, qui conclut à la confirmation du jugement ;

Il soutient qu'il a été définitivement mis hors de cause, n'a été attrait à la procédure qu'en tant qu'ancien employeur de la victime, pour faire valoir sa créance et que l'argumentation développée par l'ONIAM ne le met nullement en cause ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 2 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2013, présenté pour l'ONIAM, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2013, présenté pour l'Établissement français du sang par MeB..., qui conclut au rejet de toutes demandes qui tendraient à sa condamnation et demande à la Cour de dire que l'ONIAM lui est substitué et répond seul des conséquences dommageables de la contamination de M.D... ;

.............................

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2013, présenté pour M. D... qui conclut au rejet de la requête de l'ONIAM, à l'annulation du jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 15 000 euros et à ce qu'il soit fait entièrement droit à ses prétentions de première instance ;

...........................

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'en persistant à mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, caisse de sécurité sociale dont il avait été porté à sa connaissance qu'elle n'était pas celle du demandeur, et en s'abstenant de procéder aux diligences nécessaires pour communiquer la procédure à l'organisme social auquel était affilié M. D..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour M. D..., qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

.................................

Vu le mémoire enregistré le 26 novembre 2013, présenté pour le ministre de la défense, qui indique qu'il n'est pas en mesure de faire connaître à la Cour le montant global des arrérages de la pension d'invalidité versée à M.D... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me F...du cabinet G...pour M. D...et de Me B... de la SELARL Campocasso pour l'établissement français du sang ;

1. Considérant que les requêtes n° 11MA02435 présentée pour M. D..., et n° 11MA02537 présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par jugement du 3 mai 2011, le tribunal administratif de Marseille, après avoir mis l'Etablissement français du sang hors de cause, a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 15 000 euros, à verser à M.D..., et une somme de 2 667 euros à verser à l'Etat en réparation des préjudices résultant de la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C ; que, sous le n° 11MA02435, M. D...relève appel de cet arrêt en estimant que ces préjudices n'ont pas été suffisamment réparés, l'ONIAM présentant des conclusions incidentes limitées aux sommes versées à M.D... ; que sous le n° 11MA02537, l'ONIAM demande l'annulation de la partie du jugement mettant l'Etablissement français du sang hors de cause et le condamnant à indemniser M.D... ; que l'Etat se borne à demander la confirmation du jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens des parties ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'assuré social ou son ayant-droit qui demande en justice la réparation d'un préjudice qu'il impute à un tiers doit indiquer sa qualité d'assuré social ; que cette obligation, sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ;

4. Considérant que l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 a, en son paragraphe I, introduit dans le code de la santé publique l'article L. 1221-14, confiant à l'ONIAM, en lieu et place de l'EFS, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par des transfusion de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang d'origine transfusionnelle, et, en son paragraphe IV, prévu que : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. (...) " ; que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 à la même date que le décret du 11 mars 2010 pris pour leur application ;

5. Considérant que si le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale de sorte que les caisses de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 ne peuvent désormais exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il résulte des dispositions du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 selon lesquelles l'ONIAM se substitue à l'EFS dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14, en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, que le législateur a entendu, dans ces procédures, substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; qu'il en résulte, s'agissant des dossiers en cours le 1er juin 2010 et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, d'une part, que les tiers payeurs peuvent exercer le recours subrogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, d'autre part, que le juge demeure tenu de les mettre en cause ;

6. Considérant que si, devant le tribunal administratif de Marseille, M. D...a indiqué relever de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence à qui la procédure de première instance a été communiquée, cet organisme a, dès réception de la procédure, indiqué que M. D...ne relevait pas de ses services ; que la qualité de gendarme de M.D..., d'une part, et le courrier de l'organisme social initialement mis en cause, d'autre part, auraient dû inciter les premiers juges à reconsidérer leur instruction initiale et à procéder, au moins auprès de M.D..., aux investigations nécessaires pour mettre en cause l'organisme social dont dépendait ce dernier, alors même qu'il leur avait donné sur ce point une information inexacte ; qu'en persistant à mettre en cause une caisse de sécurité sociale dont il avait été porté à sa connaissance qu'elle n'était pas celle du demandeur et en s'abstenant de procéder aux diligences nécessaires pour communiquer la procédure à l'organisme social auquel était affilié M. D..., le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que sa décision doit ainsi, dans la limite de la contestation soumise à la Cour, être annulée ; que, la procédure ayant été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, il y a lieu pour la Cour d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D...et, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

Sur la personne publique tenue à la réparation :

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, l'entrée en vigueur le 1er juin 2010 de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique confie à l'ONIAM, en lieu et place de l'Etablissement français du sang, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par des transfusions de produits sanguins ; qu'ainsi que le font valoir tant l'ONIAM que l'Etablissement français du sang, l'ONIAM intervient dans ce cadre non en qualité d'auteur responsable mais bien au titre de la solidarité nationale, l'Etablissement français du sang conservant sa qualité de responsable du dommage, l'ONIAM lui étant simplement substitué dans les contentieux en cours ; que ces parties sont donc fondées à soutenir que la mise hors de cause de l'Etablissement français du sang prononcée par le tribunal reposait sur des motifs erronés en droit ;

Sur l'origine de la contamination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

9. Considérant que, le 14 octobre 1988, M. D...a été victime d'un grave accident de la circulation ; qu'il résulte de la fiche transfusionnelle et de l'enquête post-transfusionnelle analysées par l'expert que, dans le cadre de sa prise en charge à l'hôpital d'instruction des armées Laveran à Marseille, le requérant a bénéficié de la transfusion de neuf poches de sang entre le 24 et le 27 octobre 1988 ; qu'ainsi, la matérialité des transfusions sanguines subies par M. D...est établie ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué que M. D... aurait été exposé à d'autres facteurs de contamination ; que l'enquête post-transfusionnelle a établi la contamination par le virus de l'hépatite C de l'une des neuf poches de sang administrées à l'intéressé ; que compte tenu de ces éléments, le caractère transfusionnel de sa contamination doit être regardé comme établi, ce qui, d'ailleurs, n'est pas sérieusement contesté ;

Sur la réparation :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un jugement du tribunal de grande instance de Digne en date du 20 janvier 1994 a condamné in solidum M. A...E..., responsable de l'accident de la circulation dont a été victime M.D..., et son assureur, la Matmut, à payer à l'intéressé la somme de 462 831,28 francs, provision déduite, en réparation de son préjudice corporel et la somme de 5 000 francs en réparation de son préjudice matériel ; que M. D...fait valoir, à l'appui de ses prétentions indemnitaires, que ce jugement n'a pas réparé les souffrances morales liées à la contamination et que son préjudice d'agrément se serait aggravé ultérieurement de même que l'incapacité permanente liée à cette contamination ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert désigné par ordonnance du tribunal de grande instance de Digne en date du 11 janvier 1990 avec pour mission d'évaluer le dommage corporel de M. D...a examiné l'intéressé à trois reprises, les 13 avril 1990, 24 mai 1991 et 16 avril 1993 ; qu'à la suite de l'examen du 24 mai 1991, l'expert, évoquant la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C et le caractère évolutif de cette affection indiquait : " cette nouvelle lésion est un élément nouveau extrêmement important. En effet le Dr Klotz évoque l'éventualité d'un taux d'invalidité pour cette seule lésion à 40 %. Il est sage d'attendre plusieurs mois (...) " ; qu'il n'a rendu son rapport définitif qu'en avril 1993, postérieurement aux deux cures d'Interféron puis d'interféron et ribavirine effectuées par M. D... en 1991 et 1992 ; que les conclusions de ce rapport, qui retient une incapacité permanente partielle globale de 60 % et des souffrances endurées évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7 et une date de consolidation au 22 avril 1993 y compris s'agissant de l'atteinte hépatique, ont intégré, dans l'évaluation du dommage corporel, les conséquences de la contamination transfusionnelle ; qu'il résulte du jugement rendu par le tribunal de grande instance au vu de ces conclusions que les conséquences de la contamination transfusionnelle ont été prises en compte dans la détermination des sommes allouées en réparation des préjudices subis par M. D...en ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent fixé à 60 %, les souffrances endurées évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice d'agrément ; que si M. D...invoque une dépression qui aurait débuté un an après l'arrêt du traitement par Interféron, soit au plus tard en 1993, antérieurement à la décision du tribunal de grande instance, il n'établit pas l'aggravation des préjudices imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C qui ont déjà été réparés par le jugement susmentionné du tribunal de grande instance de Digne ;

12. Considérant que M. D...est néanmoins fondé à soutenir que ce jugement ne l'a pas indemnisé d'une partie des troubles dans les conditions d'existence imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C, qu'il qualifie de " souffrances morales liées à la contamination " ;

13. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par arrêt de la cour administrative de Marseille du 9 juin 2005 que les examens visant en particulier à apprécier la qualité de la fonction hépatique sont sensiblement normaux et que l'ARN du virus est indétectable, l'expert ayant conclu à un résultat stable après traitement, sans aggravation depuis le certificat du professeur Klotz, justifiant le maintien de la date de consolidation initialement retenue au... ; que l'expert n'a toutefois pas utilisé le terme de guérison ; que M. D... se sait porteur de cette maladie évolutive depuis 1990, date du diagnostic de sa contamination par le VHC ; qu'il a subi un premier traitement en 1991 pendant six mois par interféron qui n'a pas permis sa guérison, puis un traitement par bithérapie interféron et ribavirine pendant six mois à compter en 1992 auquel il n'a pas davantage été répondeur ; que bien que son état soit stable, il a pu nourrir des craintes d'aggravation de son état et notamment de contracter des affections favorisées par la présence du virus ainsi que des perturbations dans sa vie ; qu'il vit dans l'inquiétude de l'évolution possible de sa maladie ; qu'au vu de ces éléments, M. D... a subi des troubles dans les conditions d'existence, en lien direct et exclusif avec sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, qui n'ont pas été réparés par le jugement du tribunal de grande instance de Digne, dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 15 000 euros, M. D...n'apportant aucun début d'explication aux modalités qu'il retient pour évaluer la réparation de ses préjudices à la somme de 305 000 euros et se bornant à indiquer qu'une indemnisation inférieure est insuffisante ;

14. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que M. D...perçoit depuis le 27 mars 1991 une pension militaire d'invalidité, dont le taux a été fixé à titre définitif le 25 mars 1998, en vertu de l'article L. 6 du code des pensions civiles et militaires, à 90 % à compter du 14 mars 1997 ; qu'il résulte de l'instruction que si, à hauteur de 50 %, ce taux correspond aux séquelles du traumatisme de la hanche, l'existence d'une hépatite chronique post transfusionnelle active a également été retenue ; qu'il ressort de la décision fixant ce taux définitif arrêté en application de la règle dite " de Balthazar " que le taux correspondant à cette contamination, correspond à l'application d'un taux de 30 % majoré d'un suffixe de 5 à la validité de 50 % restante après prise en compte des séquelles du traumatisme de la hanche, soit un taux de 17,5 % ; que ni le ministre de la défense ni M. D...n'ont été en mesure de déférer à invitation qui leur a été faite par la Cour de lui faire connaître le montant des arrérages de la pension militaire d'invalidité servis à M.D..., ce dernier ayant simplement versé aux débats un document faisant apparaître qu'il a perçu, au titre de la période du 19 juin 1989 au 31 août 1989, un rappel relatif à une " pension de guerre " d'un montant de 8 200 euros ; que, sur la base d'une valeur du point d'indice de 12 euros et d'un indice de pension de 745, correspondant, selon les dispositions de l'article L. 9 du code militaire des pensions d'invalidité, au taux de 90 %, que M. D...détient à tout le moins depuis le 14 mars 1997, le montant annuel de la pension perçue peut être estimé à 8 940 euros ; que, dès lors que M. D...perçoit cette pension depuis 16 ans et dix mois et demi (16,875 ans) à la date de lecture du présent arrêt, le montant des arrérages perçus depuis mars 1997 peut être estimé à la somme de 150 862 euros ;

15. Considérant qu'une pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que le titulaire d'une pension d'invalidité peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale ; que lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif ;

16. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la contamination ait entraîné des pertes de revenus, ni qu'elle ait eu une incidence sur la carrière professionnelle de l'intéressé ;

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 13, l'indemnisation liée à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales non réparée par le jugement du tribunal de grande instance doit être arrêtée à la somme de 15 000 euros ; que, même en faisant abstraction des arrérages futurs et des arrérages écoulés entre 1991 et mars 1997, M. D...a perçu, au moins depuis mars 1997, une pension militaire d'invalidité dont les arrérages peuvent être estimées, comme il l'a été indiqué au point 14, à la somme de 150 862 euros ; qu'il ressort de l'examen de la décision arrêtant le taux définitif de la pension d'invalidité octroyée à M. D... que l'invalidité consécutive à sa contamination transfusionnelle entre pour 19,87 % dans la détermination de ce taux ; qu'ainsi, les arrérages perçus par M. D...au titre de l'invalidité consécutive à sa contamination transfusionnelle s'élèvent à plus de 29 976 euros correspondant à 19,87 % du montant total des arrérages échus depuis mars 1997 ; qu'il en résulte que le préjudice imputable à cette contamination a été entièrement réparé par la pension militaire d'invalidité versée à M. D...au titre de sa contamination de l'hépatite C ; qu'il ne saurait, par suite, donner lieu à une indemnisation complémentaire ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'ONIAM à réparer les préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application en sa faveur des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et l'article 4, en tant qu'ils statuent sur les conclusions de M. D..., du jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 mai 2011 sont annulés.

Article 2 : La demande de M. D...et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de la défense, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et à l'Etablissement français du sang.

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N°11MA02435 - 11MA02537 2


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