Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour l'association ADAPEI AM, dont le siège est situé 179 avenue Sainte-Marguerite à Nice (06200), par Me C..., de la Selarl Sophia Legal Société d'avocats ;
L'association ADAPEI AM demande à la Cour :
1°) d'annuler en totalité le jugement n° 1103004 du 19 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice, sur demande de M.A..., a annulé la décision du 20 décembre 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la 5ème section des Alpes-Maritimes a autorisé le licenciement de l'intéressé pour motif disciplinaire ainsi que la décision du ministre du travail en date du 20 juin 2011 confirmant cette autorisation, et mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me C...pour l'association ADAPEI AM et de Me B...pour M.A... ;
1. Considérant que, par jugement du 19 octobre 2012, le tribunal administratif de Nice, saisi par M.A..., directeur du complexe Nice Ouest de l'association ADAPEI AM (association des amis et parents d'enfants handicapés des Alpes-Maritimes) depuis le 20 novembre 2004 et salarié protégé en sa qualité de conseiller prud'homme, a, d'une part, annulé la décision du 20 décembre 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la 5ème section des Alpes-Maritimes a autorisé le licenciement de l'intéressé pour motif disciplinaire ainsi que la décision du ministre du travail en date du 20 juin 2011 confirmant cette autorisation et, d'autre part, mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que l'association ADAPEI AM relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués en défense par l'association ADAPEI AM ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement fait état des plaintes des salariés relatives à leur souffrance au travail ; qu'il est suffisamment motivé alors même qu'il ne mentionne pas tous les courriers d'alerte émanant de la médecine du travail et de l'inspection du travail ; que, dès lors, l'association ADAPEI AM n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier ;
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; qu'aux termes de l'article L. 1152-5 du même code : " Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire " ; qu'aux termes de l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, applicable en l'espèce : " (...) Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association ADAPEI AM a sollicité le licenciement de M. A... pour faute grave ; qu'elle lui reproche, d'une part, d'avoir contribué à la dégradation des conditions de travail des personnels placés sous sa responsabilité et de ne pas avoir donné suite aux plaintes de plusieurs salariés, au point de porter atteinte à leur santé, et, d'autre part, d'avoir contesté le bien-fondé de cette dégradation et de ne pas avoir mis en oeuvre les directives de la direction générale visant à y remédier ; que, pour autoriser le licenciement de l'intéressé, l'inspectrice du travail a estimé que malgré les interventions de la direction générale de l'association visant à pallier l'absence de personnels, notamment comptable, et à réguler les relations sociales difficiles, M. A...n'a pas pris les décisions de gestion du personnel et d'organisation du travail propres à faire cesser les agissements de harcèlement moral au sein de ses équipes, la matérialité et la gravité des faits étant établie compte tenu de l'étendue de la délégation de pouvoirs et du niveau de responsabilités du salarié ainsi que des diverses alertes dont il avait été saisi émanant du personnel, de la médecine du travail et de l'inspection du travail ;
5. Considérant que la décision de l'inspectrice du travail est fondée sur des fautes de management ; qu'en admettant même qu'elle puisse être entendue comme ayant aussi imputé personnellement à M. A...des faits de harcèlement moral à l'encontre de salariés placés sous sa responsabilité, les dispositions de l'article L. 1152-5 du code du travail, si elles prévoient dans une telle hypothèse une sanction disciplinaire, n'impliquent pas nécessairement un licenciement pour faute grave ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 30 décembre 2010 de l'inspectrice du travail que celle-ci ne s'est pas prononcée sur l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur alors que l'article 33 précité de la convention collective subordonne à l'existence d'une telle faute le licenciement des salariés qui, comme M.A..., n'ont antérieurement fait l'objet d'aucune sanction ; que, dans ces conditions , l'inspectrice du travail a commis une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, lesquelles peuvent être utilement invoquées devant le juge administratif, et qui ne sont au demeurant pas visées ; que, par suite, la décision de l'inspectrice du travail ainsi que, par voie de conséquence, celle du ministre chargé du travail, qui se borne, dans son dispositif, à la confirmer, sont entachées d'illégalité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que l'association ADAPEI AM n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association ADAPEI AM le versement à M. A...de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'ADAPEI AM est rejetée.
Article 2 : L'ADAPEI AM versera à M. A...la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association ADAPEI AM, à M. D... A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 12MA04797
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