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19/12/2013 | FRANCE | N°12MA00060

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 12MA00060


Vu, enregistrée le 6 janvier 2012, la requête présentée pour M. B...D...et Mme C...D..., demeurant ... par Me Bonan, avocat ; M. et Mme D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901655-1105004 du 5 décembre 2011 du tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté leur demande tendant à déclarer l'Etat responsable des dommages subis par leur propriété et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 12 959,62 euros au titre des travaux de remise en état, celle de 2 000 euros au titre de la dépréciation de la valeur locative, celle de 2 475,52 euro

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Vu, enregistrée le 6 janvier 2012, la requête présentée pour M. B...D...et Mme C...D..., demeurant ... par Me Bonan, avocat ; M. et Mme D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901655-1105004 du 5 décembre 2011 du tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté leur demande tendant à déclarer l'Etat responsable des dommages subis par leur propriété et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 12 959,62 euros au titre des travaux de remise en état, celle de 2 000 euros au titre de la dépréciation de la valeur locative, celle de 2 475,52 euros au titre des frais de déménagement et celle de 3 518 euros au titre des frais d'hébergement pendant les travaux, lesquelles seront assorties des intérêts au taux légal ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 27 juin 2012, le mémoire présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ramener la demande indemnitaire des requérants à de plus justes proportions ;

.............................

Vu, enregistré le 13 juillet 2012, le mémoire présenté pour M. et Mme D...par Me Bonan, qui persistent dans leurs précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la route ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteur publique

- et les observations de Me A... substituant Me Bonan pour M. et Mme D...;

1. Considérant que M. et Mme D...sont propriétaires d'une villa de 80 m² environ située dans un ensemble immobilier dénommé " Domaine du Parc " sis 20 avenue Désiré Bianco, à Marseille dans le 11ème arrondissement ; qu'estimant que les travaux réalisés par l'Etat, à proximité de leur habitation, de construction de l'échangeur routier " Florian ", dans le cadre de la réalisation d'une future rocade de Marseille dite " rocade L2 ", avaient entrainé des désordres sur leur maison et ses abords, ils ont demandé au tribunal administratif de Marseille la réparation par l'Etat de leur préjudice ; que, par jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ; que les requérants ne peuvent pas utilement soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont exigé qu'ils rapportent la preuve d'un lien de causalité direct entre les désordres constatés sur leur villa et les travaux litigieux ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert, désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille à la demande des requérants, affirme dans son rapport du 13 octobre 2008 que les vibrations dues notamment au damage des terres lors du chantier situé à proximité immédiate de la villa des requérants, de 2005 à 2008, ont "révélé" les désordres constatés sur la propriété des appelants, compte tenu de la chronologie des faits déjà relatés auparavant par d'autres hommes de l'art intervenus dans ce litige ; qu'à cet effet, l'expert judiciaire cite un constat d'urgence réalisé par un autre expert, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille à la demande du préfet des Bouches-du-Rhône, sur l'ensemble des 10 villas du lotissement en avril 2005, avant le début d'exécution des travaux incriminés ; que cet expert affirmait dans son rapport déposé le 13 juin 2005 qu'à cette date, aucune fissure n'avait été relevée à l'intérieur de la maison des épouxD... ; que l'Etat ne fait état d'aucune mesure compensatoire qui aurait été prise durant ce chantier de grande ampleur de création de cette future rocade de contournement est de la ville de Marseille ; que, dans ces conditions, les requérants établissent que les fissures des murs extérieurs et intérieurs de leur villa, qu'ils ont achetée en 2003, résultent des travaux publics litigieux ; que ce dommage doit être regardé comme anormal et spécial ; que ce dommage est, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

4. Considérant toutefois que cet expert judiciaire affirme aussi dans son rapport du 13 octobre 2008 que la "construction (des épouxD...) présente des faiblesses constructives qui sont habituelles" et justifie ces désordres principalement, pour les fissures à l'extérieur de leur clôture et du garage, par l'absence de joints de dilatation et, pour les fissures intérieures, par l'hétérogénéité des matériaux utilisés pour la dalle et les cloisons ; que l'expert judiciaire reprend à son compte les conclusions du rapport de mai 2006 réalisé, pendant les travaux litigieux, par un expert diligenté par la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, assureur "dommages ouvrages" du constructeur dans le cadre de la garantie décennale, mandaté par le président de l'ASL du lotissement, en raison des fissures intérieures et extérieures constatées sur chacune des 10 maisons du lotissement, lequel expert affirme que les travaux litigieux ont concouru à l'aggravation des fissures précitées ; que, d'ailleurs, l'autre expert, dans le constat d'urgence réalisé avant le début des travaux, notait déjà un décollement du mur de clôture entourant la propriété des requérants, ainsi que la présence de fissures dans la cage d'escalier dans toutes les constructions du lotissement ; que, dans ces conditions, les faiblesses constructives structurelles de la villa des épouxD..., qui sont aussi pour partie à l'origine des désordres constatés, sont de nature à exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité ; que, compte tenu de l'ampleur et de la multiplicité des faiblesses de la construction des requérants, il sera fait une juste appréciation de l'influence de ce facteur sur le dommage des époux D...en exonérant l'Etat de sa responsabilité à hauteur de 80 % ;

Sur le préjudice subi par les époux D...:

5. Considérant, en premier lieu, que, s'agissant du coût total des travaux de remise en état de la villa, l'expert a chiffré ces travaux de réparation à la somme de 12 959,62 euros, à laquelle il convient de soustraire les frais d'un montant de 3 700 euros correspondant à la remise en état du mur fissuré de leur propriété, dont le décollement avait été signalé par l'expert en 2003, avant le début des travaux litigieux ; que le coût des travaux s'élève ainsi à la somme de 9 259,62 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, il y a lieu d'allouer aux requérants la somme de 1 851,92 euros pour ce chef de préjudice ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent invoquer une dépréciation de la valeur locative de leur villa, qu'au demeurant ils habitent, dès lors que la remise en état de leur propriété a donné lieu à une indemnisation ainsi qu'il vient d'être dit ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'expert n'estime pas nécessaire le déménagement de la famille D...pendant la durée d'un mois de remise en état de leur villa ; que, par suite, les frais de déménagement demandés par les requérants doivent être rejetés ; que, toutefois, les requérants établissent, par la production d'un certificat médical, que leur jeune enfant, qui souffre d'asthme, ne peut rester dans la maison pendant ces travaux générant beaucoup de poussière ; que, sur la base d'un devis de la résidence meublée " Les Citadines " de 3 518 euros pour un mois, il y a lieu d'allouer aux requérants, compte tenu du partage de responsabilité sus évoqué, la somme de 703,20 euros au titre de ce nécessaire hébergement ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux D...ont droit au versement d'une somme totale de 2 555,12 euros au titre du préjudice subi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande indemnitaire et à demander la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 2 555,12 euros ;

Sur les intérêts :

10. Considérant qu'il y a lieu d'allouer les intérêts au taux légal sur cette somme de 2 555,12 euros à compter du 13 mars 2009, date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie (...). " ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer la mise à la charge définitive à l'Etat des frais de l'expertise du 13 juin 2005, ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, taxés et liquidés à la somme de 12 129,50 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2005 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser aux époux D...la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 décembre 2011 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 555,12 (deux mille cinq cent cinquante cinq euros et douze centimes) aux époux D...en réparation de leur préjudice. Cette somme portera intérêts à compter du 13 mars 2009.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 (deux mille) euros aux époux D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme C...D...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,

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N° 12MA000602

MD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00060
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BONAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-12-19;12ma00060 ?
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