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10/12/2013 | FRANCE | N°12MA03909

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2013, 12MA03909


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2012, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me B... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103768 du 17 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 novembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Gemalto à le licencier, ensemble la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2011 ayant confirmé cette décision ;

2°) d'an

nuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 5...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2012, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me B... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103768 du 17 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 novembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Gemalto à le licencier, ensemble la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2011 ayant confirmé cette décision ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la Cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Evelyne Paix, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 7ème Chambre ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour M. C...,

- et les observations de MeE..., pour la société Gemalto ;

1. Considérant que, par un courrier en date du 5 octobre 2010, la SA Gemalto a demandé l'autorisation de licencier M. C..., exerçant les fonctions de chargé de sécurité et par ailleurs délégué du personnel suppléant et ancien membre titulaire du comité d'établissement ; que l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône lui a accordé cette autorisation le 24 novembre 2010 ; que, saisi sur recours hiérarchique formé le 20 décembre 2010 par M. C..., le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a confirmé cette décision ; que M. C... a contesté ces deux décisions devant le tribunal administratif de Marseille ; que, dans la présente instance, il défère à la Cour le jugement du 17 juillet 2012 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes d'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 2° Délégué du personnel ; 3° Membre élu du comité d'entreprise (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-5 du même code : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-8 dudit code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. L'ancien membre élu du comité d'entreprise ainsi que l'ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n'est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SA Gemalto a demandé l'autorisation de licencier M. C... pour avoir établi de fausses fiches d'inscription au nom d'autres salariés à des sorties en mer et activités de pêche organisées par une association dont il était président et d'avoir présenté de fausses factures pour obtenir indûment une prise en charge d'une partie du coût de la prestation par le comité d'établissement au titre de son action sociale et culturelle ; que ces faits ont été découverts à la suite de l'envoi d'un questionnaire à l'ensemble des salariés censés avoir bénéficié des prestations de l'association ; que les réponses des intéressés ont révélés que 103 personnes correspondant à 205 inscriptions n'avaient pas réellement participé aux activités ;

5. Considérant que M. C... soutient, en premier lieu, ne pas avoir eu communication, par l'inspecteur du travail, des réponses des salariés au questionnaire qui leur a été adressé ;

6. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête préalable à la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail, implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; que cette exigence n'impose pas à l'inspecteur du travail de communiquer spontanément et systématiquement ces pièces, pourvu qu'il informe suffisamment le salarié de la faculté qui lui est ouverte d'avoir accès à ces documents, le cas échéant en en demandant la communication ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

7. Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'inspecteur du travail n'a pas communiqué à M. C... les réponses des salariés au questionnaire ; qu'il n'est pas davantage établi qu'il ait informé le requérant de son droit d'en prendre connaissance avant de statuer sur la demande d'autorisation ; que si, s'agissant de déclarations d'autres salariés, l'inspecteur du travail pouvait se contenter d'informer M. C... de leur teneur, la décision contestée se borne à indiquer " que les faits commis par M. C... D...sont matériellement établis par les pièces du dossier présentées par la société Gemalto ", sans préciser la nature ni le contenu de ces pièces ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que la décision de l'inspecteur du travail est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ;

8. Considérant, cependant, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

9. Considérant que M. C... n'a jamais nié avoir commis les faits qui lui étaient reprochés au cours de la procédure de licenciement ; qu'au contraire, il les a explicitement reconnus dans la déclaration qu'il a adressée au comité d'entreprise lors de la réunion du 29 septembre 2010, ainsi que dans un courrier du 26 septembre 2010 envoyé au directeur des relations sociales de l'entreprise ; que, si, comme il a été dit, l'inspecteur du travail a estimé dans sa décision que les faits étaient matériellement établis par les pièces produites par l'employeur, il a également relevé que l'intéressé avait admis avoir indûment perçu des sommes au détriment du comité d'entreprise et avoir utilisé à cette fin le nom de salariés de la société ; que, d'ailleurs, le requérant n'a pas davantage contesté ultérieurement la matérialité des faits, ni lors de son recours hiérarchique, ni dans ses écritures devant le tribunal ou devant la Cour ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'impossibilité dans laquelle M. C... s'est trouvé de prendre connaissance des réponses des salariés au questionnaire, qui avaient uniquement pour objet d'établir la réalité des faits, ne l'a privé d'aucune garantie, ni n'a exercé d'influence sur le sens de la décision de l'inspecteur du travail ; qu'il suit de là que le vice de procédure constaté n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision d'autorisation du 24 novembre 2010 ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions contestées reposent sur des faits matériellement inexacts quant aux attributions de M. C... en sa qualité de chargé de sécurité ; que, si le requérant soutient qu'il n'avait pas autorité pour autoriser la livraison de certains produits et pour valider les demandes d'accès des tierces personnes, le ministre s'est fondé, pour décrire les fonctions de l'intéressé, sur la fiche de poste produite par la SA Gemalto et contresignée par M. C... ; que ce dernier n'établit pas que les tâches qui lui étaient confiées ne correspondaient pas à celles décrites dans cette fiche de poste ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ; que, toutefois, comme il a été dit au considérant 3, le licenciement du salarié peut être justifié par des faits commis en dehors de l'exécution du contrat de travail et dépourvu par conséquent de caractère fautif, lorsque ces faits sont de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail ; que, dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la circonstance que les faits qui lui sont reprochés aient été commis en dehors de l'exercice de ses fonctions faisait obstacle, par elle-même, à ce que son licenciement soit autorisé ; que les moyens tirés de la violation des articles L. 121-1 et L. 122-14-3 du code du travail, au surplus abrogés depuis le 1er mai 2008, et de l'article 1134 du code civil, doivent dès lors être écartés ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant fait valoir qu'en 21 années de présence dans l'entreprise, il a toujours donné satisfaction à son employeur, il ressort des pièces du dossier que les réponses au questionnaire adressé aux salariés ont révélé que, au cours des années 2009 et 2010, M. C... avait utilisé indûment le nom de 103 salariés de la société pour procéder à 205 inscriptions fictives ; que les fausses factures qu'il a établies ont représenté pour le comité d'entreprise un préjudice d'environ 13 000 euros ; que les fonctions de chargé de la sécurité mettent l'intéressé en situation de contact fréquent avec l'ensemble du personnel de l'entreprise et impliquent une relation de confiance tant avec la direction qu'avec les autres salariés ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail, puis le ministre, ont estimé que les faits reprochés à M. C..., compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que M. C... fait grief aux décisions contestées de ne pas avoir tenu compte des rivalités syndicales dont il aurait été victime ; que la seule circonstance qu'un syndicat concurrent de celui dont il était membre ait refusé de lui apporter son soutien au cours de la procédure de licenciement, n'est pas de nature à établir un lien entre la demande d'autorisation et les fonctions représentatives exercées par l'intéressé ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la demande d'autorisation ait été motivée par d'autres considérations que les faits reprochés à M. C... ; que, par suite, en estimant que le projet de licenciement n'était pas en lien avec les mandats de l'intéressé, l'inspecteur du travail et le ministre n'ont pas commis d'erreur d'appréciation ;

14. Considérant, en sixième lieu, que les moyens tirés de ce que les décisions contestées devraient être annulées " pour excès de pouvoir, violation de la loi, vice de forme, non respect de la procédure, défaut de motifs, illégalité des motifs, détournement de pouvoir ", ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Gemalto, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SA Gemalto et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la SA Gemalto la somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Société Gemalto.

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