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15/11/2013 | FRANCE | N°12MA00299

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2013, 12MA00299


Vu, I), sous le n° 12MA00299, la requête enregistrée au greffe de la Cour, le 20 janvier 2012, présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1001018 - 1002144 du 1er décembre 2011 du tribunal administratif de Nîmes qui a mis à la charge de l'Etat les sommes de 15 000 euros et 20 000 euros, à verser respectivement à Mme E...A...et à l'enfant MickaëlA..., et la somme de 4 000 euros chacun, à verser à M. B...D..., Mme J...I...et M. B... I... ; <

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2°) de rejeter les demandes que ces derniers ont présentées devant le tribu...

Vu, I), sous le n° 12MA00299, la requête enregistrée au greffe de la Cour, le 20 janvier 2012, présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1001018 - 1002144 du 1er décembre 2011 du tribunal administratif de Nîmes qui a mis à la charge de l'Etat les sommes de 15 000 euros et 20 000 euros, à verser respectivement à Mme E...A...et à l'enfant MickaëlA..., et la somme de 4 000 euros chacun, à verser à M. B...D..., Mme J...I...et M. B... I... ;

2°) de rejeter les demandes que ces derniers ont présentées devant le tribunal administratif de Nîmes ;

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Vu, II), sous le n° 12MA00415, la requête enregistrée au greffe de la Cour, le 1er février 2012, présentée pour M. B... D...et l'association tutélaire de gestion en qualité de tuteur de Mme J...I..., agissant en leur qualité de représentants légaux de l'enfant RosineD..., demeurant..., par MeC... ;

M. B... D...et Mme J...I...demandent à la Cour, au nom et pour le compte de l'enfant RosineD... :

1°) d'annuler le jugement nos 1001018 et 1002144 rendu le 1er décembre 2011 par le tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire qu'ils ont présentée aux intérêts de l'enfant RosineD... ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice moral causé à cette enfant par le décès de M. H...D...;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des deux dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

- et les observations de MeG..., substituant MeC..., pour M.D..., l'association tutélaire de gestion tuteur de MmeI..., représentants l'enfant RosineD..., M. I...et MmeA..., représentant l'enfant MickaëlA... ;

1. Considérant que, par le recours susvisé enregistré le 20 janvier 2012, sous le n° 12MA00299, le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour d'annuler le jugement no 1001018 - 1002144 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a mis à la charge de l'Etat les sommes de 15 000 euros et 20 000 euros, à verser respectivement à Mme E...A...et à l'enfant MickaëlA..., et la somme de 4 000 euros chacun, à verser à M. B... D..., Mme J... I...et M. B...I..., en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de M. H...D..., le 12 septembre 2008, à l'âge de vingt-deux ans, dans sa cellule alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire d'Avignon-le-Pontet depuis le 25 avril 2008 ; que, par la requête susvisée enregistrée le 1er février 2012, sous le n° 12MA00415, M. B...D...et Mme J...I..., agissant au nom et pour le compte de l'enfant RosineD..., demandent à la Cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il rejette la demande indemnitaire présentée aux intérêts cette enfant ; qu'ainsi, ce recours et cette requête concernent un même jugement et posent à juger des questions liées entre elles ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 12MA00415 :

2. Considérant que la réalité du lien affectif particulier liant l'enfant Rosine D...à son cousin, M. H...D..., n'est nullement établie par les documents produits au dossier ; que la circonstance que l'enfant Rosine D...ait été confiée à la garde des parents de la victime décédée ne suffit pas, à elle seule, à démontrer un tel lien ; que, par suite, la demande présentée au nom de Mlle F...D...doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre de la justice ;

Sur la requête n° 12MA00299 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par les consorts D...et tirée de l'inintelligibilité des écritures d'appel du garde des Sceaux, ministre de la justice :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les consorts D...- I...-A..., les écritures d'appel du garde des Sceaux, ministre de la justice, ne sont pas inintelligibles et répondent aux exigences de motivation prescrites par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir susmentionnée doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Considérant que, dans son mémoire susvisé, enregistré au greffe de la Cour de céans le 2 avril 2012, le garde des Sceaux, ministre de la justice, fait valoir que, d'une part, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, son mémoire complémentaire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 10 novembre 2011, soit avant la clôture de l'instruction, n'a été ni visé, ni analysé dans le jugement attaqué, et que, d'autre part, les motifs de ce jugement ne répondent pas à la fin de non-recevoir qu'il a soulevée dans ce même mémoire, et tirée de l'absence de qualité de M. B... D... et de Mme J...I...à agir au nom de l'enfant RosineD... ; que, cependant, et alors que les premiers juges, qui ont rejeté la demande de Rosine D...au fond en précisant qu'il n'était pas besoin d'examiner ladite fin de non-recevoir, n'ont pas entaché leur décision d'une omission à statuer, il résulte de l'instruction qu'en tout état de cause, ces deux moyens, qui concernent la régularité du jugement en litige et relèvent ainsi d'une cause juridique différente des moyens présentés par le garde des Sceaux, ministre de la justice, dans son recours relatif au bien-fondé de ce même jugement, n'ont été présentés que dans le mémoire susvisé, enregistré au greffe de la Cour de céans le 2 avril 2012, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que, par suite, lesdits moyens sont irrecevables et doivent donc être écartés ;

Sur le fond :

6. Considérant que la responsabilité de l'Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée seulement en cas de faute ; qu'il en va de même de la responsabilité des services de santé intervenant en milieu carcéral ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article D. 273 du code de procédure pénale, abrogé en application de l'article 2 du décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires susvisé : " Les détenus ne peuvent garder à leur disposition aucun objet ou substance pouvant permettre ou faciliter un suicide, une agression ou une évasion, non plus qu'aucun outil dangereux en dehors du temps de travail. / Au surplus, et pendant la nuit, les objets et vêtements laissés habituellement en leur possession peuvent leur être retirés pour des motifs de sécurité. / Sauf décision individuelle du chef d'établissement motivée par des raisons d'ordre et de sécurité, un détenu peut garder à sa disposition, selon les modalités prescrites par les médecins intervenant dans les établissements pénitentiaires, des médicaments, matériels et appareillages médicaux. " : qu'aux termes de l'article 5 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " (...) Aucun objet ou substance pouvant permettre ou faciliter un suicide, une agression ou une évasion, aucun outil dangereux en dehors du temps de travail ne peuvent être laissés à la disposition d'une personne détenue. / En outre, les objets et vêtements laissés habituellement en sa possession peuvent lui être retirés, pour des motifs de sécurité, contre la remise d'autres objets propres à assurer la sécurité ou contre une dotation de protection d'urgence. (...) " ;

8. Considérant que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des accessoires usuels d'habillement, notamment une ceinture de pantalon, soient habituellement laissés en la possession des personnes incarcérées ; qu'il appartient néanmoins à l'administration pénitentiaire d'apprécier les risques que représente le détournement de certains objets en fonction de la personnalité et du comportement de chaque individu et, le cas échéant, d'en restreindre ou d'en interdire l'usage ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 14 août 2008, suite aux alertes adressées par son père, M. B...D..., lequel s'était inquiété de son comportement lors de ses visites au parloir, M. H...D...a été inscrit sur la liste des personnes présentant un risque suicidaire ; que cette inscription qui a été confirmée le 4 septembre 2008 près d'une semaine avant le suicide de M. H...D..., imposait à l'administration pénitentiaire de prendre toutes mesures utiles destinées à limiter le risque de passage à l'acte, sans attendre une éventuelle crise suicidaire aigüe et nonobstant la circonstance à la supposer établie que l'état psychologique de M. H...D...se serait amélioré ; que si l'administration pénitentiaire a pris certaines mesures comme notamment l'affectation de son cousin dans sa cellule et le transfert vers un autre établissement pénitentiaire de détenus suspectés de faire subir à M. H... D...des actes de rackets, elle a, toutefois, omis de lui retirer sa ceinture avec laquelle il s'est pendu au montant de la fenêtre de sa cellule ; que contrairement à ce que soutient le ministre de la justice, le retrait de sa ceinture à M. H...D...ne constituait pas un traitement inhumain et dégradant ou une atteinte à la dignité humaine protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que, dès lors qu'un risque suicidaire était connu, le maintien à sa disposition d'un objet potentiellement dangereux pour lui-même, en l'espèce, sa ceinture, constituait une négligence fautive, ayant permis le passage à l'acte ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D...et autres et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 12MA00299 et 12MA00415 sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...D..., à l'association tutélaire de gestion, es qualité de tuteur de Mme J...I..., à Mme E...A...et à M. B...I...une somme globale de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des Sceaux, ministre de la justice, et à M. B... D..., à l'association tutélaire de gestion, es qualité de tuteur de Mme J... I..., à Mme E...A...et à M. B...I....

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N° 12MA00299 - 12MA00415

cd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00299
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Capacité.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : BILLET ; BILLET ; BILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-15;12ma00299 ?
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