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13/11/2013 | FRANCE | N°12MA01770

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2013, 12MA01770


Vu la requête enregistrée le 2 mai 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA01770, présentée pour M. B...A..., demeurant.... B, rue Félix Pyat à Salon-de-Provence (13300), par la SCP Bourglan, Damamme, Leonhardt, Semeriva ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200661 du 29 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er décembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au sé

jour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article...

Vu la requête enregistrée le 2 mai 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA01770, présentée pour M. B...A..., demeurant.... B, rue Félix Pyat à Salon-de-Provence (13300), par la SCP Bourglan, Damamme, Leonhardt, Semeriva ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200661 du 29 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er décembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de lui enjoindre, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de condamner le préfet des Bouches-du-Rhône à lui payer 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 et publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2013 le rapport de M. Thiele, rapporteur ;

1. Considérant que le 25 février 2008, M.A..., ressortissant de nationalité turque né le 1er avril 1984, a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile, sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 1er décembre 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et a " invité [M.A...] à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours ", au motif que, par décisions du 10 juillet 2008 et du 23 décembre 2008, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile avaient refusé de reconnaître le statut de réfugié de M. A...;

2. Considérant que, par jugement n° 1200661 du 29 mars 2012, dont M. A... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté, après avoir considéré que " la décision en litige, qui vise les articles L. 511-1 I et II et l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et qui invite en son article 2 l'intéressé à quitter le territoire, [devait] être regardée, eu égard à l'ambiguïté de ses termes, comme une décision obligeant M. A...à quitter le territoire, assorti d'un délai de départ volontaire au sens des dispositions du II de l'article L. 511-1 précité, alors surtout qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé relèverait des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5 de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qui dispensent un Etat membre de prendre une décision de retour pour un ressortissant d'un Etat tiers en séjour irrégulier " ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci est assorti d'une simple invitation à quitter le territoire français ; que, ce faisant, le préfet des Bouches-du-Rhône a, sans aucune ambiguïté, entendu ne pas faire obligation à M. A... de quitter le territoire français ; qu'il n'appartient pas au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un tel acte, de lui donner une portée que son auteur n'a pas entendu lui donner ; qu'au surplus, et contrairement à ce qu'à jugé le tribunal administratif de Marseille, l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 n'impose pas aux autorités compétentes de l'Etat membre de prendre systématiquement une décision de retour à l'encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que, dès lors, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a considéré que l'arrêté attaqué comportait une obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, a regardé la demande de M. A...comme tendant également à l'annulation de cette décision ;

4. Considérant qu'il ressort de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à la régularité du jugement à cet égard, que le tribunal administratif s'est mépris sur la consistance de l'acte attaqué et sur la portée des conclusions et doit, dès lors, être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'aucune question ne restant à juger à cet égard, il n'y a pas lieu d'évoquer sa demande sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre public et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ;

7. Considérant que, le 28 août 2008, M. A...a épousé une compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans ; qu'eu égard à l'ancienneté de cette union, intervenue plus de trois ans avant la date de la décision attaquée, et à la naissance d'un enfant le 2 août 2010, et alors même que l'intéressé pourrait bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 et publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la décision contestée, qui aurait pour effet de séparer l'enfant né en France de l'un de ses parents, méconnaît en l'espèce les stipulations précitées ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant est fondé et doit être accueilli ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs au bien-fondé du jugement, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

10. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait ou de droit, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. A...le titre de séjour sollicité dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. A...demande en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1200661 du 29 mars 2012 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 1er décembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour de M. A...est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat (préfecture des Bouches-du-Rhône) versera à M. A... la somme de 1 500 mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01770
Date de la décision : 13/11/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT - SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-13;12ma01770 ?
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