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07/11/2013 | FRANCE | N°11MA02165

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 11MA02165


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2011, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par MeC... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0703450 du 29 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Manosque à lui verser une somme de 190 454,45 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'opération du 18 juin 2003 et de la révélation d'une hystérie de conversion consécutive à cette opération, assortie des intérêts, capitalisés à compter

du 1er janvier 2006 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première inst...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2011, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par MeC... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0703450 du 29 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Manosque à lui verser une somme de 190 454,45 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'opération du 18 juin 2003 et de la révélation d'une hystérie de conversion consécutive à cette opération, assortie des intérêts, capitalisés à compter du 1er janvier 2006 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser les sommes réclamées ;

4°) de mettre à la charge des intimés une somme de 5 000 euros au titre des honoraires de MeC..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les droits de plaidoirie prévus par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale ;

..................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013,

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure ;

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

1. Considérant que Mme A...qui souffrait de la main droite depuis la fin de l'année 2002 a été opérée au centre hospitalier de Manosque le 18 juin 2003, en vue d'une libération du nerf médian, d'une cure du " doigt à ressort ", d'une ablation du trapèze et de son remplacement par un implant ; que les suites opératoires ont été marquées par un enraidissement du pouce inhabituel et un " déconditionnement " dudit pouce, que Mme A...ne peut plus commander, malgré une nouvelle intervention effectuée à l'hôpital de la Conception en 2004 ; que Mme A... relève appel du jugement du 29 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réparation de ses préjudices et demande, en appel, également la condamnation de l'ONIAM ; que le centre hospitalier de Manosque demande pour sa part que le jugement du 15 juin 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille a ordonné une expertise soit annulé " en tant qu'il a jugé que le centre hospitalier de Manosque avait manqué à son obligation d'information " ; que, compte tenu des éclaircissements au demeurant fort confus apportés par Me D...en cours d'instance, les écritures initialement présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, qui n'avait pas été mise en cause par la Cour doivent être regardées comme présentées par Me D...pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence et comme tendant au remboursement de ses débours ;

Sur la responsabilité pour faute :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance de l'information sur les risques fréquents ou graves auxquels il s'expose n'est due au patient qu'à condition que ces risques soient normalement prévisibles ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise rédigés par le docteur Boudard, qui ne sont pas contestés par MmeA..., qu'il n'y a pas de " substratum anatomique " au " déconditionnement total " de son pouce droit ; qu'en d'autres termes, si elle n'est pas en mesure de le mobiliser et en a perdu la " commande cérébrale ", cette situation n'est pas liée à un enraidissement articulaire ni à une paralysie des muscles, son état devant en principe permettre un usage normal de son pouce ; que l'expert a qualifié cette situation d'" hystérie de conversion " ; qu'il a relevé que ce type de complication, exceptionnelle, n'était pas signalé dans la littérature consultée et qu'elle pouvait survenir après tout acte chirurgical ; qu'au vu de ces éléments, le risque de perte de l'usage de son pouce lié à une perte de la commande cérébrale doit être regardé comme imprévisible ; qu'il n'était pas au nombre des risques normalement prévisibles dont l'existence aurait dû être portée à la connaissance de Mme A... ; qu'ainsi, le centre hospitalier de Manosque est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, par le jugement avant dire droit du 15 juin 2010, son abstention sur ce point fautive ; que ni Mme A...ni l'organisme social quel qu'il soit ne sont, dès lors, fondés à demander la réparation de leurs préjudices sur le terrain de la faute ;

Sur l'aléa thérapeutique :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'ONIAM ;

4. Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise évoqués ci-dessus, qu'une origine articulaire ou musculaire des troubles du pouce droit dont souffre Mme A...doit être éliminée ; que la nouvelle intervention qu'elle a subie en 2004 à Marseille n'a pas apporté de réelle amélioration à son état, le chirurgien indiquant, deux ans plus tard : " elle présente une attitude en flexion du pouce que je m'explique mal et qui n'est pas expliquée par l'aspect radiographique " ; que les rapports d'expertise font apparaître une discordance entre les symptômes présentés par Mme A...et le résultat des explorations qui ont pu être mises en oeuvre ; que, confronté à ce tableau, l'expert a indiqué que les troubles présentés par l'intéressé relevaient d'une hystérie de conversion sans support anatomo-clinique en relevant que cette évolution se rencontrait plus fréquemment chez des patients dépressifs comme l'était MmeA... ; que cette dernière ne conteste pas cette analyse du dossier ; que, dans ces conditions, si les troubles dont souffre Mme A...sont apparus postérieurement à l'intervention subie au centre hospitalier de Manosque, ils ne peuvent être regardés comme en étant la conséquence directe ; qu'ainsi, il n'existe pas de lien de causalité directe entre les symptômes présentés et l'intervention subie ; que Mme A...n'est, par suite, pas fondée à revendiquer une réparation de ses préjudices sur le fondement des dispositions susmentionnées ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni Mme A...ni l'organisme social ne sont fondés à se plaindre du rejet de leur demande par le tribunal administratif de Marseille ; que le centre hospitalier de Manosque est, en revanche, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement avant dire droit du 15 juin 2010, estimé que sa responsabilité était engagée pour avoir manqué à son obligation d'information ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

7. Considérant que le rejet des conclusions présentées par l'organisme social au titre de ses débours fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions sur ce point ;

Sur les frais d'expertise :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

8. Considérant que, saisi de conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge du centre hospitalier, le tribunal ne s'est pas prononcé sur la dévolution définitive des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;

9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, relatif aux frais et dépens : " (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 40 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée. Le bénéficiaire de l'aide est dispensé du paiement, de l'avance ou de la consignation de ces frais. Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat ... " ; qu'aux termes de l'article 42 du même texte : " Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 75. /Le juge peut toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat. " ; que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, tant en première instance qu'en appel ;

10. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée en référé ont été liquidés et taxés à la somme de 910 euros, par ordonnance n° 0906653 du président du tribunal administratif de Marseille en date du 29 janvier 2010 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais de l'expertise à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme A... en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Manosque ou l'ONIAM qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, verse à Mme A... une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, comprenant les droits de plaidoiries prévus à l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2010 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2011 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée en référé.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, liquidés et taxés à la somme de 910 (neuf cent dix) euros par ordonnance du président de ce tribunal en date du 29 janvier 2010 sont mis à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme A....

Article 4 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, au centre hospitalier de Manosque et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.

Copie en sera adressée au service administratif régional près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

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N° 11MA02165 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02165
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute. Information et consentement du malade.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : MICHEL CHAPUIS et ARNAULT CHAPUIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-07;11ma02165 ?
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