Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2010 sous le n° 10MA02874, présentée pour la Société Autophon Funk AG, dont le siège est 6 Via Bossi, Casella Postale à Lugano (6901), Suisse, par MeA... ;
La Société Autophon Funk AG demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702443 en date du 8 juin 2010 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la procédure d'imposition est irrégulière ; qu'en effet, les mises en demeure et l'avis de vérification, antérieurs à la procédure d'imposition elle-même, ont été notifiés à Maître Gonzales, avocat à Antibes, alors qu'aucun mandat de représentation fiscale n'avait été remis à ce dernier par la société ; que les premiers juges n'ont pas véritablement répondu à son argumentation sur ce point ; qu'en outre, l'administration n'établit pas avoir adressé un avis de vérification au siège de la société ;
- que la mise à disposition gratuite d'un immeuble sans perception de loyers ne constitue nullement un mode d'exploitation directe ou d'affermage de biens immobiliers au sens du 3° de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ; que la perte de recette est assimilable à un revenu d'origine indéterminée, visé à l'article 23 de ladite convention, exclusivement imposable en Suisse ; qu'en outre, c'est à tort que les premiers juges ont refusé la prise en compte de l'instruction du 22 octobre 1993 qui a précisément pour objet de traiter la situation des sociétés étrangères possédant des immeubles en France et les mettant gratuitement à la disposition de leurs associés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour de rejeter la requête de la Société Autophon Funk AG ;
Il soutient :
- que l'administration a régulièrement adressé les mises en demeure et l'avis de vérification à Me Gonzales dès lors que les circonstances tendaient à démontrer qu'il était effectivement le représentant fiscal en France de la Société Autophon Funk AG ; qu'en outre, la notification de l'avis de vérification au siège de la société est effective, dès lors que figure sur l'accusé de réception le cachet de la poste de Lugano ; qu'il n'appartenait pas à l'administration de rechercher si le signataire de cet accusé de réception était, ou non, habilité à signer au nom de la société ;
- que la mise à la disposition des actionnaires d'un immeuble appartenant à une société constitue pour cette dernière un acte anormal de gestion ; que c'est à bon droit, tant sur le fondement de la loi interne que de la convention franco-suisse, que la Société Autophon Funk AG a été taxée à l'impôt sur les sociétés en France ; que la société requérante ne saurait tirer profit de la doctrine administrative qu'elle invoque ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 mars 2011, présenté pour la Société Autophon Funk AG qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 25 juillet 2013, fixant la clôture d'instruction au 26 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention signée entre la République française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signée le 9 septembre 1966, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013,
- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que la société anonyme de droit suisse Autophon Funk AG est propriétaire d'un bien immobilier situé à Auribeau-sur-Siagne (06810) qu'elle met gratuitement à la disposition de ses actionnaires ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur les années 2001, 2002 et 2003, l'administration lui a notifié, au titre desdites années, des redressements d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % sur l'impôt sur les sociétés ; que l'administration a, en effet, considéré que la mise à disposition gratuite du bien immobilier à ses actionnaires constituait un acte anormal de gestion ; que la Société Autophon Funk AG fait appel du jugement n° 0702443 en date du 8 juin 2010 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la Société Autophon Funk AG a fait valoir dans ses écritures de première instance que les mises en demeure et avis de vérification de comptabilité, antérieurs à la procédure d'imposition elle-même, adressés à Me Gonzales, ne lui étaient pas opposables dès lors qu'elle n'avait donné aucun mandat de représentation audit avocat ; qu'au regard de l'argumentation dont il était ainsi saisi, le tribunal administratif a suffisamment pris en compte l'argumentation de la société en soulignant que Me Gonzales s'était présenté comme le représentant en France de la Société Autophon Funk AG et qu'il avait répondu aux mises en demeure adressées et accusé réception de l'avis de vérification de comptabilité ; qu'en jugeant que Me Gonzales avait souscrit antérieurement à la procédure de vérification des déclarations fiscales pour le compte de la Société Autophon Funk AG, les premiers juges ont implicitement, mais nécessairement, répondu à l'argumentation afférente au fait que le conseil de la société " n'aurait pas été investi d'un mandat pour recevoir les communications de l'administration fiscale préalables à toute procédure " ; que la société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de la Société Autophon Funk AG à l'impôt sur les sociétés :
Au regard de la loi :
3. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " ;
4. Considérant que les sociétés anonymes de droit suisse constituent des sociétés de capitaux ; que la responsabilité de leurs associés est limitée au montant de leurs apports ; qu'elles sont, en ce sens, assimilables aux sociétés anonymes de droit français ;
5. Considérant que la Société Autophon Funk AG, société de droit suisse, doit être regardée comme commerciale en raison de sa forme sociale ; qu'elle est donc, de ce seul fait, passible de l'impôt sur les sociétés sans qu'il soit besoin de s'interroger si elle se livrait, ou non, à une activité lucrative en France ; que, par suite, à supposer même qu'aucun loyer n'ait été effectivement versé en contrepartie de l'occupation de la propriété dont elle est propriétaire à Auribeau-sur-Siagne, la société Autophon Funk AG est redevable de l'impôt sur les sociétés sur la base des revenus correspondant au prix normal de la location du bien immobilier ;
Au regard de la convention franco-suisse :
6. Considérant que l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée stipule que " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ses biens sont situés (...) 4. Les dispositions des paragraphes 1 (...) s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise (...) " ; que si l'article 7-1 de la même convention prévoit que les bénéfices d'une société ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel elle dispose d'un établissement stable, l'article 7-7 exclut de l'application de ces dispositions les bénéfices comprenant des éléments de revenu traités par d'autres dispositions de la convention ;
7. Considérant qu'alors qu'en vertu des stipulations combinées des articles 6, 7-1 et 7-7 de la convention franco-suisse, les revenus provenant de biens immobiliers d'une entreprise sise en France sont imposables dans cet Etat, c'est à bon droit que, sur le fondement de la convention franco-suisse, la Société Autophon Funk AG a été taxée à l'impôt sur les sociétés en France sur la base des revenus correspondant au prix normal de location qu'elle aurait pu tirer de sa propriété sise à Auribeau-sur-Siagne durant la période d'occupation gratuite par ses actionnaires ; qu'à cet égard, l'argumentation de la Société Autophon Funk AG selon laquelle il convient de distinguer les revenus immobiliers " positifs, provenant de l'exploitation directe, de la location ou de l'affermage ", au sens de l'article 6 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, des revenus " non spécialement visés " relevant de l'article 23 de ladite convention qui doivent être imposés exclusivement dans l'Etat de résidence de la société ne saurait être favorablement accueillie dès lors que les revenus correspondant à la mise à disposition gratuite d'un immeuble sont assimilables à des revenus provenant de biens immobiliers au sens de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ;
Au regard de la doctrine administrative :
8. Considérant que la société requérante entend se prévaloir de l'instruction du 22 octobre 1993, portant la référence 7 Q-3-93 n° 77, qui qualifie d'avantage en nature la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier et en déduit que les dispositions de l'article 6 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ne peuvent être appliquées aux pertes de recettes enregistrées ; que, cependant, contrairement à ce qui est soutenu, l'instruction en question qui, au demeurant, porte sur une imposition différente de celle en litige, n'a pas entendu exclure la qualification de revenu pour la personne morale qui consent l'avantage, mais simplement prévoir une mesure de tempérament quant à l'imposition de cet avantage sous réserve que la personne morale en question remplisse certaines conditions ; qu'il est constant, en outre, que le principe qui gouverne les rapports d'une convention internationale et de la doctrine est celui de l'étanchéité ; que les stipulations d'une convention internationale ne sauraient donc être interprétées à la lumière d'une interprétation doctrinale concernant, au demeurant, un impôt qui n'entre pas dans le champ de ladite convention ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
9. Considérant que l'administration a envoyé à la Société Autophon Funk AG, les 31 mars et 3 juin 2004, des mises en demeure de souscrire ses déclarations de résultats au titre des années 2001, 2002 et 2003, notamment au cabinet de Me Gonzales, sis à Antibes ; qu'il résulte de l'instruction que cet avocat avait souscrit, les 20 juin 2003 et 10 mai 2004, pour le compte de la Société Autophon Funk AG, des déclarations relatives aux immeubles qu'elle détenait en France en se présentant comme le représentant fiscal de ladite société, en application de l'article 223 quinquies A du code général des impôts ; qu'il est constant que la dispense de justification de mandat des avocats pour représenter leurs clients ne vaut pas mandat implicite et que l'avocat doit avoir déclaré agir au nom du contribuable préalablement aux actes de l'administration ; que tel est le cas en l'espèce puisque la souscription des déclarations en France par Me Gonzales pour le compte de la Société Autophon Funk AG est intervenue antérieurement à l'envoi des mises en demeure et de l'avis de vérification ; que ce conseil a, le 17 juin 2004, répondu aux mises en demeure, dont il a accusé réception respectivement les 5 avril et 11 juin 2004, en confirmant qu'il était constitué aux intérêts de la société ; qu'il est d'ailleurs constant que l'administration fiscale a, par courriers des 6 et 23 juillet 2004, cherché à corroborer la présomption de qualité de mandataire de Me Gonzales ; qu'aucune suite n'a été donnée à ces courriers ; que, dans ces condition, à supposer même que les mises en demeure et avis de vérification n'auraient pas été adressées à Lugano (Suisse) à l'adresse effective du siège social de la requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office serait entachée d'irrégularité ; que le même avocat, constitué selon ses propres termes aux intérêts de la Société Autophon Funk AG, ayant accusé réception le 21 juin 2004 de l'avis de vérification de comptabilité, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière ; qu'il est constant, au demeurant, que ce dernier moyen est inopérant ; qu'en effet, les vices affectant une vérification de comptabilité sont sans incidence sur la régularité d'une procédure de taxation d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions :
10. Considérant que, selon les dispositions de l'article 38-1 du code général des impôts, le bénéfice commercial imposable est déterminé d'après les résultats de l'ensemble des opérations de toutes natures effectuées par l'entreprise sous réserve des opérations qui ne se rattachent pas à la gestion normale ou qui n'ont pas été réalisées dans l'intérêt direct de l'entreprise ; qu'il appartient à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal de l'opération ; que, toutefois, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
11. Considérant qu'en l'espèce, le service se fonde sur le fait, non contesté, que la propriété de la Société Autophon Funk AG, sise à Auribeau-sur-Siagne, est mise gratuitement à la disposition de ses actionnaires alors que la valeur locative de cet immeuble est importante ; que la société requérante, qui se borne à soutenir qu'un contribuable n'est jamais tenu de tirer de la gestion d'un bien le profit le plus élevé possible, n'établit, ni même n'allègue qu'elle aurait tiré une contrepartie de la mise à la disposition gratuite de ses actionnaires du bien litigieux ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la Société Autophon Funk AG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Société Autophon Funk AG est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Autophon Funk AG et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2013, où siégeaient :
- M. Louis, président de chambre,
- M. Martin, président assesseur,
- M. Emmanuelli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2013.
Le rapporteur,
O. EMMANUELLILe président,
J-J. LOUIS
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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