Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me C... ;
M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106552 du 13 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente, sous les mêmes conditions d'astreinte, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 1er octobre 2013, le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
1. Considérant que, par jugement du 13 décembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A..., de nationalité algérienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. A... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7°) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
4. Considérant, en premier lieu, que M.A..., qui a d'ailleurs bénéficié d'autorisations provisoires de séjour ou de récépissés de demandes de titres de séjour présentées sur le fondement de son état de santé de manière continue depuis le 15 octobre 2009, justifie, par les pièces produites, qu'il réside habituellement en France, au sens des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, depuis le mois de mai 2009 ; qu'ainsi, le motif du refus de séjour tiré de l'absence de justification d'une telle résidence habituelle est entaché d'erreur de fait ;
5. Considérant, en second lieu, que l'avis du médecin de l'agence régionale santé du 3 juin 2011 indique que le défaut de prise en charge de la pathologie de M. A...n'est pas susceptible d'entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ce dernier peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, le certificat médical circonstancié établi le 27 août 2011 par le docteur Masse, médecin psychiatre agréé, au vu duquel le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé, mentionne un " état de stress post-traumatique très intense sous la forme d'une psychose traumatique nécessitant des soins spécialisés " qui " ne peuvent être dispensés dans son pays d'origine vers lequel il ne pourrait retourner sans conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa santé " et que " le pronostic est très réservé " ; que les précédents certificats du même médecin, à l'origine de la délivrance des autorisations provisoires de séjour depuis le mois d'octobre 2009, font état des mêmes éléments ; qu'ainsi, il doit être regardé comme établi que le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si les troubles psychiatriques dont souffre M. A...peuvent faire en principe l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine, M.A..., né en 1977, a exercé les fonctions de policier en Algérie pendant quelques années à partir de 1997 ; que les certificats médicaux précédemment évoqués font état du lien entre sa pathologie et les événements traumatisants auxquels il a assisté en Algérie pendant cette période et qui ne permet pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays ; qu'il s'ensuit que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2011 doivent être annulés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'article L. 911-3 du même code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 (...) d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre dans l'attente, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ; que, dans les circonstances de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... de la somme demandée de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 décembre 2011 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 septembre 2011 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre dans l'attente, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3: L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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N° 12MA00184
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