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17/10/2013 | FRANCE | N°11MA03479

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2013, 11MA03479


Vu, enregistrée le 29 août 2011, la requête présentée pour M. et Mme C...A..., demeurant ...par Me B...; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001754 du 5 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant d'une part, à la condamnation de Réseau Ferré de France (RFF) à leur verser la somme de 187 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la mise en fonctionnement en 2001 de la ligne LGV Méditerranée à proximité de leur propriété, d'autr

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Vu, enregistrée le 29 août 2011, la requête présentée pour M. et Mme C...A..., demeurant ...par Me B...; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001754 du 5 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant d'une part, à la condamnation de Réseau Ferré de France (RFF) à leur verser la somme de 187 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la mise en fonctionnement en 2001 de la ligne LGV Méditerranée à proximité de leur propriété, d'autre part, à l'annulation de la décision née du silence gardé par RFF sur leur demande préalable d'indemnisation ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de condamner RFF à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner RFF à prendre à sa charge les frais d'expertise ;

...................................

Vu, enregistré le 22 avril 2013, le mémoire présenté pour l'établissement public Réseau Ferré de France, représenté par le président du conseil d'administration, par la SCP d'avocats Boivin et associés, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ramener l'indemnité demandée par les requérants à de plus justes proportions, et en tout état de cause, à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................

Vu la lettre du 9 août 2013 informant les parties de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement pour ne pas avoir statué sur les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;

Vu, enregistré le 14 août 2013 la réponse de RFF à ce moyen d'ordre public ;

Vu, enregistré le 28 août 2013, le mémoire présenté pour M. et Mme A...par Me B..., qui persistent dans leur précédentes écritures ,

............................

Vu, enregistré le 18 septembre 2013, le mémoire présenté pour l'établissement public Réseau Ferré de France, représenté par le président du conseil d'administration, par la SCP d'avocats Boivin et associés, qui persiste dans ses précédentes écritures tout en portant sa demande de frais d'instance à la somme de 4 000 euros et soutient en outre que les conclusions des requérants tendant à la condamnation pour faute de RFF constituent une demande nouvelle irrecevable ;

Vu, enregistré le 20 septembre 2013, le mémoire présenté pour M. et Mme A...par MeB... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public " Réseau Ferré de France " ;

Vu le décret n° 95-22 du 9 janvier 1995 relatif à la limitation des bruits des aménagements des infrastructures de transports terrestres ;

Vu l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me D...E...substituant Me B...pour les épouxA... ;

1. Considérant que M. et MmeA..., propriétaires d'une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de Cavaillon, interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de RFF à réparer les préjudices qu'ils auraient subis du fait de l'implantation et de l'exploitation de la ligne TGV Méditerranée à proximité de leur propriété ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille et ont ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

3. Considérant que, si les époux A...soutiennent dans le dernier état de leur écriture que le dommage dont ils demandent réparation serait imputable à une faute de nature, selon eux, à engager la responsabilité de RFF, qui aurait méconnu la réglementation relative aux seuils sonores admissibles, ils se fondent à cet égard sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'ils avaient présentée contre cet établissement public devant le tribunal administratif, et qui était uniquement fondée sur la responsabilité sans faute dont doit répondre le maître d'un ouvrage public à raison des préjudices anormaux et spéciaux causés par cet ouvrage aux tiers ; que, ainsi que le fait valoir RFF, leurs conclusions ont ainsi le caractère d'une demande nouvelle qui n'est, par suite, pas recevable ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

4. Considérant que les époux A...ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public litigieux ; que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il appartient toutefois aux appelants d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 21 mars 2006 de l'expert acousticien désigné par ordonnance du 20 avril 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille qu'en moyenne, sur une période de 24 heures et selon ses mesures réalisées du 28 juin au 29 juin 2005, 92 trains (88 TGV et 4 trains de service de l'équipement SNCF) passent devant la propriété des époux A...située à 440 m de la voie ferrée ; que, de jour, l'émergence de bruit lors du passage des trains en façade de leur propriété est de 44,3 db, et, la nuit, de 32,5 db ; que l'expert conclut clairement que la contribution sonore du TGV devant leur maison est conforme, tant aux engagements de l'Etat en 1994 dans la déclaration d'utilité publique du projet LGV Méditerranée pour les zones de faible bruit ambiant préexistant, comme en l'espèce, que, surtout, à l'arrêté du 8 novembre 1999, qui fixe, pour des logements situés en zone d'ambiance sonore préexistante modérée, à 60 db de jour (6 h -22 h) et 55 db la nuit (22 h-6 h) ; que, si les requérants, qui ne contestent ni le résultat de ces mesures, ni leur respect de la réglementation susmentionnée, soutiennent en revanche qu'aucune norme générale fondée sur des mesures quantifiées du bruit ne peut permettre d'apprécier l'anormalité des préjudices subis par des riverains de voies ferrées, eu égard à la situation particulière de chacun d'entre eux et à la subjectivité de la perception par chacun du bruit, supportable ou non, engendré par le passage des trains, il appartient au juge de vérifier, pour qualifier le dommage d'anormal, la contribution sonore du TGV devant la maison des requérants par rapport notamment aux maxima autorisés par la réglementation existante, qui tiennent compte du bruit objectif et quantifiable supportable par la majorité de la population ; que, si les requérants soutiennent aussi que les normes de bruit utilisées pour le fonctionnement de la ligne TGV Méditerranée ne sont pas satisfaisantes au regard des exigences de la directive européenne 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, cette directive, applicable au plus tard en juillet 2005 en droit interne, soit postérieurement à la mise en service de la LGV, se borne en tout état de cause à assigner des objectifs aux Etats-membres afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs de l'exposition au bruit dans l'environnement ; que, si les requérants soutiennent encore que l'écran acoustique réalisé par la SNCF ne protège pas la partie de la voie située au nord de leur maison, l'expert judiciaire précise que cette protection acoustique n'était pas nécessaire au regard des prévisions, lors de la création de la voie, du bruit engendré par la LGV sur la propriété des épouxA..., conformes à la réglementation ; que, dans ces conditions, le préjudice sonore invoqué par les époux A...ne présente pas, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, un caractère anormal et spécial par rapport à ceux que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires de fonds voisins de voies ferroviaires ;

6. Considérant, en second lieu, que, si les requérants soutiennent aussi qu'une petite portion de la voie ferrée est visible depuis leur propriété, il résulte du rapport de l'expert que deux haies vives plantées sur la propriété des époux A...masquent pratiquement toute la voie ferrée ; que ce préjudice visuel très limité ne peut présenter un caractère anormal de nature à ouvrir droit à réparation ; que, par suite, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le préjudice tiré des troubles dans les conditions d'existence des époux A...du fait de la mise en service de la LGV n'est pas établi ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, si les époux A...soutiennent aussi que l'implantation de la ligne LGV aggrave le risque d'inondation de leur propriété, cette allégation est dépourvue de précision permettant au juge d'en apprécier le bien fondé ;

8. Considérant que, dès lors que les requérants ne subissent pas un préjudice anormal et spécial du fait de la présence et du fonctionnement de la ligne LGV, ils ne sont fondés à demander, ni la réparation de leurs troubles dans les conditions d'existence, ni l'indemnisation de la perte de la valeur vénale de leur propriété ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie (...). " ;

11. Considérant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, liquidés et taxés à la somme de 12 618,01 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2005 à la charge, pour moitié de RFF, soit la somme de 6 309 euros et pour l'autre moitié des épouxA..., soit une autre somme de 6 309 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner quelque partie que ce soit sur le fondement de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 juillet 2011 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise.

Article 2 : La requête des époux A...est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 618,01 euros, sont mis à la charge définitive pour moitié de RFF, soit la somme de 6 309 euros et pour l'autre moitié des épouxA..., soit une autre somme de 6 309 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de RFF est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux époux A...et à Réseau Ferré de France.

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N° 11MA034792

MD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03479
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : ALLEGRINI et OLLIER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-10-17;11ma03479 ?
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