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20/09/2013 | FRANCE | N°11MA03618

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2013, 11MA03618


Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2011, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par Me A... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100324 du 11 juillet 2011 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêt

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3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'ar...

Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2011, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par Me A... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100324 du 11 juillet 2011 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à MeA..., sous réserve de sa renonciation à la part contributive au titre de l'aide juridictionnelle ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2013 :

- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain entré en France en 1993 à l'âge de 13 ans, a déposé une demande de titre de séjour le 19 février 2009 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par deux courriers des 2 et 15 avril 2010, le conseil du requérant a informé les services de la préfecture de la Haute-Corse de l'état de santé du demandeur atteint du virus de l'immunodéficience humaine et astreint à suivre un traitement antirétroviral ; que, par courrier du 8 mars 2011, le conseil du requérant a réitéré sa demande au nom de M. C... et confirmé l'état de santé préoccupant de ce dernier ; que, par courrier du 18 mars 2011, le préfet a informé M. C...et son conseil de l'impossibilité d'examiner la demande de Ait Ali en raison de l'absence de demande en qualité d'étranger malade ; que par courrier du 31 mai 2011, le préfet de la Haute-Corse a finalement informé M. C...de sa décision de lui délivrer un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ; qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 31 janvier 2012 au 30 janvier 2013 a été délivré à M. C...le 24 mai 2012 ; que M. C...relève appel du jugement du 11 juillet 2011 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'illégalité de la décision implicite rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " présentée le 19 février 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en se bornant à relever que les préjudices dont se prévalait le requérant à l'appui de ses conclusions indemnitaires n'étaient pas établis, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin de non lieu à statuer présentées par le préfet de la Haute-Corse :

3. Considérant que la circonstance que le préfet de la Haute-Corse a délivré à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 31 janvier 2012 au 30 janvier 2013 ne rend pas les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé sans objet ; que, dès lors, les conclusions à fin de non lieu à statuer présentées par le préfet doivent être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ; qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. " qu'il résulte de ce qui précède que, saisi d'une demande de titre de séjour, l'autorité administrative dispose en principe d'un délai de quatre mois pour instruire la demande ; que l'expiration de ce délai a pour effet de faire naître une décision implicite de rejet ; que, toutefois, dans le cas où l'administration renouvelle régulièrement un récépissé de demande de carte de séjour, ce renouvellement a pour effet de faire obstacle à la naissance d'une décision implicite de rejet ;

5. Considérant que l'instruction de la demande de M.C..., déposée le 19 février 2009, s'est indument prolongée jusqu'au 31 mai 2011, date à laquelle le préfet de la Haute-Corse l'a informé de sa décision de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", soit une durée de plus de 27 mois ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, il ne ressort pas de l'instruction que le dossier de M.C..., qui est présent en France sans interruption depuis 1993, aurait présenté un degré de complexité tel qu'il nécessitait un examen approfondi de sa situation familiale pendant plus de deux ans ; que le conseil de M. C... a régulièrement appelé l'attention du préfet sur la demande de son client et notamment sur son état de santé que le préfet devait en tout état de cause prendre en compte, même en l'absence de dépôt formel d'une demande au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. C... avait déposé une demande d'admission au séjour à titre exceptionnel et humanitaire ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que l'état ou la complexité du dossier aurait empêché le préfet de régulariser la situation de M. C...avant le 31 mai 2011 ; que, dès lors, en s'abstenant de prendre une décision pendant 27 mois et laissant ainsi M. C...dans l'expectative, alors que de surcroît ce dernier était atteint d'une grave affection, avant de prendre finalement une décision de régularisation, le préfet de la Haute-Corse a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que la circonstance que le préfet a régulièrement délivré un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'instruction de la demande n'est pas de nature à exonérer ni même atténuer la responsabilité de l'Etat envers le requérant ;

6. Considérant, s'agissant du préjudice, que le requérant sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice matériel lié à la perte de chance de pouvoir travailler qu'il évalue à un montant de 22 000 euros et une indemnité d'un montant de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'il estime avoir subis en raison de la faute commise par l'Etat ;

7. Considérant que M. C...est fondé à soutenir qu'il a été privé, du fait de la prolongation fautive de l'examen de sa demande de titre de séjour, de la possibilité de mener une vie privée et familiale dans des conditions normales ; qu'en revanche, les deux promesses d'embauche versées au dossier, datées des mois de mars et novembre 2009, ne permettent pas d'établir la perte sérieuse de chance d'occuper un emploi qu'il allègue ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices de toute nature subis par le requérant en les évaluant à la somme de 5 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que M. C...n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2011 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M.C....

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. C...la somme de 5 000 (cinq mille) euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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N° 11MA03618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03618
Date de la décision : 20/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : DONATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-09-20;11ma03618 ?
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