Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 22 octobre 2012 sous le n° 12MA04115, présentée pour Mme A... C...néeB..., demeurant au..., par Me D... ;
Mme C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1204438 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 février 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- l'article 12 de la directive " retour " impose une motivation distincte de la décision portant obligation de quitter le territoire français de celle du refus de séjour ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation familiale ;
- elle est entrée en France en mai 2008 et elle y a aussitôt construit sa vie de famille puisqu'elle s'est mariée le 7 mars 2009 avec un ressortissant français ;
- il ne peut lui être imposé en tant que conjoint de français de formuler une demande expresse de visa distincte de celle du titre de séjour sollicité ;
- mariée depuis au moins trois ans avec un ressortissant français, elle ne peut être expulsée en application de l'article L. 521-2-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou obligée de quitter le territoire, en vertu de l'article L. 511-4-7° ;
- la communauté de vie n'est pas discutable ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2013, présenté par le préfet des
Bouches-du-Rhône qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- Mme C...invoque en appel un moyen de légalité externe ;
- aucun moyen de légalité externe n'ayant été soulevé en première instance, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision incriminée est irrecevable ;
- Mme C...ne pouvant justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, le moyen tiré de la violation de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;
- la décision contestée n'est pas assortie d'une obligation de quitter le territoire mais d'une simple invitation ;
- la décision attaquée ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelante une atteinte disproportionnée ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2012 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2013 le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur ;
1. Considérant que MmeC..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 février 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que MmeC..., qui soutient être entrée en France en mai 2008, s'est mariée avec un ressortissant français le 7 mars 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que Mme C...a établi une communauté de vie stable avec son époux ; qu'il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, Mme C...a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et que le préfet a méconnu son droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'ainsi, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 20 février 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
5. Considérant qu'eu égard au motif énoncé ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un tel titre dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à MmeC..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 septembre 2012 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 février 2012 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à MmeC..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2013, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Lopa-Dufrénot, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 juillet 2013.
Le rapporteur,
S. CAROTENUTOLe président,
L. MARCOVICI
Le greffier,
J.P. LEFEVRE
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 12MA04115