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04/07/2013 | FRANCE | N°11MA01281

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2013, 11MA01281


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2011, présentée pour la SARL Resto cave restaurant lou fin gousie, dont le siège est 13-15 avenue de Bruxelles, Zone Industrielle les Estroublans à Vitrolles (13127), représentée par son gérant en exercice, par MeB..., du cabinet d'avocats Antognetti -B... ; la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900268 du 31 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à condamner solidairement la commune de Vitrolles, la communauté d'agglomération

du pays d'Aix et la société du Canal de Provence et d'aménagement de ...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2011, présentée pour la SARL Resto cave restaurant lou fin gousie, dont le siège est 13-15 avenue de Bruxelles, Zone Industrielle les Estroublans à Vitrolles (13127), représentée par son gérant en exercice, par MeB..., du cabinet d'avocats Antognetti -B... ; la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900268 du 31 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à condamner solidairement la commune de Vitrolles, la communauté d'agglomération du pays d'Aix et la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à lui verser la somme de 8 000 euros à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, à titre de réparation du préjudice financier qu'elle a subi à raison des travaux de requalification de la zone industrielle Les Estroublans à Vitrolles ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vitrolles, de la communauté d'agglomération du pays d'Aix et de la société du Canal de Provence la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a subi une gêne du fait des travaux entrepris dans la zone industrielle Les Estroublans à Vitrolles, dont la maîtrise d'ouvrage a été déléguée à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, qui excède celle que doivent supporter les riverains de la voie publique et a subi un préjudice anomal et spécial, qui doit être réparé sur le fondement des dommages de travaux publics subis par un tiers ;

- cette gêne résulte des difficultés d'accès au restaurant, de la poussière engendrée par les travaux rendant impossible l'installation de terrasses, des coupures fréquentes d'eau, d'électricité et de téléphone pendant les heures d'ouverture ;

- elle a ainsi connu de lourdes difficultés financières et l'ensemble du personnel a dû être licencié pour motif économique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2011, présenté pour la Communauté d'agglomération du pays d'Aix et la Société d'Economie Mixte d'Equipement du Pays d'Aix (SEMEPA) par MeE..., qui concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- la SEMEPA, maître d'ouvrage délégué, entend intervenir volontairement à l'instance ;

- la requête qui reproduit intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne répond pas à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la requérante n'établit ni la réalité d'un préjudice anormal et spécial, ni son éventuel lien avec les travaux ;

- même en l'absence de travaux la société aurait été contrainte de cesser son activité du fait de la résiliation par son bailleur, qui l'a indemnisée ;

- la condition tenant à la spécialité du préjudice fait défaut ;

- seul le bénéfice pourrait éventuellement donner lieu à indemnisation et non la seule baisse du chiffre d'affaires ;

- la réalité de la baisse du chiffre d'affaires alléguée n'est pas établie ;

- la requérante avait parfaitement connaissance des travaux programmés de longue date lors de son installation dans le secteur et s'est volontairement placée dans la situation pour laquelle elle revendique une réparation ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2011, présenté pour la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que :

- son chiffre d'affaires a diminué à compter du début des travaux en mai 2007 et est à l'origine de ses difficultés financières ;

- ces difficultés l'ont poussée à accepter la proposition de résiliation du bail commercial son bailleur, moyennant le versement d'une indemnité d'éviction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2011, présenté pour la commune de Vitrolles, par MeF..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- si l'accès au restaurant était moins aisé, il n'a jamais été rendu impossible ;

- le dommage ne revêt pas un caractère anormal et spécial ouvrant droit à indemnisation ;

- le lien de causalité entre la réalisation des travaux et le dommage subi n'est pas démontré ;

- elle n'assure pas la maîtrise d'ouvrage de l'opération en cause, mais seulement celle des travaux relatifs aux réseaux d'assainissement des eaux usées et d'eau potable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2012, présenté pour la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, par la SCP Roustan Beridot, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête d'appel n'est pas suffisamment motivée et est de ce fait irrecevable ;

- elle s'est bornée à mettre en place une canalisation et ne peut être à l'origine de la prétendue gêne subie par la société, dont la demande est mal dirigée en ce qui la concerne ;

- les pièces versées aux débats ne démontrent pas l'existence d'un préjudice anormal et spécial ;

- la société ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre les travaux publics et le préjudice allégué ;

- le personnel n'a été licencié que fin 2008, après refus de renouvellement du bail commercial, qui était le fait du bailleur comme en témoigne le versement d'une indemnité d'éviction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,

- et les observations de Me A...pour la communauté d'agglomération du pays d'Aix et de Me D...de la SCP Roustan-Beridot pour la société du canal de Provence ;

1. Considérant que la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie, qui exploite un établissement sous l'enseigne " Restaurant Lou fin Gousié " situé 13-15 avenue de Bruxelles au coeur de la zone industrielle Les Estroublans à Vitrolles, estimant avoir subi, du fait de la deuxième tranche des travaux de requalification de la zone, qui ont débuté au mois d'avril 2007, une baisse anormale de son chiffre d'affaires, a sollicité la condamnation solidaire de la commune de Vitrolles, de la communauté d'agglomération du pays d'Aix et de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à la réparation de ses préjudices ; qu'elle relève appel du jugement du 31 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l'intervention de la SEMEPA :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) " ; que l'intervention de la SEMEPA n'a pas été présentée par mémoire distinct mais dans le premier mémoire en défense de la communauté d'agglomération du pays d'Aix ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que si la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public, la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

4. Considérant, en premier lieu, que les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette ou la direction des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit au versement d'une indemnité, quand l'accès des riverains reste assuré ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 24 juillet 2008 produit par l'appelante, que nonobstant les modifications qui ont pu être apportées aux sens de circulation dans le secteur concerné et en dépit de la réalisation des travaux sur l'avenue de Bruxelles qui ont rendu plus difficiles les conditions de circulation au droit de l'immeuble où elle exploite son commerce, l'accès au restaurant " Lou Fin Gousié ", qui était essentiellement fréquenté par une clientèle d'habitués, a toujours été possible durant les travaux ; qu'en particulier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circulation n'a jamais été interdite, même temporairement ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges ont relevé que les seules photographies produites ne permettent pas d'apprécier la nature, la périodicité et l'intensité des nuisances sonores et visuelles ainsi que des poussières provoquées par les engins de chantier invoquées par la société requérante ; que la société n'apporte pas en appel d'éléments susceptibles de les caractériser davantage ; que si elle invoque l'existence de nuisances, liées à des coupures d'électricité, de téléphone et d'eau pendant les heures d'ouverture de l'établissement, elle se borne à produire pour en justifier un avis de coupure d'eau émanant de la société des eaux de Marseille faisant état d'une coupure le 17 janvier 2008 de 8 heures 30 à 15 heures ; qu'elle ne justifie pas, ce faisant, de l'anormalité de son préjudice ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la gêne subie du fait des travaux en cause, dans une zone industrielle dédiée aux activités commerciales et de production, n'a pas excédé les sujétions normales qui peuvent être imposées sans indemnités aux riverains des voies publiques et qu'ainsi, les dommages subis ne présentaient pas un caractère anormal et spécial ouvrant droit à réparation ; qu'ils ont également pu valablement relever que la seule référence à une différence de 80 000 euros constatée entre le chiffre d'affaires constaté en 2008 et celui constaté en 2007 ne pouvait constituer une évaluation pertinente du préjudice invoqué ;

7. Considérant enfin que les premiers juges ont pu à bon droit observer que la cessation de l'activité de restauration exploitée par la société appelante était à mettre en lien avec la résiliation, par son bailleur, du bail commercial dont elle était titulaire et qui lui avait valu une indemnité d'éviction de 275 000 euros ; qu'en se bornant à soutenir que cette résiliation trouverait son origine dans la baisse de son chiffre d'affaires consécutive aux travaux, la société, qui n'est pas à l'origine de la résiliation dudit bail, n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre la cessation de son activité et l'opération de travaux publics incriminée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête d'appel, ni sur le caractère éventuellement mal dirigé de ses conclusions, que la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les parties intimées, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, versent à la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de cette société une somme de 700 euros à verser, d'une part, à la communauté d'agglomération du pays d'Aix, d'autre part, à la commune de Vitrolles et enfin à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la SEMEPA n'est pas admise.

Article 2 : La requête la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie est rejetée.

Article 3 : La SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie versera la somme de 700 euros d'une part, à la communauté d'agglomération du pays d'Aix, d'autre part, à la commune de Vitrolles, et enfin à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Resto cave restaurant Lou Fin Gousie, à la commune de Vitrolles, à la Communauté d'agglomération du pays d'Aix, à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale et à la SEMEPA.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013, où siégeaient :

- M. Duchon-Doris, président de chambre,

- Mme Menasseyre, première conseillère,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.

La rapporteure,

A. MENASSEYRE Le président,

J.-C. DUCHON-DORIS

La greffière,

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 11MA01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01281
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère spécial et anormal du préjudice.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics - Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ANTOGNETTI - PERISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-07-04;11ma01281 ?
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