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25/06/2013 | FRANCE | N°11MA04485

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 25 juin 2013, 11MA04485


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2011, présentée pour l'EURL Sodemil, agissant par son représentant légal et dont le siège est 50 rue Saint Ferréol à Marseille (13001), par la SCP d'avocats Borel Del Prete et associés ;

L'EURL Sodemil demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905524 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 juillet 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confi

rmé la décision de l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône du 18 décembr...

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2011, présentée pour l'EURL Sodemil, agissant par son représentant légal et dont le siège est 50 rue Saint Ferréol à Marseille (13001), par la SCP d'avocats Borel Del Prete et associés ;

L'EURL Sodemil demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905524 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 juillet 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé la décision de l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône du 18 décembre 2008 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B... ;

2°) faire droit à sa demande présentée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D...de la SCP d'Avocats Borel Del Prete et Associés pour l'EURL Sodemil ;

1. Considérant que, par un courrier en date du 16 octobre 2008, l'EURL Sodemil a demandé l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. C... B..., exerçant les fonctions de directeur de restaurant et par ailleurs délégué syndical de l'UES BI SAS et représentant syndical auprès du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'UES BI SAS ; que l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône lui a opposé un refus le 18 décembre 2008 et, saisi sur recours hiérarchique de la société requérante, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé cette décision le 2 juillet 2009 ; que l'EURL Sodemil défère à la Cour le jugement du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du 2 juillet 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal a indiqué avec suffisamment de précision les motifs pour lesquels il a estimé les faits reprochés à M. B...comme étant insuffisamment établis ; qu'à supposer que les premiers juges aient mal apprécié la valeur probante ou la portée des pièces produites devant eux, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement ;

3. Considérant, en revanche, qu'en matière d'autorisation de licenciement des salariés protégés, les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire ; que, par suite, la demande, présentée par l'EURL Sodemil devant le tribunal contre la décision du ministre du 2 juillet 2009 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M.B..., devait être regardée comme tendant également à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2008 lui ayant précédemment opposé un refus ; qu'en omettant de statuer également sur la légalité de cette dernière décision, les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur jugement ; que, dès lors, celui-ci doit être annulé dans cette mesure ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2008 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de l'EURL Sodemil ;

Sur la légalité des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; (...) 4° Représentant syndical au comité d'entreprise (...) " ; qu'en vertu des dispositions des articles L. 2411-3 et L. 2411-8 du même code, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils assistent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'EURL Sodemil reproche à M. B... d'avoir détourné des biens matériels et des ressources financières de l'entreprise à des fins personnelles, de ne pas avoir respecté les règles en matière d'hygiène alimentaire et de qualité de production, d'avoir manqué aux règles de sécurité, notamment en imposant à des collaborateurs d'ouvrir seuls le restaurant et en ayant organisé des fêtes au sein de l'établissement au cours desquelles étaient introduites des boissons alcoolisées et des substances stupéfiantes, d'avoir méconnu la législation du travail à l'égard des employés, en particulier en ayant fait travailler dans le restaurant une personne non salariée, en ayant donné des instructions pour que le personnel travaille en dehors des heures pointées et en manifestant un favoritisme à l'égard de certains salariés, enfin de faire subir aux employés un harcèlement moral, voire pour l'un d'eux un harcèlement sexuel ; que l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement au motif que la matérialité de ces faits n'était pas établie et que la demande de licenciement était en lien avec les mandats exercés par le salarié ; que le ministre a confirmé ce refus en ne retenant que le premier motif ;

7. Considérant que, si certains des griefs formulés à l'encontre de M. B...ne peuvent être considérés comme établis, l'EURL Sodemil produit cependant douze témoignages de salariés faisant état, de la part du directeur du restaurant, de violence verbale envers les employés, d'un ton agressif, de propos irrespectueux voire vulgaires, de dénigrement injustifié, d'humiliations, d'une attitude irascible et de décisions discriminatoires ; que, selon l'ensemble des témoignages, les abus de pouvoir du directeur entretenaient au sein de l'établissement un climat permanent de malaise et de stress ; que plusieurs salariés indiquent également que le directeur donnait des instructions pour que le personnel travaille en dehors des heures pointées, qu'il ne répondait pas aux demandes de congés, d'absence ou de modification des jours et horaires de travail alors qu'il affichait tardivement les plannings et qu'il adressait parfois sans motif réel à certains employés plusieurs courriers recommandés la même semaine les menaçant de sanctions disciplinaires ;

8. Considérant que, si certaines attestations sont peu précises et circonstanciées, ces faits peuvent néanmoins être considérés comme établis compte tenu du nombre de témoignages produits, de leur caractère concordant et de la circonstance qu'ils dénoncent un comportement général du directeur de l'établissement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces témoignages aient été rédigés à la demande de la direction de la société ; que le ministre relève, dans sa décision, qu'ils ont été produits par les salariés à la suite d'une réunion de libre expression qui s'est tenue le 17 septembre 2008 avec les représentants de la direction de l'entreprise ; qu'il admet lui-même, cependant, que cinq employés seulement ont participé à cette réunion, alors que douze d'entre eux ont apporté leur témoignage ; que, de même, la circonstance, évoquée par l'inspecteur du travail, que trois salariés aient bénéficié d'une promotion quelques jours après avoir produit leur témoignage ne suffit pas à mettre en cause la sincérité de l'ensemble des témoignages, alors que l'EURL Sodemil fait valoir, sans être contredite, que ces promotions sont indépendantes de la procédure de licenciement en cause mais récompensent les mérites des intéressés ; que, dès lors, l'EURL Sodemil est fondée à soutenir que c'est à tort que la totalité des griefs formulés à l'encontre de M. B... a été écartée au motif que les faits étaient insuffisamment établis ; qu'il suit de là que la décisions du ministre du 2 juillet 2009 est entachée d'illégalité ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. B... serait en rapport avec ses fonctions représentatives ou son appartenance syndicale ; que les circonstances que la société requérante se soit vu refuser une précédente autorisation de licenciement en mai 2008 au motif d'un lien entre la demande et l'exercice des mandats de l'intéressé et que, postérieurement, M. B... se soit opposé à la direction de la société dans l'accomplissement de ses fonctions représentatives, ne suffisent pas à établir que la nouvelle procédure de licenciement engagée par l'EURL Sodemil était en rapport avec les mandats exercés par l'intéressé ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la réunion du 17 septembre 2008 et le recueil de témoignages n'ont eu que pour objet, comme l'a affirmé l'inspecteur du travail dans sa décision, de chercher un nouveau motif disciplinaire afin de réengager une procédure de licenciement contre M. B..., alors, d'une part, que la société requérante établit qu'en vertu d'un accord d'entreprise signé en juin 2004, des réunions de libre expression sont organisées tous les six mois dans chaque restaurant, d'autre part, que l'un des témoignages produits est daté de septembre 2004, soit antérieurement à ladite réunion ; qu'ainsi, l'EURL Sodemil est fondée à soutenir que le licenciement envisagé ne pouvait être regardé comme étant en rapport avec les mandats de M. B... ; qu'il suit de là que la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2008 est également entachée d'illégalité ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l'EURL Sodemil est fondée à demander l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2008 et à soutenir que c'est à tort que, par la partie non encore annulée du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 2 juillet 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EURL Sodemil et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : Les décisions de l'inspecteur du travail du 18 décembre 2008 et du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 2 juillet 2009 sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à l'EURL Sodemil la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Sodemil, à M. C... B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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