Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2011, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par la Selarl cabinetA..., avocat ;
Mme B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000799 du 17 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant :
- à l'annulation de la décision du 25 janvier 2010 par laquelle l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer (ANIFOM) a rejeté sa demande de versement des intérêts au taux légal sur la somme de 234 170,67 euros qui lui a été restituée au titre de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 ;
- à la condamnation de l'ANIFOM à lui payer les sommes correspondantes au 23 mars 2010, outre les intérêts à courir avec anatocisme à l'issue de chaque période annuelle à compter de la demande, soit :
* 181 820,85 euros, à titre subsidiaire sans anatocisme 62 247,87 euros, sur les sommes prélevées au 16 mai 1978 ;
* 475 002,64 euros, à titre subsidiaire sans anatocisme 178 014,38 euros, sur les sommes prélevées au 24 mars 1980 ;
* 186 085,20 euros, à titre subsidiaire sans anatocisme 75 609,22 euros, sur les sommes prélevées au 21 août 1981 ;
* 319 966,45 euros, à titre subsidiaire sans anatocisme 139 523,86 euros, sur les sommes prélevées au 19 novembre 1982 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'ANIFOM le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;
Vu loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés ;
Vu le décret n° 2005-539 du 26 mai 2005 pris pour l'application de l'article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...pour MmeB... ;
1. Considérant que, par jugement du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 janvier 2010 par laquelle l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer (ANIFOM) a refusé de lui verser les intérêts au taux légal sur la somme totale de 234 170,67 euros qui lui a été restituée au titre de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 et, d'autre part, à la condamnation de l'ANIFOM à lui payer les sommes correspondantes ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que Mme B... soutient que le tribunal a répondu de manière générale à ses moyens fondés sur les obligations de l'Etat français sans répondre au moyen tiré de ce que l'absence d'actualisation des sommes restituées entraîne une discrimination au regard des restitutions opérées, en faveur des organismes bancaires, organisées par d'autres dispositifs d'indemnisation, et des personnes réinstallées non propriétaires relevant de la loi d'indemnisation du 16 juillet 1987, en méconnaissance des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la rupture d'égalité devant la loi et les charges publiques en se fondant sur le motif tiré de ce que l'Etat est intervenu au nom de la solidarité nationale pour effacer les dettes de tous les rapatriés sans être tenu de se substituer à l'Etat algérien ; qu'ainsi, le tribunal a, implicitement mais nécessairement, écarté le moyen invoqué ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité ;
Sur la demande de mise en cause de l'Etat :
3. Considérant que Mme B...a demandé, dans son dernier mémoire en réponse à la lettre de la Cour du 16 mai 2013 informant les parties de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, la mise en cause de l'Etat afin qu'il soit débattu contradictoirement avec le ministre intéressé de ses conclusions dirigées contre l'ANIFOM, présentées sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des lois ; que, toutefois, Mme B...n'a présenté aucune conclusion tendant à la condamnation de l'Etat, lesquelles auraient été, au demeurant, nouvelles en appel ; que, par suite, la demande de mise en cause de l'Etat est dépourvue d'objet ;
Sur la décision de refus de l'ANIFOM et les conclusions indemnitaires :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 15 janvier 1970 : " Une contribution nationale à l'indemnisation prévue à l'article 4, troisième alinéa, de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 est accordée par l'Etat français aux personnes remplissant les conditions fixées au chapitre Ier du titre Ier de la présente loi. (...) Cette contribution a le caractère d'une avance sur les créances détenues à l'encontre des Etats étrangers ou des bénéficiaires de la dépossession " ; qu'aux termes de l'article 46 de cette même loi : " (...) avant tout paiement, l'indemnité revenant au bénéficiaire est affectée, suivant les modalités indiquées ci-après, au remboursement des prêts qui lui ont été consentis par l'Etat ou par les organismes de crédit ayant passé une convention avec l'Etat en vue de sa réinstallation en France ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1978 : " Une indemnisation est allouée, selon les modalités fixées ci-après, aux personnes qui remplissent les conditions définies au titre 1er de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 modifiée. Cette indemnisation se compose de la contribution nationale établie par la loi susmentionnée et du complément défini par la présente loi. Elle a le caractère d'une avance sur les créances détenues à l'encontre des Etats étrangers ou des bénéficiaires de la dépossession " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " Sont, le cas échéant et dans l'ordre suivant, déduits du complément d'indemnisation : (...) - les intérêts non payés des prêts mentionnés à l'article 46 de ladite loi échus avant le 6 novembre 1969 et entre les dates de liquidation de la contribution nationale et du complément d'indemnisation ; - le capital des prêts mentionnés à l'article 46 de ladite loi non remboursé à la date de liquidation du complément d'indemnisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 : " I. - Sont restituées aux bénéficiaires des indemnisations ou, en cas de décès à leurs ayants droit, les sommes prélevées sur les indemnisations par l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer et affectées au remboursement partiel ou total des prêts au titre des dispositions suivantes : 1° L'article 46 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l 'indemnisation des français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; 2° Les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 de la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens.(...) " ; qu'enfin aux termes de l'article 4 du décret du 26 mai 2005 : " Les sommes à restituer au titre du I de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 susvisée sont celles mentionnées comme ayant été déduites sur les décisions qui ont été notifiées aux bénéficiaires de l'indemnisation après examen de leur droits à indemnités au titre des lois du 15 juillet 1970 et du 2 janvier 1978 (...) " ;
5. Considérant qu'en application de l'article 12 de la loi du 23 février 2005, Mme B..., en sa qualité d'ayant droits de rapatriés d'Algérie, a reçu le 28 février 2007 la somme totale de 234 170,67 euros en restitution des indemnités attribuées à ses parents sur le fondement des dispositions des lois du 15 juillet 1970 et 2 janvier 1978 et prélevées les 16 mai 1978, 24 mars 1980, 21 août 1981 et 19 novembre 1982 pour être affectées au remboursement des prêts contractés en vue de leur réinstallation en France ; que, par courrier du 7 janvier 2010, Mme B... a demandé à l'ANIFOM le versement des intérêts au taux légal sur la somme restituée qui serait " réellement due depuis 1970 " ; que, par décision du 25 janvier 2010, l'ANIFOM a rejeté cette demande ;
6. Considérant, en premier lieu, que, saisie d'une demande tendant au paiement d'une créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée ; qu'en conséquence, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ; que, toutefois, il ressort des dispositions précitées, notamment de celles de l'article 1er de la loi du 15 janvier 1970, que les sommes versées aux rapatriés constituent une contribution nationale qui a le caractère d'une avance sur les créances détenues par les bénéficiaires de cette contribution à l'encontre d'Etats étrangers ou à l'encontre des bénéficiaires de leur dépossession ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, dites "accords d'Evian", ne comportent pas de clauses ou de promesses garantissant aux Français résidant en Algérie qu'au cas où ils seraient spoliés de leurs biens par l'Etat algérien, l'Etat français les indemniserait du préjudice en résultant ; que ce dernier n'était donc pas tenu de se substituer à l'Etat algérien défaillant pour indemniser intégralement les propriétaires français dépossédés ; qu'il en résulte que les sommes restituées en vertu de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 ne constituent pas le paiement d'une créance née de la privation d'un droit de propriété qui aurait été le fait de l'Etat français, ni le paiement d'une créance qu'auraient détenue les rapatriés sur l'Etat français ; que, dès lors, le versement d'intérêts moratoires n'aurait pu se faire que s'il avait été expressément prescrit ; qu'il ne résulte ni des dispositions de l'article 12 de la loi du 23 février 2005, ni de celles de l'article 4 du décret du 26 mai 2005, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la somme en cause aurait dû être augmentée des intérêts moratoires ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que, par la décision contestée, l'ANIFOM a rejeté la demande de Mme B... ;
7. Considérant, en second lieu, que Mme B... fait valoir que l'ANIFOM doit être condamnée à lui payer les intérêts sur les sommes restituées en invoquant expressément, et exclusivement, la responsabilité sans faute de cet établissement public du fait des lois des 15 juillet 1978, 2 janvier 1978 et 23 février 2005, ou des accords d'Evian, qui entraîneraient une rupture de l'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi qu'une atteinte au droit de propriété et une discrimination, en méconnaissance des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention européenne ; que, toutefois, l'ANIFOM, qui s'est bornée à mettre en oeuvre les dispositions législatives en cause, est une personne morale distincte de l'Etat et disposant d'un patrimoine propre ; que l'ANIFOM ne saurait ainsi voir sa responsabilité sans faute engagée du fait des lois ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation de l'ANIFOM sur ce fondement sont mal dirigées et doivent être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à l'Agence nationale de l'indemnisation des français d'outre-mer.
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N° 11MA01931 3
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