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18/06/2013 | FRANCE | N°11MA02681

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 18 juin 2013, 11MA02681


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juillet 2011 sous le n° 11MA02681, présentée par MeC..., pour la commune du Muy, représentée par son maire en exercice ; La commune du Muy demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900242 rendu le 9 juin 2011 par le tribunal administratif de Toulon, en tant que ce jugement, à la demande de M. B...A..., a annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 132/2008 en date du 9 décembre 2008 du conseil municipal de la commune du Muy arrêtant à 24 693,24 euros la créance due par MmeG..., professeur des écoles,

à raison d'un logement de fonctions que cette dernière a occupé sans droit...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juillet 2011 sous le n° 11MA02681, présentée par MeC..., pour la commune du Muy, représentée par son maire en exercice ; La commune du Muy demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900242 rendu le 9 juin 2011 par le tribunal administratif de Toulon, en tant que ce jugement, à la demande de M. B...A..., a annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 132/2008 en date du 9 décembre 2008 du conseil municipal de la commune du Muy arrêtant à 24 693,24 euros la créance due par MmeG..., professeur des écoles, à raison d'un logement de fonctions que cette dernière a occupé sans droit ni titre pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2008 ;

2°) de rejeter les conclusions de M.A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, modifiée par la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 89-496 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;

Vu la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes ;

Vu le décret n° 85-899 du 21 août 1985 relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion du personnel relevant du ministère de l'éducation nationale, modifié par le décret n° 88-11 du 4 janvier 1988 ;

Vu le décret n°90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de MeF..., substituant Me C...pour la commune du Muy,

- les observations de Me D...pour M.A...,

- et les observations de Me H...pour Mme G...;

Sur l'étendue du litige :

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., par mémoire du 17 avril 2013, s'est désisté purement et simplement de ses conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire émis le 30 décembre 2008 à l'encontre de MmeG..., pour un montant de 24 693,24 euros ; que rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte ;

Sur la recevabilité en appel :

2. Considérant que la commune appelante soutient que l'intervention volontaire en appel de MmeG..., qui n'était pas partie en première instance, serait irrecevable ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la solution du présent litige étant susceptible de préjudicier aux droits de MmeG..., et afin d'éviter une éventuelle tierce-opposition au présent arrêt, la Cour a placé d'office Mme G...dans la procédure en qualité d'observateur, et lui a communiqué l'intégralité des mémoires et pièces de cette procédure à fin de recueillir ses observations ; que dans ces conditions, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que les écritures de MmeG..., présentées devant la Cour, seraient irrecevables ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué

En ce qui concerne la recevabilité en première instance :

3. Considérant, ainsi que l'a dit le tribunal, que M.A..., en sa seule qualité de conseiller municipal de la commune du Muy, avait intérêt à agir contre la délibération en litige du 9 décembre 2008 votée par son propre conseil municipal ; qu'il s'ensuit que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté sa fin de non-recevoir tirée de ce que M. A...ne pouvait ester en justice, à la place de MmeG..., contre cette délibération ;

En ce qui concerne la légalité de l'occupation à titre gratuit du logement en litige :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme G..., titularisée professeur des écoles à compter du 1er septembre 1993 et nommée en 1998 directrice de l'école maternelle de la commune du Muy, a bénéficié dès son arrivée de l'occupation à titre gratuit d'un logement de fonction, par décision non formalisée du maire du Muy ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le bénéfice d'un logement ou d'une indemnité représentative de logement était réservé aux seuls instituteurs par l'article 14 de la loi du 30 octobre 1886 modifiée par l'article 31 de la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990, et que les professeurs des écoles dont le statut particulier a été fixé par le décret n° 90-680 du 1er août 1990 sont exclus de cet avantage ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les pièces versées au dossier montrent que le logement en litige est situé dans les bâtiments constituant le groupe scolaire et qu'il avait été spécialement aménagé pour les besoins du service public concerné, en ayant un accès direct aux locaux scolaires par un portillon ; que dans ces conditions, et en l'absence de toute décision de déclassement produite par la commune, ce logement doit être regardé comme appartenant au domaine public communal, nonobstant la circonstance que son accès a été matériellement séparé de l'école elle-même ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : "Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation." ; qu'aux termes de son article L. 2122-1 : "Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous." ; qu'aux termes du 2° de son article L. 2122-20 : "Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent délivrer des autorisations d'occupation constitutives de droit réel dans les conditions déterminées par les articles L. 1311-5 à L. 1311-8 du code général des collectivités territoriales." ; qu'aux termes de son article L. 2123-1 : "Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 gèrent ou font gérer leur domaine public, dans les conditions fixées par les lois et les règlements en vigueur." ; qu'aux termes de son article L. 2124-32 : "Les conditions d'attribution d'un logement de fonction par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics sont régies par les dispositions de l'article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990." ; et qu'aux termes de l'article 21 de ladite loi n° 90-1067 : "Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance par la collectivité ou l'établissement public concerné, en raison notamment des contraintes liées à l'exercice de ces emplois. La délibération précise les avantages accessoires liés à l'usage du logement. Les décisions individuelles sont prises en application de cette délibération par l'autorité territoriale ayant le pouvoir de nomination." ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune délibération n'a été prise par le conseil municipal du Muy autorisant Mme G... à occuper le logement en litige, à quelque titre que ce soit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'occupation à titre gratuit par Mme G... du logement en litige était illégale, dès lors qu'il n'est pas établi que cette occupation, non prévue par le statut de l'intéressée, était justifiée par nécessité absolue du service, qu'aucune délibération du conseil municipal n'avait autorisé une telle occupation en en fixant les modalités, et que le maire du Muy était incompétent pour autoriser de façon non formalisée ladite occupation à compter de l'année 1998 ;

En ce qui concerne les droits acquis :

9. Considérant, en premier lieu, que la délibération attaquée du 9 décembre 2008 du conseil municipal du Muy a décidé de réclamer à Mme G...la somme de 24 693,24 euros au titre des redevances qu'elle aurait dû verser pour l'occupation de son logement, en en fixant rétroactivement le loyer mensuel et en en réclamant le versement sur la période de cinq ans courant du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2008 ; que cette délibération doit être ainsi regardée comme ayant retiré la décision non formalisée du maire autorisant l'occupation à titre gratuit dès l'année 1998 ; qu'une autorité compétente pour prendre une décision peut retirer une décision relevant de son domaine de compétences prise par une autorité incompétente pour ce faire ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de l'administration accordant un avantage financier à un agent public qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration, qui témoignent de ce que le bénéfice de l'avantage ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation, est créatrice de droits et ne peut être retirée, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, sauf dispositions législatives contraires, ou demande en ce sens de l'intéressé, ou manoeuvre frauduleuse de l'intéressé ; qu'eu égard au comportement de l'administration communale pendant la période courant de 1998 à 2008, la décision non formalisée du maire du Muy ayant accordé à Mme G...un avantage financier, révélée par les circonstances de l'espèce, ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation susceptible d'être retirée à tout moment ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré ; que, toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droits sont écoulés, il appartient à l'administration, pour procéder à ce retrait, d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du bénéficiaire de la tromper ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que dès lors que le logement en litige était manifestement situé au sein des bâtiments publics du groupe scolaire, il ne peut être reproché à l'intéressée de ne pas s'être étonnée de l'absence d'un contrat de bail fixant un loyer au prix du marché locatif, établi sur la base de l'article L. 2222-7 du code général de la propriété des personnes publiques en vertu duquel les opérations de mise à disposition ou de location d'un logement du domaine privé communal ne peuvent être réalisées ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à la valeur locative ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas établi que Mme G...a eu l'intention de tromper l'administration communale, par des déclarations mensongères ou des documents falsifiés, en faisant notamment valoir qu'elle était institutrice et non professeur des écoles ; que si, certes, elle ne pouvait pas ignorer que son statut ne l'autorisait pas, de façon générale, à bénéficier d'un logement de fonction à titre gratuit, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu accepter, de bonne foi, le propos du maire du Muy l'assurant de ce qu'elle pouvait, sur la commune du Muy, occuper gratuitement et légalement le logement en litige et qu'il ne peut lui être reproché, dans les circonstances de l'espèce, de ne pas avoir fait confiance au maire en vérifiant l'existence, en amont, d'une autorisation légale de l'organe compétent, le conseil municipal ; qu'à cet égard, l'administration n'apporte aucun élément de nature à prouver que l'intéressée avait eu connaissance, au moment de son recrutement en 1998, de ce que certains précédents occupants du logement avaient versé une redevance ; que la commune appelante n'établit pas enfin une quelconque collusion entre l'intéressée et le maire, lequel ne pouvait de son côté ignorer l'illégalité de sa position en l'absence de toute délibération de son conseil municipal ; que, dans ces conditions, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que Mme G...avait frauduleusement bénéficié de l'avantage qui lui avait été consenti, motifs pris de qu'il était manifestement illégal, de ce que l'intéressée ne pouvait pas l'ignorer compte tenu de ses fonctions, et de ce qu'elle aurait participé au surplus activement à son attribution ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la délibération en litige en estimant que la décision non formalisée d'attribution du logement à titre gratuit avait eu pour effet de créer des droits acquis et que le conseil municipal ne pouvait se prévaloir d'une fraude de l'intéressée pour porter atteinte à ces droits acquis, en retirant cette décision au-delà du délai de quatre mois susmentionné ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15 Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leur frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 11MA02681 de commune du Muy est rejetée.

Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de M. A...à fin d'annulation du titre exécutoire émis le 30 décembre 2008 à l'encontre de Mme G...pour un montant de 24 693,24 euros (vingt quatre mille six cent quatre vingt treize euros et vingt quatre centimes d'euros).

Article 3 : Les conclusions de M. A...et de Mme G...tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à commune du Muy, à M. B...A...et à Mme E... G....

Copie en sera adressée à l'inspecteur d'académie du Var et au trésorier payeur général du Var.

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N° 11MA026815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02681
Date de la décision : 18/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes créateurs de droits.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement du premier degré - Instituteurs et professeurs des écoles - Logement de fonction.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : AJC - AVOCATS JURISTES CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-06-18;11ma02681 ?
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