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11/06/2013 | FRANCE | N°11MA02122

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 juin 2013, 11MA02122


Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2011, présentée pour la commune de Rabou, représentée par son maire, par Me G...;

La commune de Rabou demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0800215 du 7 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de MM. D...etC..., a annulé le refus implicite de son maire d'abroger l'arrêté du 17 décembre 1990 interdisant la pratique des sports en eau vive dans le canyon du cours d'eau dénommé " Le Torrent de la Rivière ", lui a enjoint d'abroger ledit arrêté dans un délai

de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge la s...

Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2011, présentée pour la commune de Rabou, représentée par son maire, par Me G...;

La commune de Rabou demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0800215 du 7 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de MM. D...etC..., a annulé le refus implicite de son maire d'abroger l'arrêté du 17 décembre 1990 interdisant la pratique des sports en eau vive dans le canyon du cours d'eau dénommé " Le Torrent de la Rivière ", lui a enjoint d'abroger ledit arrêté dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de MM. D...et C...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Rabou ;

1. Considérant que, par un arrêté en date du 17 décembre 1990, le maire de Rabou a interdit sur le cours d'eau dit " Le Torrent de la Rivière ", dans la partie communément dénommée le canyon de Rabou, la pratique de tous les sports en eau vive, la descente et la montée du lit du cours d'eau sous quelque forme que ce soit et la pratique de l'escalade des lits et berges ; que, par un courrier du 13 décembre 2007, MM. D...et C...ont demandé au maire d'abroger cet arrêté ; que, le 14 janvier 2008, ils ont contesté devant le tribunal administratif de Marseille la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Rabou sur leur demande ; que la commune de Rabou demande à la Cour d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 7 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé le refus implicite du maire, lui a enjoint d'abroger l'arrêté du 17 décembre 1990 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

3. Considérant que, pour prendre l'arrêté contesté, le maire s'est fondé sur le caractère dangereux de la partie du cours du " Torrent de la Rivière " situé en aval du pont de la RD 503 jusqu'à la limite sud de la commune, en raison de la présence de gorges, cascades et trous d'eau profonds et du risque de chute de pierres et de rochers, sur les troubles à la tranquillité publique que suscitait l'affluence d'un nombre important d'adeptes du " canyoning " et sur le souci de préserver l'intégrité écologique du site ;

4. Considérant que le tribunal a annulé le refus du maire de Rabou d'abroger l'arrêté du 17 décembre 1990 au motif que, s'il avait été édicté légalement, il était devenu illégal dès lors qu'un rapport établi le 28 juin 2007 par le service de restauration des terrains en montagne de l'Office national des forêts, à la demande du préfet des Hautes-Alpes, avait conclu à l'absence de risque inhabituel ou particulièrement élevé de chutes de pierre et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les motifs tirés du maintien de la tranquillité publique et de la préservation environnementale du site ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la pratique du " canyoning " soit, par elle-même, de nature à porter atteinte à la protection du site, en particulier de la faune aquatique ; qu'il ressort par ailleurs du rapport du 28 juin 2007 susmentionné que les parois des falaises surplombant le canyon de Rabou ne présentent pas de risque particulier de chutes de pierre ; qu'aucune pièce versée au dossier ne permet d'établir que le cours du " Torrent de la Rivière ", dans sa partie située en aval du pont de la RD 503 jusqu'à la limite sud de la commune, comporte des cascades ou trous d'eau représentant un danger pour les adeptes du " canyoning " ; qu'en revanche, il n'est pas contesté que la pratique de cette activité dans les gorges de Rabou provoque des nuisances pour les habitants du village, notamment sonores, et des dégradations des propriétés privées riveraines de la rivière ; que ces troubles engendrent depuis de nombreuses années et de manière récurrente des tensions entre une partie des habitants de la commune et les adeptes du " canyoning " ; que, si un compromis semble avoir été trouvé au cours de l'année 2004 entre la commune et les professionnels intéressés par cette activité, il ressort des pièces du dossier que des difficultés sont de nouveaux survenues à partir d'août 2006, comme en témoignent les échanges de courriers entre le maire de la commune et le président du Syndicat national des professionnels de la spéléologie et du canyon (SNPSC) entre août 2006 et janvier 2007, ainsi que les articles de presse produits en première instance par MM. D...etC... ; qu'il n'est pas contesté que l'antagonisme entre les pratiquants du " canyoning " et certains habitants de la commune, qui existait déjà en 1990, subsistait à la date à laquelle le maire de Rabou a refusé d'abroger son arrêté ; qu'ainsi, les atteintes à la tranquillité publique provoquées par la pratique du " canyoning " dans les gorges de Rabou et le climat conflictuel en résultant sur le territoire communal justifiaient, à eux seuls, l'édiction puis le maintien de l'interdiction litigieuse ;

6. Considérant, cependant, que cette interdiction, si elle concerne une partie seulement du " Torrent de la Rivière ", ne comporte aucune limitation dans le temps ; qu'en prohibant la pratique des sports en eau vive chaque jour de l'année et quelle que soit la plage horaire, le maire de Rabou a insuffisamment pris en compte la nécessité de concilier la tranquillité des habitants du village avec le droit des adeptes de ces sports, qui ne disposent d'aucun autre site dans le département des Hautes-Alpes, de pratiquer effectivement de telles activités ; que, par suite, en interdisant de manière permanente la pratique des sports en eau vive dans la partie du " Torrent de la Rivière " concernée, le maire de Rabou a pris une mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi ; que, dès lors, il devait faire droit, dans cette mesure, à la demande d'abrogation de l'arrêté contesté présentée par MM. D...etC..., sans préjudice des droits des propriétaires riverains de la rivière à interdire le passage par leur propriété, ni de la faculté pour le maire de réglementer l'exercice de ces activités durant les périodes où elles ne sont pas interdites ;

7. Considérant, par ailleurs, que l'arrêté du 17 décembre 1990 interdit également de descendre et monter le lit du cours d'eau " sous quelque forme que ce soit " et de pratiquer l'escalade sur les lits et les berges ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué par la commune que ces activités soient, par elles-mêmes, source de troubles à la tranquillité publique, ni qu'elles soient de nature à porter atteinte à l'intégrité du site ; que, comme il a été dit, les parois des falaises surplombant le canyon de Rabou ne présentent pas de risque particulier de chutes de pierre ; que, dès lors, en édictant ces deux interdictions, en termes très généraux et également de manière permanente, le maire de Rabou a pris une mesure injustifiée au regard des objectifs poursuivis de sécurité publique, de tranquillité publique et de préservation du site ; que, par suite, l'arrêté litigieux étant également entaché d'illégalité dans cette mesure, le maire de Rabou devait faire droit à la demande d'abrogation présentée par MM. D...et C...;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rabou n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 17 décembre 1990 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Rabou est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rabou, à M. E... D...et à M. F... C....

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N° 11MA02122

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02122
Date de la décision : 11/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Étendue des pouvoirs de police - Illégalité des interdictions absolues.

Police - Police générale - Tranquillité publique - Manifestations sportives.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BGLM - SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-06-11;11ma02122 ?
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