La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2013 | FRANCE | N°11MA02769

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 juin 2013, 11MA02769


Vu la requête enregistrée le 18 juillet 2011, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par Me D...F... ; Mme E...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0905565 rendu le 17 mai 2011 par le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

- de condamner le SIVOM de l'étang d'Or à lui verser une somme de 10 000 euros ;

- de mettre à la charge du SIVOM de l'étang d'Or le paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



-----------------------------------------------------------------------------...

Vu la requête enregistrée le 18 juillet 2011, présentée pour Mme C...E..., demeurant..., par Me D...F... ; Mme E...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0905565 rendu le 17 mai 2011 par le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

- de condamner le SIVOM de l'étang d'Or à lui verser une somme de 10 000 euros ;

- de mettre à la charge du SIVOM de l'étang d'Or le paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n°86-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2012 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Philippe Renouf, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Gonzales, président de la 8ème chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience du 14 mai 2013 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour la communauté de communes du pays de l'Or ;

1. Considérant que Mme E...a été recrutée par le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de l'étang d'Or, par contrat à durée déterminée, à compter du 22 mars 2001, en qualité d'agent de service vacataire et effectuait alors des remplacements au sein du restaurant scolaire de la Grande-Motte ; qu'après plusieurs renouvellements de contrats, elle a été recrutée à compter du 1er juillet 2004 en qualité d'agent social et exerçait des fonctions d'aide à domicile auprès de personnes âgées ; que son contrat n'a pas été renouvelé au-delà du 31 août 2005 ; que, par un jugement en date du 17 mai 2011, le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'un recours de plein contentieux de MmeE..., a condamné le SIVOM de l'étang d'Or à verser à l'intéressée une somme de 4 000 euros tous intérêts compris au titre d'heures réalisées entre le 1er juillet 2004 et le 30 novembre 2004 ainsi qu'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que Mme E...interjette appel dudit jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ; que la communauté d'agglomération du pays de l'Or venant aux droits du SIVOM de l'étang d'Or demande pour sa part à la Cour d'annuler ledit jugement en tant qu'il a condamné ledit SIVOM de l'étang d'Or à verser les sommes précitées à MmeE... ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal a, ainsi que le soutient à juste titre la communauté d'agglomération du pays de l'Or, condamné cette dernière à verser la somme de 1 000 euros à Mme E...au titre de troubles dans ses conditions d'existence et d'un préjudice moral sans caractériser la faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il a ainsi entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres causes d'irrégularité du jugement alléguées par la communauté d'agglomération du pays de l'Or, cette dernière est fondée à demander l'annulation dudit jugement ; qu'il y a lieu, dès lors, de statuer par la voie de l'évocation ;

Sur la rémunération due à MmeE... :

S'agissant de l'exception de prescription quadriennale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) " ;

4. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué, s'est, dès lors qu'il n'avait pas été saisi d'une exception de prescription quadriennale, prononcé sur le fond du litige ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale soulevée en cause d'appel par l'avocat de la communauté de communes intimée n'est, en tout état de cause, pas recevable ;

S'agissant des heures de travail effectuées :

Quant aux heures de travail de nuit :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 12 juillet 2001 : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret précité du 25 août 2000 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à leurs occupations. " ; que, par ailleurs, l'article 5 dudit décret dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée come un temps de travail effectif " ;

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient regardées comme du temps de repos les périodes durant lesquelles un agent présent sur son lieu de travail en vue d'y accomplir un service de garde n'est pas effectivement sollicité, dès lors qu'il demeure, pendant ce temps d'inaction, à la disposition de son employeur ; que, par suite, Mme E...est fondée à soutenir qu'elle devait être regardée comme accomplissant un travail effectif durant la totalité de son service d'agent social au domicile de personnes âgées, alors même que ce service comportait des périodes d'inaction pendant lesquelles l'intéressée se retirait pour dormir ;

7. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, issu de l'article 21 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 " les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics (...) sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat " ; qu'il appartient aux organes compétents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, en application des dispositions de l'article 7-1 précité, de régler l'organisation de leurs services et notamment de fixer la durée hebdomadaire de travail du personnel, sous réserve du respect des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'ils peuvent notamment, dans ce cadre, fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comporte l'exercice de certaines fonctions ;

8. Considérant que la communauté d'agglomération du pays de l'Or fait valoir que, s'inspirant de la convention collective applicable aux auxiliaires de vie, le SIVOM de l'étang d'Or a, comme il en avait la possibilité, instauré un régime d'équivalence pour le travail accompli de nuit par les agents sociaux sur la base d'une rémunération de 4 heures pour 9 heures de présence ; qu'elle se prévaut à cet égard d'une délibération en date du 22 janvier 2004 qu'elle n'avait pas produite en première instance ; que, toutefois, s'il résulte de l'instruction qu'un tel système d'équivalence a effectivement été proposé au conseil syndical, il n'est pas établi qu'il aurait été adopté par ce dernier ; que par suite, en l'absence de toute instauration, par le conseil syndical du SIVOM de l'étang d'Or, d'un régime d'équivalence, ce dernier, qui ne pouvait directement appliquer à ses agents de droit public une convention collective applicable à des salariés de droit privé, devait rémunérer chacune des heures de travail de nuit de l'intéressée, dont le décompte précis n'est pas contesté, comme du temps de travail effectif ;

Quant aux heures de travail de jour :

9. Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient, en premier lieu, à l'agent d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il estime avoir réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

10. Considérant que Mme E...a produit un décompte détaillé des heures qu'elle estime avoir effectuées de jour entre le 1er juillet 2004 et le 30 novembre 2004 ainsi que la fiche signée quotidiennement par les personnes âgées au domicile desquelles elle travaillait ; que la communauté d'agglomération intimée, bien qu'ayant formé un appel incident, ne conteste pas le décompte des heures de travail de jour produit par MmeE... ; que, par suite, il y a lieu de considérer que lesdites heures ont été effectuées sans avoir été rémunérées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du pays de l'Or est condamnée à verser à MmeE..., au titre de ses heures de travail de nuit et de jour effectuées entre le 1er juillet 2004 et le 30 novembre 2004, la somme de

3 642, 84 euros ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre en date du 30 août 2006 par laquelle Mme E...a, pour la première fois, demandé le paiement desdites heures de travail ;

Sur le préjudice subi par MmeE... :

12. Considérant, en premier lieu, que s'il résulte de l'instruction que l'administration a effectivement édicté tardivement, le 29 juin 2007, alors que la rupture était intervenue le 31 août 2005, le certificat de travail et l'attestation Assedic et ainsi commis une faute, il n'est en revanche pas établi que cette faute aurait été à l'origine d'une impossibilité pour Mme E...de percevoir les allocations de chômage dès lors qu'elle était, durant cette période, bénéficiaire d'une allocation adulte handicapé et d'une pension d'invalidité et n'était ainsi pas apte à exercer une activité professionnelle ;

13. Considérant, en second lieu, qu'en appliquant à Mme E...un système d'équivalence dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il avait pas été adopté par le conseil syndical, l'administration a commis une faute qui a généré pour l'intéressée, privée ainsi d'une part substantielle de ses revenus, des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 1 000 euros tous intérêts compris ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "(...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;

15. Considérant que, d'une part, Mme E...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 17 octobre 2011 ; que, d'autre part, l'avocat de Mme E...n'a pas demandé la condamnation de la communauté d'agglomération intimée à lui verser, sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête de Mme E...tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du pays de l'Or sur le fondement des dispositions précitées ne peuvent être accueillies ;

16. Considérant, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération du pays de l'Or ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 17 mai 2011 est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération du pays de l'Or est condamnée à verser à Mme E... la somme de 3 642, 84 (trois mille six cent quarante deux euros et quatre vingt quatre centimes), assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande de Mme E...en date du 30 août 2006.

Article 3 : La communauté d'agglomération du pays de l'Or est condamnée à verser à Mme E... la somme de 1 000 euros (mille euros) tous intérêts compris à raison de troubles dans ses conditions d'existence.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme E...et de la communauté d'agglomération du pays de l'Or est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et à la communauté d'agglomération du pays de l'Or.

''

''

''

''

N° 11MA027692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02769
Date de la décision : 04/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. RENOUF
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : GROUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-06-04;11ma02769 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award