Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2011, présentée pour la SARL Roussillonnaise de Transport, dont le siège est Rue des Corbières à Saint-Féliu-d'Avall (66170), représentée par son gérant en exercice, par Me Germa ;
La SARL Roussillonnaise de Transport (RT) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900683 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des rappels d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et des pénalités, mis à sa charge au titre des exercices clos les 28 février 2002 et 2003 et le 29 février 2004, ainsi que la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités, afférents à la période du 1er mars 2001 au 30 septembre 2004 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités de 40 % et de 80 % y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, de demander à l'administration de communiquer les copies des chèques émis en paiement des factures litigieuses ;
La société RT soutient :
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013,
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que suite à la vérification de sa comptabilité pour les exercices clos en 2002, 2003 et 2004 concernant l'impôt sur les sociétés, la SARL Roussillonnaise de Transports (RT), sise à Saint-Féliu-d'Avall dans les Pyrénées-Orientales, a fait l'objet d'une proposition de rectification du 16 décembre 2005 rejetant la comptabilité présentée et procédant à une reconstitution des recettes aboutissant à une omission totale de recettes de 1 453 802 euros HT issue du produit de 2 696 lettres de voiture (CMR) manquantes par le prix moyen recalculé d'un transport, 539,24 euros ; qu'ont été rejetés en outre les frais de déplacement des employés de la société, insuffisamment justifiés ; que suite aux observations présentées, le rappel a été limité dans la lettre de confirmation à 1 294 CMR x 539,24 euros soit 697 776 euros HT, non compris les montants de 18 805 euros, 14 543 euros et 41 461 euros correspondant aux factures que le client espagnol la Société Cazorla, sise à Cabanes, avait payées mais non retrouvées dans la comptabilité de la SARL RT ; qu'après entretien avec le supérieur hiérarchique, l'administration a abandonné le rappel de 697 776 euros par un courrier du 24 mai 2006, a maintenu le rappel sur les factures Cazorla et a limité le rappel afférent aux frais de déplacement à 30 % des sommes comptabilisées ;
2. Considérant que la société a présenté devant le tribunal administratif une requête contestant les omissions de recettes Cazorla, les frais de déplacement laissés à sa charge ainsi que les pénalités appliquées, consistant en une majoration de 40 % pour manquement délibéré visant l'ensemble des rappels et en une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses visant les seules omissions Cazorla ;
Sur l'étendue du litige :
3. Considérant que, par décision en date du 20 décembre 2011 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal sud-est a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 2 622 euros, de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses afférente aux rappels d'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2002 et en 2004 visant les omissions de recettes Cazorla, en lui substituant la majoration de 40 % pour mauvaise foi ; que les conclusions de la requête de la société RT relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
4. Considérant que dans son mémoire en réplique enregistré le 4 janvier 2012, la société RT limite ses demandes aux rappels d'impôt sur les sociétés, abandonnant toute prétention sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée visés dans sa requête introductive, qui sont d'ailleurs sans rapport avec les rappels d'impôt sur les sociétés laissés à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant que la société RT soutient que les documents utilisés par l'administration pour le redressement portant sur les factures Cazorla sont des factures élaborées par une ancienne salariée, Mme Bertrand, qui a quitté l'entreprise en février 2004 et contre qui aucune plainte n'a été déposée pour ne pas aggraver la relation conflictuelle entre la société et cette ancienne collaboratrice ; que ces factures n'ont pas été faites sur le mode habituel ainsi que le montrerait leur numérotation [n° 2002-01 par exemple, au lieu de FC suivi d'un numéro de série, ainsi qu'elles apparaissent toutes, du n° FC 4 au n° FC 2723, sur le journal des ventes produit pour la période 2000 à 2004], leur signature (par M. Vila) et leur mise en page, différente des autres factures, qu'elles ont été établies à l'insu de la société RT et n'ont pas été encaissées par elle, mais par Mme Bertrand, puis par M. Vila, directeur commercial salarié engagé à compter de mai 2001 après avoir vendu son propre fonds de transports routiers à la SARL RT ; que la SARL RT veut pour preuve de la fraude le fait que l'une des factures a été réglée par un chèque de 8 000 euros au nom de M. Vila, circonstance qui n'aurait pas été examinée par le service ; que les informations obtenues auprès de Mme Bertrand, qui était un tiers au moment du contrôle fin 2004 et 2005, ainsi que les chèques de paiement des factures Cazorla, auraient dû être communiquées à la société, sauf à violer la procédure contradictoire ;
6. Considérant que la société demande communication des documents obtenus par l'administration ; que toutefois, les motifs ou la source des renseignements ayant conduit l'administration à engager un contrôle n'ont pas à être portés à la connaissance du contribuable ; que s'agissant des documents obtenus dans le cadre de ses pouvoirs d'investigation, ils doivent être communiqués au contribuable si celui-ci en fait la demande avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'aucune demande dans ce sens n'a été faite dans les délais, étant rappelé que la société RT était informée, au plus tard dans la proposition de rectification (page 10), que le vérificateur avait mis en oeuvre cinquante-neuf droits de communication auprès des clients ainsi que six procédures d'assistance administrative, et qu'elle a elle-même produit la demande d'information de l'administration fiscale espagnole du 23 février 2005 à l'entreprise Cazorla ; que par ailleurs, les factures Cazorla, dont le nom apparaissait dans la comptabilité de la requérante dont Cazorla est cliente, sont visées dans lettre 3926 page 8 qui indique qu'elles ont été identifiées après recoupement entre les factures elles-mêmes et la comptabilité de la société RT ; que la société était ainsi dûment informée des recherches menées ;
7. Considérant que si la société RT demande copie des chèques de paiement par Cazorla pour en connaître le bénéficiaire, elle reconnaît que les paiements se font en espèces ; qu'ainsi est vérifiée l'affirmation du service indiquant ne pas s'être fondé sur les moyens de paiement mais sur les factures elles-mêmes ;
8. Considérant qu'il suit de là que la procédure d'imposition est régulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant des factures de 2004 :
9. Considérant que la société soutient que seules les six dernières factures de 2004 relevées par l'administration, numérotées FC 2296, FC 2338, FC 2379, FC 2437, FC 2610 et FC 2661, sont exactes car leur numéro correspond à la suite logique du journal des ventes, car elles se retrouvent toutes aussi bien dans le journal des ventes de la SARL RT de 2004 que dans la comptabilité de l'entreprise Cazorla pour un montant total de 23 620 euros et non 41 462 euros notifiés, le service n'expliquant pas l'écart constaté ;
10. Considérant qu'en dernier lieu, l'administration affirme que la société clôture son exercice au 29 février, que les factures d'un montant total de 41 961,92 euros redressées ont toutes été émises de mars à décembre 2003 et ont été à juste titre rattachées à l'exercice 2003/2004, et ajoutées aux recettes déclarées faute d'avoir été comptabilisées, alors que les factures cette fois enregistrées en comptabilité à partir du 21 janvier 2004 (pour un total de 23 620 euros) n'ont pas fait l'objet de redressement dès lors qu'il n'a pas échappé au vérificateur qu'elles étaient réellement comptabilisées et qu'elles relevaient en fait de l'exercice suivant 2004/2005, non vérifié ;
S'agissant des factures de 2002 et 2003 :
11. Considérant que le service a constaté que les factures non comptabilisées retrouvées chez l'entreprise Cazorla comportaient pour certaines les mêmes numéros de lettres de voiture (CMR) que ceux relatifs aux souches présentées par la SARL RT lors du contrôle ; que le service a pu estimer à juste titre que l'entreprise RT avait assuré à destination de M. Cazorla la prestation de transport afférente auxdits CMR ; que s'il est soutenu que la présence d'un CMR ne signifie pas que le transport en litige vers M. Cazorla ait obligatoirement été effectué, car plusieurs prestations de transport peuvent coexister pour plusieurs clients sur un même véhicule, nécessitant d'éditer plusieurs CMR pour un même trajet, rien ne l'établit, d'autant que le vérificateur a relevé dans l'entreprise des irrégularités dans le suivi des CMR ;
12. Considérant que si la société soutient que les prestations en litige auraient pu facilement être exécutées à son insu par ses salariés en éditant des factures contrefaites et en subtilisant les CMR, de sorte qu'ils auraient pu détourner les paiements effectués majoritairement en espèces, elle ne l'établit pas, d'autant que l'allégation d'une possibilité de détournements de fonds n'est étayée par aucun dépôt de plainte contre ses salariés, étant rappelé que ce n'est pas à l'administration fiscale d'établir ces faits ;
13. Considérant que la société requérante entend trouver une preuve de sa non-implication dans le circuit frauduleux dans le fait que le chèque de 8 000 euros du 2 septembre 2002 n'a pas été établi à son nom mais à celui de M. Vila ; que l'administration a, contrairement aux assertions de la requérante, examiné ce point, et a pu préciser que ce chèque constituait une avance sur factures, versée en 2002 par le client Cazorla, sa dette ayant ensuite été soldée par le versement, le 10 juin 2003, en règlement de la facture n° 2002/05/15, du complément de 1 024,98 euros, d'ailleurs attesté par la mention " pagat 1024.98, 10/06/2003 " sur ladite facture produite par le service ; qu'il s'agit ainsi d'une transaction commerciale habituelle, M. Vila venant d'être engagé comme cadre commercial dans la société RT et recevant encore des paiements à son nom de ses anciens clients ; qu'il était en tout état de cause habilité à ce titre à recevoir les versements des clients de la société RT ; qu'il est rappelé qu'aucune plainte pour détournement de fonds n'a été déposée ;
S'agissant des frais de déplacement laissés à la charge de la société à hauteur de 30 % :
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a accepté à ce titre, malgré l'absence de justification, une déduction de 70 % des charges afférentes aux indemnités kilométriques versées au dirigeant et aux salariés ; que les informations produites sur les tableaux manuscrits annexés au mémoire en réplique du 1er février 2012, déjà produites devant le juge par la société, ne sont pas de nature à justifier le surplus des frais de déplacement ; que le moyen sera rejeté ;
Sur les pénalités de 40 % :
15. Considérant qu'en affirmant avoir démontré que les factures Cazorla n'avaient pas été incluses dans les recettes sans que la société ait pu démontrer qu'elles seraient fausses, le service a valablement démontré que ce manquement a été réalisé en connaissance de cause et sur plusieurs années par la société ; que la majoration de 40 % subsistante est fondée ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL RT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL RT la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : A concurrence de la somme de 2 622 euros en ce qui concerne une fraction des pénalités auxquelles la SARL Roussillonnaise de Transport a été assujettie au titre de l'année 2003, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Roussillonnaise de Transport est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Roussillonnaise de Transport et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
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N° 11MA01366 2
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