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18/04/2013 | FRANCE | N°11MA01343

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 11MA01343


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01343, présentée pour la commune de La Bollène Vésubie, dont le siège est Hôtel de Ville, place du Général de Gaulle à La Bollène Vésubie (06450), par Me C... ;

La commune de La Bollène Vésubie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603402 du 25 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de refus née du silence gardé pendant plus de deux mois par son maire sur le courrier adressé le 26

juillet 2005 par M. A...B..., la mettant en demeure de réaliser les travaux prescri...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 11MA01343, présentée pour la commune de La Bollène Vésubie, dont le siège est Hôtel de Ville, place du Général de Gaulle à La Bollène Vésubie (06450), par Me C... ;

La commune de La Bollène Vésubie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603402 du 25 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de refus née du silence gardé pendant plus de deux mois par son maire sur le courrier adressé le 26 juillet 2005 par M. A...B..., la mettant en demeure de réaliser les travaux prescrits par les rapports d'expertise des 30 août 2001 et 9 juillet 2002, en tant que ledit maire a refusé de réaliser des travaux d'intérêt public sur la propriété " La Bella ", enjoint au maire de faire procéder sur la propriété " La Bella " aux travaux prescrits par le rapport d'expertise de M.E..., dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et mis à la charge de la commune de La Bollène Vésubie la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nice ;

Elle soutient que :

- l'arrêté de péril imminent du 17 juillet 2002 prescrivant les travaux préconisés par M. D..., expert, a été notifié à l'Etat, qui ne l'a pas exécuté ni contesté ;

- le maire a fait procéder au mois de juin 2002 à des travaux d'urgence, ayant consisté à faire obturer les ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage au moyen d'" agglos de 20 " ourdés au mortier de ciment, ce que M. D...a confirmé dans son rapport d'expertise, et l'état de l'immeuble litigieux n'a pas évolué depuis ;

- si l'état de l'immeuble de M. B...a évolué, il doit seul en supporter les conséquences ;

- le surplus des travaux préconisés par M.E..., c'est-à-dire la démolition de la propriété " La Bella ", ne pourra être réalisée tant que M. B...n'aura pas exécuté de son côté les travaux que ce même expert a mis à sa charge dans son rapport, à savoir le renforcement de la maison de M.B..., la désolidarisation aussi complète que possible de la maison mitoyenne, le traitement de la partie basse de la maison de l'intéressé en créant autour de l'entrée du garage un cadre de béton armé rigide, une éventuelle étude géotechnique spécifique afin d'apprécier l'éventuelle nécessité d'une reprise en sous-oeuvre par micro-pieux ou toute autre méthode adaptée ;

- M. B...a reçu une indemnité provisionnelle de 120 000 francs de la part de son assureur à la suite de la constatation d'état de catastrophe naturelle ;

- il serait contraire aux préconisations des experts d'entreprendre la démolition de l'immeuble " La Bella " sans que la protection de l'immeuble de M. B...soit assurée ;

- la simple exécution de mesures d'étaiement et de protection éventuellement renforcées par rapport à celles déjà réalisées n'améliorera pas davantage la situation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2011 au greffe de la Cour, présenté pour la commune de La Bollène Vésubie par Me C...;

La commune persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens :

Elle soutient en outre qu'elle établit par la production du procès-verbal de constat du 5 mai 2011 que conformément à l'injonction qui lui a été faite par le jugement attaqué, les travaux prescrits par le rapport de M. E...sur la propriété " La Bella " ont été exécutés ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2012 au greffe de la Cour, présenté pour M. B...par la SCP Mary et Paulus ;

M. B...demande à la Cour le rejet de la requête et la mise à la charge de la commune de La Bolène Vésubie de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- lorsque les dommages relèvent d'une cause naturelle, comme dans le cas de l'espèce, il incombe au maire d'intervenir dans le cadre de ses pouvoirs de police conformément aux articles L. 2212-2 et suivants du code général des collectivités territoriales, et notamment de prendre les mesures de sécurité nécessaires lorsqu'un immeuble en mauvais état peut constituer un danger pour ses occupants, les tiers ou les immeubles contigus en raison des risques d'effondrement qu'il présente ;

- les deux rapports d'expertise décrivent la gravité des désordres affectant l'immeuble " La Bella " et M. E...a précisé que l'état de dégradation dans lequel se trouve cette propriété menace la maison de M. B...et rend inefficace tous les travaux confortatifs exécutés sur cet immeuble ;

- le maire a méconnu ses obligations légales en refusant d'ordonner les mesures indispensables pour faire cesser le péril grave, l'immeuble " La Bella " menaçant de s'effondrer ;

- M. B...ne peut entreprendre la réfection de son immeuble tant que la propriété " La Bella " n'est pas confortée ;

- la maison " La Bella " appartient désormais à la commune, qui n'a jamais renoncé à son acquisition ;

- aucun des travaux prescrits par M. E...n'a été réalisé, les seuls travaux effectués par la commune consistant à avoir mis en place des barrières et condamné l'accès à la propriété " La Bella " ;

- la commune aurait pu mettre en oeuvre la procédure de déclaration en état d'abandon manifeste mais ne l'a pas fait ;

- les carences de la commune sont à l'origine de préjudices pour l'intimé ;

- M. E...a indiqué dans son rapport que M. B...devait attendre que les travaux nécessaires à la stabilisation de l'immeuble " La Bella " soient réalisés avant d'entreprendre lui-même les travaux de réfection de sa propriété ;

- M. B...a saisi le tribunal administratif d'une demande de liquidation d'astreinte ;

Vu le courrier du 31 janvier 2013 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2013 au greffe de la Cour, présenté par la commune de La Bollène Vésubie par Me C...;

La commune persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu l'avis d'audience adressé le 08 mars 2013 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de M. Pocheron, président-assesseur,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la commune de La Bollène Vésubie ;

1. Considérant que la commune de La Bollène Vésubie relève appel du jugement en date du 25 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite née du silence gardé par son maire pendant plus de deux mois sur la demande adressée le 26 juillet 2005 par M.B..., le mettant en demeure de faire réaliser les travaux prescrits par les rapports d'expertise des 30 août 2001 et 9 juillet 2002, en tant que ledit maire a refusé de réaliser des travaux d'intérêt public sur la propriété " La Bella " ;

Sur l'annulation de la décision litigieuse :

2. Considérant que l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales range parmi les buts assignés à la police municipale : " (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les (...) accidents naturels (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours (...) " ; que l'article L. 2212-4 du même code dispose en son premier alinéa qu'" En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. " ;

3. Considérant que les pouvoirs ainsi reconnus au maire, qui s'appliquent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts de la procédure de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation auxquels renvoie l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mises en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un glissement de terrains survenu entre les 10 et 13 janvier 1996, qui a d'ailleurs entraîné la déclaration d'état de catastrophe naturelle par arrêté du 17 juin 1996, plusieurs immeubles de la commune de La Bollène Vésubie (Alpes-Maritimes), situés notamment place du Général de Gaulle, ont subi des fissures et des affaissements ; que, par courrier du 26 juillet 2005, M.B..., propriétaire d'un immeuble sis sur cette place et affecté de graves désordres, a demandé au maire dans le cadre des pouvoirs de police qu'il tient des articles précités L. 2212-2 et 4 du code général des collectivités territoriales, de faire procéder aux travaux prescrits par deux rapports d'expertise des 30 août 2001 et 9 juillet 2002, respectivement rédigés par M. E...et M.D..., pour remédier à l'état de ruine de l'immeuble " La Bella " mitoyen du sien, menaçant sa propriété, et en déshérence ; que cette demande est restée sans réponse ; que la décision tacite née du silence gardé sur cette demande a été annulée, ainsi qu'il a été dit, en tant qu'elle refuse la réalisation de travaux d'intérêt public sur la propriété " La Bella " ;

5. Considérant que la commune, qui ne conteste pas le danger grave ou imminent représenté par l'immeuble " La Bella ", et qui s'est désistée en première instance de ses conclusions tendant à la mise en cause de l'Etat, se borne à soutenir en appel que le maire aurait fait procéder à des travaux d'urgence, confirmés par M. D...dans son rapport, et que l'état de l'immeuble " La Bella " n'aurait pas évolué depuis, l'aggravation de l'état de la propriété de M. B... relevant par ailleurs de sa seule responsabilité ; que toutefois, s'il ressort du rapport de M. D... que la commune avait muré la porte et la fenêtre d'accès du commerce situé au rez-de-chaussée de l'immeuble " La Bella ", et fait mettre en place des barrières en pied d'immeuble afin d'en éloigner la circulation et le stationnement, l'expert a également indiqué que ces mesures de première urgence étaient insuffisantes et a prescrit qu'elles soient complétées par l'obturation de la porte d'accès à l'appartement occupant les trois étages supérieurs au moyen d'une maçonnerie agglomérée, la purge des éléments d'enduit et de façade qui menaçaient de s'effondrer, et la mise en place d'une palissade ne pouvant être déplacée ; que M. E...avait quant à lui également prescrit des mesures d'étaiement ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces mesures avaient été prises à la date de la décision implicite de rejet litigieuse ; que les circonstances que l'état de l'immeuble " La Bella " n'aurait pas évolué depuis, et que la dégradation de la propriété de M. B...relève de sa seule responsabilité, qui ne sont d'ailleurs pas établies, ne sont pas de nature par elles-mêmes à démontrer que le maire de La Bollène Vésubie aurait pu légalement refuser de mettre en oeuvre les mesures préconisées par les experts pour faire cesser le danger grave représenté par les désordres affectant la propriété " La Bella " ; que, par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision de son maire en tant qu'elle a rejeté la demande de M. B... tendant à ce que celui-ci fasse procéder auxdits travaux ;

Sur l'injonction prononcée par le jugement attaqué :

6. Considérant que les premiers juges ont enjoint au maire de La Bollène Vésubie de faire procéder, sur la propriété " La Bella ", aux travaux prescrits par le rapport de M. E...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; qu'il ressort dudit rapport qu'il incombait ainsi à la commune de prendre des mesures d'étaiement et de protection notamment en confortant les ouvertures dudit immeuble ;

7. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que la commune avait fait obturer les ouvertures du rez-de-chaussée de l'immeuble " La Bella " à la date du jugement attaqué, l'obturation des autres ouvertures et les travaux d'étaiement n'avaient pas été effectués ; que la circonstance que la démolition de la maison " La Bella " ne pouvait être engagée tant que M. B...n'avait pas exécuté des travaux de renforcement de son immeuble et de désolidarisation de celui-ci vis-à-vis de la propriété voisine, à la supposer même établie, ce qui ne ressort pas des termes du rapport de M.E..., n'est pas de nature à établir que l'injonction litigieuse ne pourrait être exécutée, la démolition en cause n'étant pas au nombre des mesures ordonnées par le tribunal ; que l'injonction critiquée ne portant que sur la maison " La Bella ", la circonstance que les travaux d'étaiement et de protection renforcée qu'elle préconise ne résoudraient pas par elles-mêmes le problème posé par la nécessaire remise en état de l'immeuble de M. B...ne remet pas davantage en cause les mesures prescrites ; que le procès-verbal de constat dressé le 5 mai 2011 à la demande de la commune et relatif aux travaux auxquels elle a fait procéder sur la propriété " La Bella ", postérieur au jugement attaqué, n'établit en outre pas que les travaux prescrits par ledit jugement avaient été effectués à la date à laquelle il a été rendu ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Bollène Vésubie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par son maire sur la demande adressée le 26 juillet 2005 par M. B...le mettant en demeure de faire réaliser les travaux prescrits par les rapports d'expertise des 30 août 2001 et 9 juillet 2002 en tant que le maire a refusé de réaliser des travaux d'intérêt public sur la propriété " La Bella ", enjoint au maire de faire procéder sur la propriété " La Bella " aux travaux prescrits par le rapport de M. E...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de la commune de La Bollène Vésubie de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de La Bollène Vésubie le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Bollène Vésubie est rejetée.

Article 2 : La commune de La Bollène Vésubie versera à M. B...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Bollène Vésubie, à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2013, où siégeaient :

- M. Férulla, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Chenal-Peter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2013.

Le rapporteur,

M. POCHERONLe président,

G. FERULLA

Le greffier,

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 11MA01343

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01343
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Étendue des pouvoirs de police - Obligation de faire usage des pouvoirs de police.

Police - Police générale - Sécurité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP BARDI - MOUCHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-18;11ma01343 ?
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