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16/04/2013 | FRANCE | N°11MA02662

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 16 avril 2013, 11MA02662


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juillet 2011 sous le n° 11MA02662, présentée par MeB..., pour M. A...C..., demeurant ... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001463 rendu le 19 mai 2011 par le tribunal administratif de Toulon en tant que ce jugement, qui a annulé la décision du 12 avril 2010 de l'office public "Var Habitat" en tant qu'elle rejette la demande de reconnaissance de sa pathologie en maladie professionnelle, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de cet office public à lui verser les indemnit

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juillet 2011 sous le n° 11MA02662, présentée par MeB..., pour M. A...C..., demeurant ... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001463 rendu le 19 mai 2011 par le tribunal administratif de Toulon en tant que ce jugement, qui a annulé la décision du 12 avril 2010 de l'office public "Var Habitat" en tant qu'elle rejette la demande de reconnaissance de sa pathologie en maladie professionnelle, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de cet office public à lui verser les indemnités de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et psychologique, de 21 600 euros au titre de son préjudice professionnel, et de 108 000 euros au titre de la perte sur salaire après invalidité, soit une indemnité totale de 179 600 euros ;

2°) de condamner l'office public "Var Habitat" à lui verser une indemnité totale de 179 600 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'office intimé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret modifié n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de

l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret modifié n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- puis les observations de MeE..., substituant MeB..., pour M.C...,

- et les observations de MeD..., substituant MeF..., pour l'office public de l'habitat du Var "Var Habitat" ;

1. Considérant que M.C..., agent de maîtrise titulaire de l'office public "Var Habitat" travaillant au service chargé de l'entretien des espaces verts, a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision de son employeur du 12 avril 2010 refusant de reconnaître à sa pathologie la qualification de maladie professionnelle, d'autre part, de l'indemniser des conséquences dommageables de pratiques de harcèlement moral et de discrimination qu'il estime avoir subies au cours de sa carrière ; que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a annulé ladite décision du 12 avril 2010 pour vice de procédure, en l'absence de saisine préalable de la commission de réforme ; que, par son article 3, le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de M.C... ;

Sur l'appel incident :

2. Considérant que les conclusions incidentes de l'office public "Var Habitat" tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué portent sur un litige en excès de pouvoir différent du litige indemnitaire qui résulte de l'appel principal de M.C..., lequel conteste l'article 3 du jugement attaqué ; que, dans ces conditions, les conclusions incidentes de l'office intimé, formulées après expiration du délai d'appel de deux mois courant à compter du

23 mai 2011, date de notification du jugement en litige, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'appel principal :

3. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'indépendamment des dispositions précités issue de la loi du 17 janvier 2002 introduisant la qualification de harcèlement moral dans le statut de la fonction publique, un comportement vexatoire et dégradant répété d'une administration à l'encontre d'un de ses agents publics constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. C...est tombé malade à compter du mois de mai 2007 pour une pathologie psychiatrique donnant lieu à des périodes de congé maladie de longue durée, renouvelées jusqu'à ce que le comité médical départemental puis la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL), respectivement les 16 février 2012 et 9 mai 2012, émettent un avis favorable à la mise à la retraite d'office de l'intéressé pour invalidité non imputable au service ; que M. C...soutient qu'il a été victime de pratiques de harcèlement moral responsables de la dégradation de son état de santé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. C...fait état des vexations répétées ayant consisté pour lui à se voir régulièrement inscrit au tableau d'avancement au grade d'agent de maîtrise qualifié, au titre des années 2001 à 2007, sans connaître pour autant de promotion effective, alors même qu'on lui imposait une surcharge de travail excessive ; qu'il indique que ces vexations ont été accompagnées de brimades consistant à l'accuser sans preuve de vols, l'intéressé produisant à cet égard une attestation en ce sens ; que, dans ces conditions, M. C...doit être regardé comme versant au dossier suffisamment d'éléments de nature à faire présumer qu'il a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient à l'office intimé de renverser cette présomption de harcèlement moral ; qu'il résulte de l'instruction que M. C...a connu depuis son recrutement en qualité d'ouvrier en 1980 une progression de carrière honorable, étant passé au grade d'agent technique en 1988, puis agent technique principal en 1994, puis agent de maîtrise en 1998, l'intéressé ayant atteint en 2003 le 11ème échelon de ce dernier grade ; que si l'appelant figure sur les tableaux d'avancement au grade d'agent de maîtrise qualifié au titre des années 2001 à 2007, il n'a subi aucune discrimination en n'étant pas immédiatement promu, dès lors que figurent sur ces tableaux, en moyenne chaque année, une dizaine d'agents inscrits pour un nombre de postes vacants à la promotion allant annuellement de 1 à 3 postes seulement, et que l'intéressé ne figurait pas parmi les agents les plus anciens à pouvoir prétendre être rapidement promus ; que les éléments d'évaluation de l'aptitude professionnelle versés au dossier ne montrent aucune sévérité particulière ou tendance de la hiérarchie à surcharger l'intéressé dans les objectifs à réaliser et qu'aucune pièce versée au dossier n'établit la pression au travail que l'intéressé estime ressentir en termes de charge de travail, par rapport à ses collègues notamment ; qu'à cet égard, si l'appelant soutient que, depuis son départ pour cause de maladie, son poste de travail aurait été remplacé par trois postes d'agents à temps plein, l'office conteste cette allégation de façon suffisamment sérieuse en faisant état du nombre de logements gérés par l'intéressé et de l'évolution qualitative des impératifs de gestion du service ; qu'enfin, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que l'intéressé a été accusé directement par sa hiérarchie de vols, mais qu'il est victime d'une rumeur à cet égard qui ne peut être imputable à son employeur ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'office intimé renverse la présomption de harcèlement moral apportée par M.C..., lequel n'est donc pas fondé à soutenir que son employeur a commis à son encontre des actes fautifs constitutifs de harcèlement moral, de nature à engager la responsabilité de l'administration, qui seraient à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son placement en arrêt de maladie à compter du mois de mai 2007 ; qu'au surplus, il ressort des pièces médicales versées au dossier que l'intéressé souffre, non seulement de troubles dépressifs, mais aussi de troubles de l'humeur, et qu'il avait déjà souffert de tels troubles en 2001 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la partie intimée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'appelant la somme qu'il demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant la somme réclamée par la partie intimée au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 11MA02662 de M. C...est rejetée.

Article 2: Les conclusions incidentes de l'office public de l'habitat du Var "Var Habitat" sont rejetées, ensemble ses conclusions tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à l'office public de l'habitat du Var "Var Habitat".

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N° 11MA026622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02662
Date de la décision : 16/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions incidentes.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CABINET E.HOULLIOT D.MURAOUR HOULLIOT A.KIEFFER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-16;11ma02662 ?
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