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09/04/2013 | FRANCE | N°10MA01151

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 09 avril 2013, 10MA01151


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2010, présentée pour la société OTC Immo International LLC, dont le siège est 1220 N Market Street, Suite 808, Wilgmington, New Castle County, DE 19801,Etats-Unis, par MeA... ; la société OTC Immo International LLC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801384 en date du 19 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a

té assujettie au titre des exercices 2000, 2001 et 2002 et, d'autre part, ...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2010, présentée pour la société OTC Immo International LLC, dont le siège est 1220 N Market Street, Suite 808, Wilgmington, New Castle County, DE 19801,Etats-Unis, par MeA... ; la société OTC Immo International LLC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801384 en date du 19 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2000, 2001 et 2002 et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

2°) de juger que la société n'était pas imposable en France sur l'ensemble des sommes qui ont transité sur ses comptes ou, à titre subsidiaire, de dire, dans le cas contraire, que l'assiette et éventuellement la base en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont incontestablement inférieures à celles retenues par l'administration fiscale et ce, compte tenu des documents qui seront communiqués ultérieurement à la Cour ;

3°) de prononcer la décharge, ou la réduction, des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'une instruction pénale pour blanchiment d'argent a été engagée à l'encontre de M. C..., dirigeant et animateur de la société ; qu'à la suite de cette instruction pénale, l'administration fiscale a considéré, à tort, que la société avait exercé une activité en France ou y aurait disposé d'un établissement stable, ce qui l'aurait rendue redevable d'impôt et de taxes afférents à cette activité ; que la procédure pénale, toujours en cours, ne lui a pas permis d'assurer correctement sa défense du fait de la saisie de nombreuses pièces et éléments comptables ; qu'il est faux de considérer que la totalité des sommes ayant transité sur les comptes de la société étaient afférentes à l'établissement stable supposé ; que la société conteste être imposable en France sauf pour une activité totalement accessoire d'intermédiaire entre des propriétaires d'immeubles et des entreprises pour laquelle quelques factures ont été émises ; qu'il est constant que l'activité d'intermédiaire dans le transfert de fonds en vue de la réalisation d'investissements, notamment immobiliers, ne résultait pas d'une activité susceptible d'être imposable en France ;

- que même si cette activité avait été imposable en France, la production ultérieure de pièces, quand elles seront disponibles, apportera la preuve que l'éventuel profit était dérisoire comparé aux sommes soumises à imposition ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 août 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui demande à la Cour de rejeter la requête de la société OTC Immo International LLC ;

Il soutient :

- que la société OTC Immo International LLC a exercé en France une activité d'intermédiaire financier et immobilier à partir de son établissement stable situé à Vallauris, au domicile de M.C..., ressortissant russe ; que l'analyse des comptes bancaires ouverts en France au nom de la société a mis en évidence l'existence de débits et de crédits dont les libellés faisaient référence à des opérations d'octroi ou de remboursements de prêts ; qu'en outre, le service a constaté l'existence de crédits et de remises de chèques en provenance de sociétés étrangères, lesquelles étaient en relation commerciale avec la société OTC Immo International LLC dans le cadre d'une activité d'intermédiaire en immobilier ; qu'il est constant que la société requérante avait un établissement stable en France, disposait dans ce pays d'un représentant dépourvu de personnalité professionnelle indépendante, et y réalisait un cycle commercial complet ;

- qu'à défaut de documents comptables lors des opérations de contrôle, le service a reconstitué le montant des bases imposables à l'impôt sur les sociétés en utilisant tous les éléments en sa possession ; que la société OTC Immo International LLC ne démontre pas que le montant des bases d'imposition retenues serait excessif ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 janvier 2011, présenté pour la société OTC Immo International LLC qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et demande, en outre, à la Cour, de diligenter une mesure d'instruction afin d'obtenir les pièces du procès pénal en cours et, notamment, le procès-verbal d'un témoin assisté, prêteur, de nature à confirmer ses affirmations ;

La société OTC Immo International LLC soutient, en outre :

- que la méthode de reconstitution retenue par le vérificateur est contestable ; qu'en effet, la fiscalité des entreprises repose sur une comptabilité d'engagement, et non de caisse ; que le bénéfice imposable est déterminé par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période ; qu'en l'espèce, l'administration a entendu taxer le prétendu établissement stable, par principe régi par une comptabilité d'engagement, en utilisant une méthode de reconstitution suivant les règles de la comptabilité d'encaissement ; que l'utilisation d'une telle méthode vicie indéniablement la procédure ; que, par ailleurs, le service a entendu appliquer un abattement forfaitaire de 15 % sur le chiffre d'affaires reconstitué, censé représenter les charges d'exploitation supportées ; que ce taux ne saurait représenter la réalité ; que l'administration ne précise ni le mode de calcul, ni les détails ayant permis la détermination de ce taux ;

- que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, il est constant que les sommes reportées au crédit des comptes ouverts en France résultent de contrats de prêts et non de prestations d'entremise ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et qui soutient, en outre :

- que la méthode de reconstitution retenue par le vérificateur n'est nullement viciée ; qu'à défaut de présentation de documents comptables lors des opérations de contrôle, le service a reconstitué le montant des bases imposables à l'impôt sur les sociétés en utilisant tous les éléments en sa possession ; que, par ailleurs, l'abattement de 15 % retenu étant forfaitaire, il ne saurait correspondre à un mode de calcul particulier ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 janvier 2012, présenté pour la société OTC Immo International LLC qui persiste dans ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens, et qui soutient, en outre :

- que, l'administration n'apporte pas la preuve de l'envoi et de la réception de la proposition de rectification au siège social de la société ;

- que le juge judiciaire s'est prononcé sur la procédure ouverte au nom de M. C...pour blanchiment d'argent et a rendu une ordonnance de non-lieu ; qu'il est désormais clairement établi que les sommes inscrites au crédit du compte bancaire de la société OTC Immo International LLC ne constituent pas des recettes taxables mais bien des prêts de sommes d'argent ; que ces sommes ne constituent pas des recettes taxables ; qu'elles ne peuvent pas être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que la méthode de reconstitution, qui a consisté à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés le montant des crédits figurant sur les comptes bancaires de la société, contrevient au principe du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée et à la détermination des bénéfices ; que le service aurait dû opérer la reconstitution des bases imposables suivant plusieurs méthodes et ce, en application de la doctrine administrative 4 G-3342 ;

- que la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 13 mars 2013 et régularisé par courrier le 18 mars 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et qui soutient, en outre :

- que le pli contenant la proposition de rectification, expédié à l'adresse de l'établissement stable, a été distribué le 14 décembre 2005 ;

- que si les faits constatés par les tribunaux répressifs s'imposent au juge de l'impôt comme matériellement exacts, ce dernier conserve sa liberté d'appréciation pour en tirer les conséquences de droit en ce qui concerne les litiges de sa compétence ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 14 mars 2013 et régularisé par courrier le 15 mars 2013, présenté pour la société OTC Immo International LLC qui persiste dans ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 15 mars 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui maintient ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2013,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que la société OTC Immo International, société de droit américain ayant son siège social dans l'Etat du Delaware (Etats-Unis), a été créée le 1er juin 2000 ; que le représentant en France de cette société est M. F...C..., ressortissant russe disposant d'un bien immobilier à Vallauris ; qu'une procédure judiciaire a été ouverte en 2002 à l'encontre de M. C...pour blanchiment d'argent commis de façon habituelle ; qu'à la suite du droit de communication exercé en application des dispositions de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a estimé que la société OTC Immo International LLC disposait en France, au domicile de M.C..., sis Résidence Cannes Eden, 136 chemin des Glaieuls, à Vallauris, d'un établissement stable à partir duquel elle réalisait des activités d'intermédiaire financier et immobilier ; que la société OTC Immo International a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, sur les exercices clos les 31 décembre 2000, 2001 et 2002 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ; qu'en matière d'impôt sur les sociétés, la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66-2 et L. 68 du livre des procédures fiscales a été appliquée dès lors que la société ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises et n'avait pas déposé en France de déclarations de résultats ; qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66-3° et L. 68 du livre des procédures fiscales a été appliquée en raison de l'absence de souscription, dans les délais légaux, des déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires modèle " CA12 " ; que les impositions supplémentaires mises à la charge de la société OTC Immo International ont été assorties des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et des majorations, au taux de 80 %, prévues par l'article 1728 du même code en cas de découverte par l'administration d'une activité occulte et mises en recouvrement le 19 janvier 2007, pour un montant total de 4 469 716 euros (soit 1 680 377 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, 2 669 010 euros au titre de l'impôt sur les sociétés, et 120 329 euros au titre de la contribution sur l'impôt sur les sociétés) ; que la réclamation du 3 août 2007 par laquelle la société a contesté ces rappels a été rejetée par décision du 7 novembre 2007 ; que la société OTC Immo International a saisi le tribunal administratif de Nice par une demande enregistrée le 29 février 2008 ; que, par jugement du 19 janvier 2010, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ; que la Société OTC Immo International fait appel de ce jugement ;

Sur le principe de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ainsi que (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif " ; qu'aux termes du I de l'article 209 du même code : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 35, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ;

3. Considérant que le droit de communication exercé par l'administration ainsi que les opérations de vérification de comptabilité de la société OTC Immo International LLC ont révélé que ladite société exerçait, à partir du domicile de M.C..., sis à Vallauris, une activité d'intermédiaire financier auprès de sociétés françaises se matérialisant par l'octroi de prêts et une activité d'intermédiaire immobilier se traduisant par une intervention directe sur des chantiers en tant qu'apporteur d'affaires ; que, dans le cadre de l'instruction judiciaire engagée à l'encontre de M.C..., ont été notamment saisis des cartes de visite à l'entête de la société OTC Immo International LLC, un chéquier au nom de la société correspondant à un compte bancaire ouvert auprès de la banque BPCA International, des contrats de prêts, des documents relatifs au compte ouvert par la société auprès de la banque BGL Luxembourg International ainsi qu'un ordinateur portable dans lequel figurait des fichiers concernant la société ; que les pièces du dossier font également apparaître que la société employait, outre M.C..., chargé des fonctions de direction, une assistante recrutée par l'intéressé qui suivait, selon ses déclarations, les chantiers, l'état d'avancement des travaux, et les devis ; que cette assistante s'occupait également de pointer les factures relatives à toutes les sociétés de M. C...et était chargée de la traduction de documents ; que la société OTC Immo International LLC disposait également de comptes bancaires ouverts en France qui étaient alimentés, notamment, par des remises de chèques émanant de sociétés ayant leur siège dans les Alpes-Maritimes, correspondant à des notes d'honoraires facturées en contrepartie de prestations d'apporteurs d'affaires ; que le siège social de la société OTC Immo International LLC se situant à Wilgmington dans l'Etat du Delaware (USA), le domicile personnel de M. C...doit être regardé comme étant un centre de décision autonome et distinct du siège social à partir duquel était déployée l'activité de la société ; que l'ensemble de ces éléments établit l'existence en France d'un établissement stable au sens des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Considérant, en premier lieu, que la société OTC Immo International LLC fait valoir qu'elle n'a pas été informée des redressements mis à sa charge à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que si le pli contenant la proposition de rectification en date du 12 décembre 2005 adressé au siège social aux Etats-Unis a été retourné avec la mention " Attempted not known ", (inconnu à l'adresse indiquée), le pli contenant ce document adressé en France au domicile de M.C..., directeur de la société et dépourvu de personnalité professionnelle indépendante, est bien parvenu à son destinataire qui en a accusé réception le 14 décembre 2005 ; que le moyen soulevé ne peut donc être favorablement accueilli ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort de son examen que la proposition de rectification en date du 12 décembre 2005 par laquelle l'administration a porté à la connaissance de la société OTC Immo International LLC les redressements envisagés selon la procédure de taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mentionne les motifs de droit et de fait fondant les redressements, la procédure applicable, le montant total des intérêts résultant des prêts octroyés par la société et des autres produits ; que ladite proposition présente le détail des calculs opérés par le vérificateur ayant permis de déterminer le montant des redressements mis à la charge de la société OTC Immo International LLC ; que, dans ces conditions, et nonobstant le fait que le vérificateur ait été conduit, dans les circonstances de l'espèce, à procéder, dans un souci de réalisme économique, à une évaluation forfaitaire des charges d'exploitation (taux de 15 % retenu) afférentes au chiffre d'affaires reconstitué, la proposition de rectification litigieuse doit être regardée comme comportant des précisions suffisantes quant aux modalités de détermination des bases ou éléments de calcul des impositions d'office mises à la charge du contribuable ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu, en l'espèce, les prescriptions des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;

8. Considérant que les impositions contestées ont été régulièrement établies à la suite d'une procédure de taxation d'office ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, il incombe à la société requérante d'établir le caractère exagéré des bases d'imposition retenues par l'administration ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution et le bien-fondé des redressements opérés :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 38-1 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation " ; qu'en vertu de l'article 38-2 bis dudit code : " (...), les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer la rémunération des prêts consentis par la société OTC Immo International LLC, le vérificateur a pris en compte, d'une part, les opérations figurant sur les relevés bancaires identifiées comme étant des opérations de versement de prêts ou de remboursements de ces mêmes prêts et, d'autre part, les taux de rémunération prévus dans les contrats de prêts conclus entre la société requérante et diverses personnes physiques ou morales ; que, s'agissant des autres produits, afférents à l'activité principale exercée en France d'intermédiaire dans le domaine de l'immobilier, le vérificateur a pris en compte l'ensemble des flux créditeurs se rapportant à ladite activité, encaissés sur des comptes ouverts en France ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'administration a retenu, pour évaluer les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la société OTC Immo International LLC, les encaissements constatés sur ses relevés bancaires alors qu'une telle activité commerciale exige une comptabilisation des seules créances acquises ; que, toutefois, s'agissant de la reconstitution opérée au titre des années 2000 à 2002, l'administration ne disposait d'aucune comptabilité probante et d'aucune facture pour évaluer lesdites créances acquises ; que, dans ces conditions, la société OTC Immo International LLC ne peut utilement soutenir qu'une telle méthode était radicalement viciée dans son principe au titre desdites années ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3342 n° 4, qui précise notamment que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que la société requérante ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir ;

13. Considérant, en troisième lieu, que la société Immo International LLC, qui supporte la charge de la preuve, n'apporte aucun justificatif probant susceptible de démontrer que les montants retenus par le vérificateur sont exagérés ; qu'elle ne peut, à cet effet, se borner à soutenir que le profit qu'elle a réalisé au titre des opérations réalisées en France " était dérisoire comparé aux sommes soumises à imposition ", ni qu'elle n'a pas été en mesure d'assurer convenablement sa défense du fait de la saisie de nombreuses pièces et éléments comptables par le juge judiciaire, étant souligné que la restitution des objets saisis a été ordonnée le 24 juin 2011 ; que si elle produit plusieurs contrats de prêts établis, en anglais, à Moscou au cours des années 2000 et 2001, ainsi que leur traduction en français, elle n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant d'établir clairement un lien entre les prêts invoqués et les différentes sommes imposées d'office ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence de production de pièces justificatives, la société requérante ne peut raisonnablement soutenir que le taux forfaitaire de 15 % retenu par l'administration au titre des charges d'exploitation " ne saurait refléter la réalité " ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que le vérificateur a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, l'ensemble des recettes se rapportant aux opérations économiques réalisées par la société Immo International LLC, ces recettes étant réputées avoir été encaissées toutes taxes comprises ; qu'il est constant que l'administration a considéré que les profits issus des opérations de crédit réalisées par la société requérante ont été exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; que ladite société ne saurait donc faire valoir utilement que les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge résultent " de contrats de prêts et non de prestations d'entremise " ;

16. Considérant, enfin, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale ; qu'en revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition ; qu'il résulte des constatations de fait de l'ordonnance en date du 24 juin 2011 par laquelle le vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Marseille a prononcé un non-lieu s'agissant de la procédure pénale ouverte à l'encontre de M. C...qui était accusé d'avoir commis un délit de blanchiment à titre habituel, de faux et d'usage de faux, que l'intéressé a créé des sociétés en Russie et en France, spécialisées dans le tourisme haut de gamme et l'acquisition de biens immobiliers en rapports étroits avec M. B...G..., investisseur et décideur de nationalité russe résidant ponctuellement dans la Principauté de Monaco, qui l'informait que des fonds dont l'origine n'a pu être clairement établie, étaient virés à partir de diverses sociétés de droit américain, anglais ou russe sur le compte de la société Immo International LLC, compte à partir duquel les fonds étaient ventilés sur les comptes des sociétés SCI Riviera Properties, Investimmo, et SARL RVG Consultants ; que si l'ordonnance de non-lieu susmentionnée est fondée sur ce que, " au terme de huit années d'instruction, les éléments recueillis permettaient certes d'avoir quelques certitudes sur la circonférence et les modalités des investissements immobiliers réalisés en France par les personnes mises en examen, restent cependant des incertitudes qui n'ont pu être levées du fait, notamment, des structures off-shore ayant financé par des transferts de fonds l'acquisition de biens immobiliers ", une telle qualification ne s'impose pas au juge de l'impôt dans le cadre de l'évaluation des bases d'imposition de la société OTC Immo International LLC ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société OTC Immo International LLC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu'elle ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société OTC Immo International LLC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société OTC Immo International LLC et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2013, où siégeaient :

- Mme Nakache, président de chambre,

- Mme E...et M. Emmanuelli, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 avril 2013.

Le rapporteur,

O. EMMANUELLILe président,

M. NAKACHE

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 10MA01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01151
Date de la décision : 09/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme NAKACHE
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : ZAMOUR ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-09;10ma01151 ?
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