Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 3 mai 2011, sous le n° 11MA01744, présentée pour la commune d'Ajaccio, représentée par son maire en exercice, par la SCP Roux - Lang-Cheymol - Canizares - le Fraper du Hellen -A... ;
La commune d'Ajaccio demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900902 en date du 3 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de la commune d'Ajaccio en date du 29 juillet 2009 et a enjoint à la commune de restituer et de réinstaller le portail des consorts C...;
2°) de mettre à la charge des consorts C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2013 :
- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me A...de la SCP Roux-Lang-Cheymol-Canizares-le Fraper du hellen-A..., pour la commune d'Ajaccio ; et de Me B...pour les consortsC... ;
1. Considérant que les consorts C...sont propriétaires de différentes parcelles aux lieux dits Loretto et Codimozzu sur le territoire de la commune d'Ajaccio ; que, par arrêté du 29 juillet 2009, le maire de la commune d'Ajaccio a décidé que " conformément à l'article R. 161-11 du code rural, est prononcée l'exécution d'urgence de procéder aux opérations d'enlèvement du portail affectant la circulation publique sur le chemin rural dénommé " la Carosaccia " ; que la commune interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté susvisé du maire de la commune d'Ajaccio en date du 29 juillet 2009, et a enjoint à la commune de restituer et de réinstaller le portail des consortsD... ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, ( ...) " ; qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux " ; qu' enfin l'article L. 161-4 du même code prévoit que : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire " ;
3. Considérant que les conclusions présentées par les consorts C...tendent à l'annulation d'un arrêté du maire d'Ajaccio, pris dans le cadre de ses pouvoirs de police, sur le fondement des dispositions susvisées du code général des collectivités territoriales et du code rural et de la pêche maritime et ne constituent pas, contrairement à ce que soutient la commune d'Ajaccio, une action en revendication de la propriété du chemin ; que, dans ces conditions, le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la demande d'annulation formulée par les consortsD... ; que les éléments produits au dossier permettent à la Cour, sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle au juge judiciaire, de se prononcer sur la propriété du chemin litigieux ; qu'il en résulte que l'exception d'incompétence de la juridiction administrative doit être rejetée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que l'éventuelle erreur commise par les premiers juges au sujet de la propriété et du statut juridique du chemin dit de la Carosaccia demeure sans incidence sur la régularité du jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune d'Ajaccio, les moyens invoqués par les consortsD..., à l'appui de leur demande d'annulation de l'arrêté litigieux n'étaient pas inopérants ; qu'en toute hypothèse, l'invocation de moyens inopérants demeure sans incidence sur la recevabilité de la requête ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a rejeté la fin de non-recevoir tirée par la commune d'Ajaccio de l'irrecevabilité de la demande d'annulation qui lui était soumise ;
Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2009 :
En ce qui concerne la nature du chemin :
6. Considérant que la commune d'Ajaccio soutient que les premiers juges auraient "dénaturé les pièces du dossier " en jugeant que la voie litigieuse ne constituait pas un chemin rural mais appartenait aux consortsD... ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; que selon l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) " ; que l'article L. 161-3 de ce code dispose : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées précitées des articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime qu'un chemin revêt un caractère rural s'il est affecté à l'usage du public ; que cette affectation est présumée soit, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage, soit par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale ;
9. Considérant que le portail dont l'arrêté litigieux a ordonné l'enlèvement est situé à l'entrée des parcelles n° 495 et 496, appartenant aux consortsD..., sur le chemin des Milelli, qui prolonge la route de Carosaccia , et non pas, comme le précise à tort l'arrêté litigieux, sur le chemin de la Carosaccia ; que les consorts C...ont produit un acte d'achat du 22 février 1937, qui mentionne l'acquisition par leurs grands parents d'une propriété comprenant différentes parcelles ainsi que le chemin des Milelli ; que ce bien leur a ensuite été dévolu par la voie successorale, la parcelle initialement cadastrée n° 451 ayant été scindée en deux parcelles cadastrées respectivement 495 et 496, séparées par le chemin des Milelli à l'entrée duquel un portail ferme l'accès à la propriété ; qu'il est ainsi clairement établi, comme l'a jugé le tribunal administratif de Bastia, que les requérants sont propriétaires du chemin des Milleli dans sa partie qui traverse les parcelles cadastrées 495 et 496 ; qu'il en résulte que les consorts C...doivent être regardés comme propriétaires du dit chemin sur lequel le portail a été installé ;
10. Considérant que, pour soutenir que le chemin en cause est affecté à l'usage du public, la commune d'Ajaccio se réfère à un rapport d'information de la police municipale constatant la fermeture de l'accès du dit chemin par un portail sans pour autant l'établir par la production du dit rapport ; qu'un avis public du maire informant les riverains de l'enlèvement du portail n'est pas, à lui seul, de nature à constituer la preuve d'actes réitérés de surveillance ; que l'installation du portail par les requérants n'établit pas l'affectation du chemin à l'usage du public, mais au contraire sa fermeture au public ; que l'utilisation de ce chemin comme voie de passage n'est donc pas établie par la commune ;
En ce qui concerne l'exercice du pouvoir de police du maire :
11. Considérant qu'une voie privée ne peut être réputée affectée à l'usage du public que si son ouverture à la circulation publique résulte du consentement, au moins tacite, des propriétaires ; que, de plus et à supposer même que la voie privée fût ouverte à la circulation publique, ce qui n'est nullement établi en l'espèce, les consorts C...pouvaient à tout moment, et dès lors qu'ils en étaient propriétaires, en interdire l'accès ; que le maire de la commune d'Ajaccio ne pouvait donc, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et en se fondant sur les dispositions du code rural, décider la réouverture dudit chemin au motif qu'il s'agissait d'un chemin rural sur lequel le portail litigieux entravait la circulation générale ; que, par suite, c'est à bon droit que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté litigieux ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de la commune d'Ajaccio par lequel ce dernier a ordonné l'enlèvement du portail ;
Sur l'injonction faite à la commune de restituer et de réinstaller le portail:
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
14. Considérant qu'eu égard à ce qui précède, c'est à bon droit que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a ordonné à la commune de réinstaller le portail litigieux ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune d'Ajaccio ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par les consorts C...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Ajaccio est rejetée.
Article 2 : La commune d'Ajaccio versera aux consorts C...une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ajaccio, à Mme G...C..., à Mlle H...C..., à Mme I...C..., à M. F...C...et à M. E...C....
''
''
''
''
N° 11MA01744 2
sm