Vu I°) la requête, enregistrée par télécopie le 13 janvier 2012 et régularisée par courrier le 17 janvier 2012, sous le n° 12MA00204, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;
Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104625 du 16 décembre 2011 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions en date du 21 octobre 2011 d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de renvoi prises à l'encontre de M. B... D... ;
2°) de confirmer la légalité de ces décisions ;
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Vu II°) la requête, enregistrée par télécopie le 7 mars 2012 et régularisée par courrier le 8 mars 2012, sous le n° 12MA00973, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;
Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104625 du 9 février 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision en date du 21 octobre 2011 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B...D... ;
2°) de confirmer la légalité de cette décision ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2013,
- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.D... ;
1. Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. B...D..., ressortissant tunisien, est entré régulièrement en France en septembre 2006 et a été titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " jusqu'au 18 octobre 2009 ; qu'il s'est marié le 11 octobre 2008 avec Mme A... E..., de nationalité russe, titulaire d'une carte de résident ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 21 octobre 2011 portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que le tribunal administratif de Nice, par un premier jugement en date du 16 décembre 2011, a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, et lui a ordonné de procéder, dans le délai d'un mois, au réexamen de la situation administrative de M.D... ; que, par un second jugement en date du 26 janvier 2012, le tribunal administratif de Nice a annulé le refus de séjour opposé à l'intéressé ; que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ces deux jugements ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré en France en septembre 2006 et a bénéficié, jusqu'au 18 octobre 2009, d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étudiant ; qu'il n'a épousé sa conjointe de nationalité russe, titulaire d'une carte de résident, que le 11 octobre 2008 et n'établit pas avoir vécu en concubinage avec sa future épouse avant son mariage ; que la fragilité affective alléguée de cette dernière n'a, par ailleurs, nullement été démontrée ; qu'en outre, M. D...n'établit, ni ne soutient, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans ; que s'il produit une attestation de travail en qualité de frigoriste, celle-ci ne concerne que la période du 7 au 24 juillet 2008, les bulletins de salaire produits pour la période de mai à septembre 2012 étant postérieurs à l'arrêté attaqué ; que, par suite, eu égard, notamment, au caractère très récent du mariage de l'intéressé, les décisions contestées en date du 21 octobre 2011 ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme étant entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ou comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D...une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé, pour les motifs précités, l'arrêté en date du 21 octobre 2011 du préfet des Alpes-Maritimes ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Nice ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral en date du 21 octobre 2011 refusant la délivrance du titre de séjour sollicité :
7. Considérant, en premier lieu, que M. Gérard Gavory, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes, signataire de l'arrêté contesté, a reçu délégation à l'effet de signer " tous arrêtés, actes, circulaires et décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département des Alpes-Maritimes à l'exception : / - des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 ; - des arrêtés portant convocation des collèges électoraux ; / - des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflits ", par l'arrêté n° 2011-695 du préfet en date du 13 septembre 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département des Alpes-Maritimes du même mois ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2011 doit être écarté comme manquant en fait ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la lecture de la décision attaquée que le préfet, qui a visé les principaux textes qui régissent le droit à l'entrée et au séjour en France des étrangers, a notamment indiqué que M. D...s'est marié le 11 octobre 2008 à Nice avec Mme A...E..., ressortissante de nationalité russe en situation régulière et qu'il entre donc dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de la procédure de regroupement familial si sa conjointe en fait la demande et s'il regagne, préalablement, son pays d'origine ; que ladite décision précise que l'intéressé a passé l'essentiel de son existence en Tunisie où il n'établit pas être sans attaches n'y être dans l'impossibilité d'y retourner ; que la décision contestée fait également état du fait que M. D...n'a produit aucun élément permettant d'établir qu'il disposerait de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa compagne ; qu'ainsi, la décision attaquée comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que M. D...n'est pas fondé à soutenir que le fait que son épouse, ancienne prostituée ayant rencontré des difficultés avec un réseau de proxénètes et se trouvant dans une situation de fragilité affective, constituerait un motif exceptionnel, au sens des dispositions précitées, justifiant la délivrance, à son profit, en tant qu'époux, d'un titre de séjour temporaire ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que, dans ce contexte, et alors même que M. D... indique qu'il est bien intégré en France, qu'il ne trouble pas l'ordre public et qu'il a noué des relations amicales avec des personnes rencontrées lors de ses études ou de ses différentes activités professionnelles, la décision par laquelle le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée des conséquences de ce refus sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral en date du 21 octobre 2011 refusant la délivrance du titre de séjour sollicité :
11. Considérant que l'illégalité du refus de séjour opposé à M. D...n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre ledit arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, ne peut qu'être écartée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté préfectoral en date du 21 octobre 2011 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, pris à l'encontre de M.D... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. D...la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements rendus respectivement par le tribunal administratif de Nice les 16 décembre 2011 et 9 février 2012 sont annulés en tant qu'ils ont annulé les décisions en date du 21 octobre 2011 portant rejet de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi, prises à l'encontre de M.D....
Article 2 : Les demandes présentées par M. D...devant le tribunal administratif de Nice et ses conclusions présentées en appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
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